Voilà un drôle de film, maladroit, irritant, fatigant, exaspérant, ridicule, même assez souvent, mais qu'on regarde tout de même avec grand intérêt, grâce à la force du sujet (l'histoire des meurtrières sœurs Papin, reprise, enluminée, portée au niveau de la légende dans La cérémonie de Claude Chabrol ou Les blessures assassines de Jean-Pierre Denis).

Comme Les Abysses est une adaptation cinématographique d'une pièce de théâtre de l'ostentatoire Jean Genet (qui s'intitule Les bonnes), c'est plus qu'il n'en faut verbeux, grandiloquent, ostentatoire, frénétique. C'est assez souvent à la limite inférieure du grotesque, porté et assis sur les grands traits caricaturaux de la scène. Les dialogues sont terriblement écrits, assez souvent déclamatoires et emphatiques ; les situations sont outrées, paraboliques, maladroitement amenées, et les personnages semblent être des archétypes uniquement placés là pour la commodité des démonstrations.

Et pourtant ça capte l'attention ; qualité extrême de la photo, de la composition des images (venant pourtant d'un cinéaste qui n'a pas laissé trace dans l'histoire du cinéma !), jeu excellent d'acteurs qui dépassent l'outrance du récit et qui, au delà de l'artifice, s'installent dans leur rôle ; atmosphère glauque, vénéneuse, malsaine, hystérique qui se dégrade de séquence en séquence…

En plus on sent, dans la maison, ce parfum d'encaustique et d'humidité d'une province sûrie, on ressent la crasse omniprésente, et le bruit des vaisselles cassées. On ne peut pas dire qu'on apprécie, mais on regarde avec un trouble plaisir malsain. Allez savoir si, le DVD rangé, on ne va pas le regarder une autre fois…?