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Sujet : Adieu Jouvet, bienvenue Audiard


De LaurentS, le 8 janvier 2007 à 23:36

Etonnant de penser que dans son dernier film, tourné pendant le chaud mois de juillet 1951, un mois avant sa disparition, Louis Jouvet disait les premiers dialogues signés Michel Audiard au cinéma. Blasé, à bout de souffle, un inspecteur solitaire fait du zèle et enquête sur le suicide de deux jeunes gens, découverts enlacés dans l'épave d'un car au milieu d'un terrain vague. A première vue rien de suspect, d'ailleurs tout est clair, il s'agit bien d'un suicide par double empoisonnement. Mais pourquoi deux jeunes amoureux en arrivent là ? Histoire de voir, d'emmerder le monde peut être, l'inspecteur va fouiller dans les familles. Certaines parties du film ont peut être un peu vieilli, mais certaines parties du dialogue font encore rêver :

L'INSPECTEUR : "La stupidité congénitale n'est pas prévue par le code, aucune loi n'interdit aux imbéciles de faire des enfants"


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De Commissaire Juve, le 26 juin 2014 à 20:49
Note du film : 5/6

Le film vient de sortir en DVD chez LCJ. On aurait pu rêver mieux, mais le transfert vidéo n'est pas trop mal. Et le film, lui, est vraiment bien. Une belle façon de tirer sa révérence pour Louis Jouvet.


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De Tamatoa, le 26 juin 2014 à 23:13
Note du film : 4/6

Sa plus belle révérence il l'aurait tiré sur scène, comme Molière, si la mort avait eu un peu plus de patience… Il répétait La puissance et la gloire de Graham Greene. Il s'est écroulé devant le bar du théâtre de l'Athénée, ce beau théâtre à l'italienne. Mais vous avez raison (comme souvent) m'sieur l'commissaire, ce film est excellent !


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De Tamatoa, le 12 juillet 2014 à 21:11
Note du film : 4/6

Or donc, Jouvet tirait là sa révérence… Une dernière fois, il vient de sa démarche inimitable (ah ! Jouvet entrant dans le casino dans Les bas-fonds) et de son phrasé unique (que serait Volpone sans ce syntagme si particulier ?) il vient, dis-je, se tremper les chaussures dans ce qui le rebute le plus : la connerie humaine. Sans mettre de gants. "-J'ai pas les moyens d'm'en payer-" répondait-il à son associé dans Quai des orfèvres quand il travaillait sur "une huile". De son regard noir consterné par le vacarme de la vie, il avale un chagrin qui ne le regarde pas. Pour s’intéresser à ceux qui l'ont provoqué. De flashbacks en flashbacks, il va se faire une opinion et rendre à la vérité de qui lui appartient. Pourtant la vérité et Jouvet, ça fait deux. Il n'a pas toujours voulu la voir la vérité notre grand homme. Il lui a été bien difficile d'avouer à Annabella qu'il était en fin de compte un vieux romantique dans Hôtel du Nord. Dans Drôle de drame, l'évêque de Bedford qu'il était n'avouait pas sa passion pour les femmes légères de l'Alcazar. Pierre Verdier qui disait si bien Verlaine dans Un Carnet de bal a t-il avoué à Christine qu'il s'était trompé de route ? Le Mosca de Volpone accumulera les mensonges pour mieux flouer les nantis de Venise et Saint-Clair de La fin du jour se mentira jusqu'à la mort, refusant de vieillir… Seul, Un revenant de loin, de l'ombre, la rétablira "sa" vérité avant de repartir dans sa nuit..

Face à un Marcel Herrand vieillissant lui aussi, (il s'éteindra deux ans plus tard) Jouvet provoque encore la grande bourgeoisie sans y mettre les formes nécessaires. Peu lui importe et il est, à son habitude, magnifique de rouerie pour arriver à ses fins. Il faut dire que Audiard connait son homme et lui a écrit un rôle et des dialogues sur mesure. Il démarre fort, le futur papa des Tontons flingueurs. D'autant que l'histoire, genre de drame social très noir, tient fort bien la route.Clouzot aurait pu s’atteler à cette Histoire d'amour. Évidemment, on aurait préféré que Jouvet n'enquêtât pas post mortem. Je veux dire qu'il eut été préférable qu'il enquêtât sur un fait divers, lequel aurait entrainé la mort des gosses. Ainsi, nous aurions pu nous délecter de la fraicheur de Dany Robin face au vécu de l'inspecteur blasé Floche. Rencontre qui aurait sûrement ressemblé à celle, si pudique pour d'autres raisons, de M. Edmond et Renée dans la nuit de l'Hôtel du nord, la joie de vivre éclatante de Dany Robin succédant au désespoir d' Annabella… Mais la réalisation de Guy Lefranc, qui l'année auparavant avait fait de Jouvet un Knock pour l'éternité, est bien assez fluide pour que les flashbacks à répétition ne heurtent pas les scènes du présent. On peut émettre un doute sur l'imagination débordante que Jouvet déploie pour se faire une opinion sur des "on dit". Mais c'est Jouvet et pas François Cluzet et ça change tout. L'immense comédien est capable de tout nous faire avaler. Et on y croit quand la crasse humaine nous est expliquée par sa bouche essoufflée. Le seul regret c'est que le choix de Daniel Gélin pour incarner ce Roméo (l'histoire des Capulet et des Montaigu est à portée de main) n'est pas très heureux. Il y est trop fade dans cette Histoire à côté d'une Dany Robin éclatante de jeunesse et d'espoirs. C'est le défaut principal d'un film qui aurait pu prétendre à être un très, très grand film sans cela. Bien construit, fluide, très agréablement servi par des acteurs dont, mille fois hélas, la légende s'éteint au fil du temps.

Pour l'anecdote, à signaler la présence d'un jeune figurant qui accumulait les silhouettes pour gagner sa vie. René de Obaldia, le futur auteur du mémorable Du vent dans les branches de Sassafras à qui Michel Simon donnera ses lettres de noblesse au théâtre. Un figurant à qui Jouvet demande : "- On a des nouvelles des suicidés du car ?-" et qui doit juste répondre "- Non, aucune nouvelle !-". Il fallut pas moins de onze prises tellement l'écrivain en herbe tremblait de donner la réplique à son idole… Guy Lefranc renonça et Obaldia resta muet. L'écrivain s'en souviendra tellement qu'il en parlera dans son discours de réception à l'Académie Française.

Quelle critique faire encore ? Aucune ou certaines que l'on veut oublier, à part sûrement critiquer la mort bien pressée qui nous enleva trois mois plus tard un des plus grands acteurs que le septième art ait connu. Dans le film, Jouvet dit :"-Bon sang, on se croirait au cinéma. Je n'ai pas envie de partir tout de suite..-" Hélas … Adieu Jouvet ! C'était La fin du jour et il n'y aura pas de Retour à la vie. Une histoire d'amour entre vous et nous qui durera longtemps encore, si tant est que les éditeurs fassent leur boulot… Parce que c'était bien. Très bien.

Salut ! Merci .


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De Impétueux, le 13 juillet 2014 à 19:14
Note du film : 3/6

Que dire, sinon que vous donnez drôlement envie de le voir, ce film-là !!!


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De Impétueux, le 17 octobre 2014 à 18:42
Note du film : 3/6

J'ai suffisamment d'intérêt pour le passé et l'histoire du cinéma pour ne pas regretter d'avoir vu Une histoire d'amour, mais, bien franchement, c'est assez moyen et banal, à mes yeux. Si ce n'était, donc, le dernier film tourné par l'éblouissant Louis Jouvet, l'antépénultième de la crapule élégante Marcel Herrand et, à rebours la seulement troisième collaboration de Michel Audiard au 7ème Art (il faut qu'il se fasse encore un peu la main), franchement, qu'est-ce qu'on retiendrait de ça ?

Herrand et Jouvet mis à part, sûrement un peu le charmant minois de Dany Robin, qui, quelques années auparavant, avait été déjà la partenaire de Jouvet dans l'excellent Les amoureux sont seuls au monde, la première apparition à l'écran en deux secondes et demi de Daniel Ceccaldi, celle (plus longue) de l'extravagante Renée Passeur (Léa, la compagne d'Auguste/Chamarat, celui-ci assez décevant, au demeurant). Et c'est à peu près tout.

À mes yeux, le principal défaut du film, outre la construction en flashbacks un peu trop complexe pour la modestie des moyens du réalisateur Guy Lefranc, est l'absence totale d'épaisseur des personnages qui rend l'histoire absolument invraisemblable ou, plus exactement, extérieure à toute empathie. La seule scène qui me paraît vraiment réussie (mais elle l'est très bien, je trouve), c'est celle du coup de foudre entre les deux jeunes gens, lors de la soirée donnée par les grands bourgeois Mareuil (Marcel Herrand et Yolande Laffon) ; soirée grand-bourgeoise qui m'a fait songer à celles de L'étrange Madame X ou de Édouard et Caroline : derniers feux d'un monde qui n'est plus.

Mais, par exemple, en tout début du film, une fois le suicide de Jean et Catherine découvert, voyez l'attitude des parents qui, si péteux et égoïstes qu'ils sont, devraient tout de même montrer un minimum d'affliction et se comportent seulement comme si on venait de retrouver leurs enfants en pleine fornication, ce qui est gênant, mais nullement irrémédiable. Et puis on ne voit pas du tout venir la tragédie, la désespérance : les amoureux semblent enquiquinés par leurs familles mais en aucun cas persécutés au point d'avaler du cyanure ; et comme on sait dès les premières images que ça se terminera par la mort des tourtereaux, on ne cesse de guetter un point de rupture qui n'arrive jamais : on ne peut pas, pendant tout un film, adopter le ton (d'ailleurs peu acide) de la satire et, en un clin d’œil, passer au drame…

On sait bien que Louis Jouvet tournait des films dont il n'était pas très satisfait pour faire vivre son théâtre de l’Athénée ; on le comprend et on l'aime. Mais on regrette que une histoire d'amour soit sa dernière trace, comme on regrette que la dernière de Jean Gabin soit L'année sainte.


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