Dès lors, l'idée du réalisateur a été d'accentuer – et quelquefois jusqu'à la caricature – le caractère de théâtre filmé de son film : ainsi, par exemple les apartés que multiplie le marquis de la Tour-Mirande (Saturnin Fabre) lorsqu'il essaye d'embobiner Miquette (Danièle Delorme) après qu'il l'a entraînée à Paris pour la lancer sur les scènes de la capitale ; ainsi la multiplication des vues sur les coulisses du spectacle joué on ne sait où (du côté d'Évian ou d'Aix-les-Bains), le côté toiles peintes des décors et bricolage habile des bruiteurs. Et cette accentuation fonctionne assez bien.
Parce que – j'y reviens ! – la pièce est agréablement tournée : trois actes, en fait. Au premier, dans une grise petite ville de province, les rêveries de Miquette, une toute jeune fille, très couvée par sa mère (Mireille Perrey). Miquette Grandier aimerait devenir comédienne et connaître l'amour avec le nigaud comte Urbain de la Tour-Mirande (Bourvil), qui l'aime aussi mais qui est promis par son oncle, le marquis (Saturnin Fabre, donc) a un mariage fructueux avec une riche et laide héritière (- Celle qui a le nez de travers ? – Il la regardera de profil et elle apporte 3 millions en dot ou, si vous préférez, en dommages-intérêts !).Quiproquos et méprises aidant, Miquette part pour Paris afin de rejoindre la troupe poussiéreuse et minable du cabot Monchablon (Louis Jouvet), prétendument chaperonnée par le marquis, qui ne dédaignerait pas de goûter à l'oiselle à la place de son neveu. Mme Grandier mère rejoint les fugitifs mais se laisse embobiner par la magie des tournées et tout le monde se retrouve en province. Ce deuxième segment – ce deuxième acte – est d'assez loin le plus faible. Et au troisième acte, lors d'une représentation qui manque tourner aussi mal que celle d'Hellzapoppin, tout s'arrange, Miquette retrouve Urbain, sa mère épouse le marquis et Monchablon bénit les amours venues et à venir.
Ce genre ne peut bien entendu s'épanouir que si les acteurs sont au premier plan ; c'est le cas ici, à une réserve près sur quoi je reviendrai. Impeccables seconds rôles du premier acte dans la petite ville de province où tous s'épient et où tous cancanent (Pauline Carton, Jeanne Fusier-Gir, Louis Seigner en évêque) ; belles silhouettes de comédiens fauchés (Jean Temerson, Maurice Schutz, Madeleine Suffel). Et, si les actrices sont bonnes (la toute jeune Danièle Delorme dont c'était presque le premier rôle en premier plan et Mireille Perrey qui parvient à rendre vraisemblable son rôle fantaisiste), Saturnin Fabre, étincelant et Louis Jouvet, parfait, dominent le sujet.Bémol malencontreux, Bourvil. Je sais combien l'acteur avait des ressources incroyables et combien il a pu le montrer quand des réalisateurs non conformistes lui ont donné la chance de jouer autre chose que les gugusses normands (Autant-Lara, Melville et même Le Chanois, Cayatte et Mocky). Mais en 1949, c'est encore le personnage du benêt insupportable qui l'emporte. Pénible impression : je gage que Roland Toutain, dans la version de 1934, était plus conforme au personnage.
Bon. Vétilles que tout cela : je ne puis pas dire que si le film n'avait pas été signé Clouzot, je l'aurais acquis et regardé ; mais divertissement agréable de qualité… N'est pas belle, la vie ?
Un film de Clouzot n'est jamais à négliger ; dans la carrière de ce grand metteur en scène, j'ignore si ce Miquette et sa mère, reprise d'une pièce à succès de Robert de Flers et de Gaston de Caillavet, déjà tournée avant-guerre par Diamant-Berger est, ou non, une oeuvre de commande. Je crois plutôt que Clouzot avait saisi la face pathétique de ces tournées de comédiens plus ou moins ratés (assez souvent plus que moins) et qu'il a su en faire un film où la cruauté du regard voisine avec la tendresse.
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