Le théâtre avant tout Imagine-t-on la scène et le cinéma français sans Louis Jouvet ? Même si cette question peut, bien sûr, être appliquée à d'autres artistes, elle possède une acuité, une pertinence toute particulière concernant cet étonnant et prodigieux comédien. ''__La naissance de l'acteur''__ Commençons par une anecdote cruciale : Louis est un jeune enfant calme et réservé, un peu rêveur ; son maître d'école voudrait bien lui faire perdre le défaut de prononciation qui l'afflige. Il chuinte et hésite en parlant. Orphelin de père à 14 ans, il va vivre, avec sa mère et ses deux frères, chez son oncle pharmacien. Au collège, il participe à la troupe de théâtre animée par l'un de ses enseignants et cette activité devient une véritable passion, un peu au détriment de ses études. Il va suivre, à Paris, des études de sciences pour devenir également, selon le voeu de sa famille, pharmacien, mais il consacre son temps libre au théâtre. Il se présente trois fois aux examens du Conservatoire d'Art dramatique dans des scènes de l'Ecole des femmes de Molière, et est recalé chaque fois. On lui reproche sa mauvaise élocution et son apparence physique. Acteur amateur pendant ses études, sa rencontre avec Louis Noël, dont il devient l'élève, sera déterminante. Puis celle avec Jacques Copeau chez lequel travaille sa future épouse. En 1913, Louis obtient son diplôme de pharmacie et se joint à la troupe de Jacques Copeau pour la naissance du Théâtre du Vieux-Colombier. Polyvalent (acteur, machiniste, éclairagiste), il en devient une "pièce maîtresse". Il commence à être remarqué pour ses talents d'acteur par la critique et le public. Mais la guerre qui éclate va physiquement et moralement le marquer. ''__Le cinéma… malgré tout''__ Louis Jouvet fait un séjour à New York avec la troupe de Copeau, puis c'est la rupture entre les deux hommes. Jouvet prend, en 1922, la direction technique de la Comédie des Champs-Elysées. L'année suivante, il monte "Knock, ou le triomphe de la médecine" de Jules Romains. La collaboration entre Giraudoux et Louis Jouvet débute également à cette époque (1928) qui va valoir au directeur-acteur une célébrité très importante. Louis Jouvet n'a jamais caché un certain mépris pour le cinéma. Il le rend responsable de la décadence du théâtre : -"Incontestable", dit-il avec sa diction hachée… "Incontestable. L'improvisation règne… de nos jours… au théâtre! Influence des moeurs… cinématographiques…" Après avoir à plusieurs reprises refusé des propositions de producteurs de cinéma, accaparé par ses activités théâtrales, il accepte en 1932 de tourner dans le Topaze réalisé par Louis J. Gasnier tiré de Marcel Pagnol. Puis il se met ensuite lui-même aux commandes d'une version filmée de Knock. Après la Comédie des Champs-Elysées, Jouvet crée l'Athénée où il peut enfin monter "l'Ecole des femmes". Il décline, à trois reprises, l'offre de diriger la Comédie Française (il n'est pas un homme de compromis) mais accepte d'y effectuer deux mises en scène qui l'empêcheront de participer au tournage de La Grande illusion, où il devait incarner Boieldieu (rôle tenu par Pierre Fresnay). Puis, il est nommé professeur au Conservatoire d'art dramatique en 1934. Jouvet collabore au cinéma avec Feyder, Siodmak, Renoir, Pabst, Duvivier (notamment Carnet de bal et La Fin du jour), Carné, L'Herbier, Chenal. Mais c'est en 1938 que Entrée des artistes et surtout Hôtel du Nord lui vaudront la célébrité au cinéma. Il participe au Festival de Cannes fin-août 1939 pour défendre La Charrette fantôme de Julien Duvivier qui y sera présenté. Pendant les années de la seconde guerre (1941-1945), Jouvet, en exil artistique, organise plusieurs tournées théâtrales en Amérique du sud (Rio de Janeiro, Buenos Aires, Montevideo… ) et aux Antilles. De retour en France, après avoir rouvert l'Athénée, il joue dans deux de ses meilleurs films, Copie conforme (Jean Dréville – 1947) dans lequel Jouvet possède un double rôle et surtout Quai des Orfèvres de Henri-Georges Clouzot (1947) qui vient de signer deux magnifiques oeuvres, L'Assassin habite au 21 et Le Corbeau (1943). Louis Jouvet y fait une composition éblouissante de l'inspecteur de police Antoine d'une puissante humanité qui marquera l'histoire du cinéma et le film policier en particulier. La fin de la carrière cinématographique du "patron" est moins intéressante. Mais, bien qu'inimitable, il nous a laissé assez de repères pour influencer la scène et le cinéma en particulier pendant plusieurs génération.Louis Jouvet est décédé le 16 août 1951 alors qu'il répétait la pièce La Puissance et la Gloire, d'après Graham Greene. |
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