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Avec Clouzot, même les bluettes fonctionnent !


De Impétueux, le 28 septembre 2018 à 17:45
Note du film : 4/6

Voilà le DVD édité, à l'image restaurée mais au son un peu faible. La mince filmographie d'Henri-Georges Clouzot est donc désormais à peu près complète, ce qui n'est que justice pour un des quatre ou cinq réalisateurs français majeurs. Et au sein de cette œuvre souvent violente ou sarcastique ou amère (et quelquefois les trois à la fois), cette très singulière adaptation d'un des inusables succès théâtraux de Robert de Flers et de Gaston de Caillavet, également immortels auteurs de L'habit vert. Cette version est d'ailleurs la troisième au cinéma, après celle d'Henri Diamant-Berger en 1934 (avec Blanche Montel, Roland Toutain, André Alerme, Michel Simon) et celle de Jean Boyer en 1940 (avec Lilian Harvey, Lucien Baroux, André Lefaur et Daniel Clérice).

Vaudeville inusable et habile, Miquette et sa mère n'est pourtant jamais que du théâtre – et du théâtre qui se moque du théâtre – avec ses trucs, ses ficelles, ses quiproquos, ses tirades, ses clins d'œil. Lorsque c'est aussi talentueux et bien fichu, ça passe aisément la rampe, mais enfin, ça n'a tout de même pas grand chose à voir avec le cinéma et surtout avec ce que Clouzot fera avant – Le corbeau et Quai des Orfèvres – et ce qu'il fera après – Le salaire de la peur et Les Diaboliques. On ne voit d'ailleurs pas comment on pourrait gommer le côté Cour et Jardin, même si l'on multipliait les prises de vues en extérieur : on le tente quelquefois (même le cher Sacha Guitry s'y est essayé) mais ça ne marche pas : le spectateur un peu éveillé perçoit tout de suite le rythme particulier de la scène, qui n'est pas celui de l'écran.

Dès lors, l'idée du réalisateur a été d'accentuer – et quelquefois jusqu'à la caricature – le caractère de théâtre filmé de son film : ainsi, par exemple les apartés que multiplie le marquis de la Tour-Mirande (Saturnin Fabre) lorsqu'il essaye d'embobiner Miquette (Danièle Delorme) après qu'il l'a entraînée à Paris pour la lancer sur les scènes de la capitale ; ainsi la multiplication des vues sur les coulisses du spectacle joué on ne sait où (du côté d'Évian ou d'Aix-les-Bains), le côté toiles peintes des décors et bricolage habile des bruiteurs. Et cette accentuation fonctionne assez bien.

Parce que – j'y reviens ! – la pièce est agréablement tournée : trois actes, en fait. Au premier, dans une grise petite ville de province, les rêveries de Miquette, une toute jeune fille, très couvée par sa mère (Mireille Perrey). Miquette Grandier aimerait devenir comédienne et connaître l'amour avec le nigaud comte Urbain de la Tour-Mirande (Bourvil), qui l'aime aussi mais qui est promis par son oncle, le marquis (Saturnin Fabre, donc) a un mariage fructueux avec une riche et laide héritière (- Celle qui a le nez de travers ? – Il la regardera de profil et elle apporte 3 millions en dot ou, si vous préférez, en dommages-intérêts !).

Quiproquos et méprises aidant, Miquette part pour Paris afin de rejoindre la troupe poussiéreuse et minable du cabot Monchablon (Louis Jouvet), prétendument chaperonnée par le marquis, qui ne dédaignerait pas de goûter à l'oiselle à la place de son neveu. Mme Grandier mère rejoint les fugitifs mais se laisse embobiner par la magie des tournées et tout le monde se retrouve en province. Ce deuxième segment – ce deuxième acte – est d'assez loin le plus faible. Et au troisième acte, lors d'une représentation qui manque tourner aussi mal que celle d'Hellzapoppin, tout s'arrange, Miquette retrouve Urbain, sa mère épouse le marquis et Monchablon bénit les amours venues et à venir.

Ce genre ne peut bien entendu s'épanouir que si les acteurs sont au premier plan ; c'est le cas ici, à une réserve près sur quoi je reviendrai. Impeccables seconds rôles du premier acte dans la petite ville de province où tous s'épient et où tous cancanent (Pauline Carton, Jeanne Fusier-Gir, Louis Seigner en évêque) ; belles silhouettes de comédiens fauchés (Jean Temerson, Maurice Schutz, Madeleine Suffel). Et, si les actrices sont bonnes (la toute jeune Danièle Delorme dont c'était presque le premier rôle en premier plan et Mireille Perrey qui parvient à rendre vraisemblable son rôle fantaisiste), Saturnin Fabre, étincelant et Louis Jouvet, parfait, dominent le sujet.

Bémol malencontreux, Bourvil. Je sais combien l'acteur avait des ressources incroyables et combien il a pu le montrer quand des réalisateurs non conformistes lui ont donné la chance de jouer autre chose que les gugusses normands (Autant-Lara, Melville et même Le Chanois, Cayatte et Mocky). Mais en 1949, c'est encore le personnage du benêt insupportable qui l'emporte. Pénible impression : je gage que Roland Toutain, dans la version de 1934, était plus conforme au personnage.

Bon. Vétilles que tout cela : je ne puis pas dire que si le film n'avait pas été signé Clouzot, je l'aurais acquis et regardé ; mais divertissement agréable de qualité… N'est pas belle, la vie ?


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De Impétueux, le 20 octobre 2004 à 19:00
Note du film : 4/6

Un film de Clouzot n'est jamais à négliger ; dans la carrière de ce grand metteur en scène, j'ignore si ce Miquette et sa mère, reprise d'une pièce à succès de Robert de Flers et de Gaston de Caillavet, déjà tournée avant-guerre par Diamant-Berger est, ou non, une oeuvre de commande. Je crois plutôt que Clouzot avait saisi la face pathétique de ces tournées de comédiens plus ou moins ratés (assez souvent plus que moins) et qu'il a su en faire un film où la cruauté du regard voisine avec la tendresse.


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