"Je suis né en 1895, et comme un malheur n'arrive jamais seul, cette année là les Frères Lumière inventaient le cinématographe." Celui que Charlie Chaplin considérait comme le plus grand acteur du monde est né en Suisse. Fils de charcutier, rien, a priori, ne le prédisposait à devenir comédien. D'ailleurs, sa trajectoire n'a pas été rectiligne : conscrit dans l'armée suisse pendant le première guerre mondiale, il en a été renvoyé pour le double motif de tuberculose et insubordination manifeste. Boxeur, photographe, bricoleur, anarchiste de droite (!) et finalement acteur de théâtre en 1920 à Genève. Il acquiert rapidement une bonne réputation et se rend à Paris en 1923. Son premier (petit) rôle au cinéma est dans La Galerie des monstres de Jaque Catelain et Marcel L'Herbier puis dans La Passion de Jeanne d'Arc de Carl Theodor Dreyer. C'est le film de Jean Renoir, La Chienne (1931) qui lui donne la notoriété, dans un rôle principal exigeant et une sombre histoire. Avec le même réalisateur, il tourne et produit, l'année suivante, le célèbre Boudu sauvé des eaux, une comédie acide dans laquelle il est quasiment parfait (peut-être parce que le personnage lui ressemble beaucoup !). L'Atalante de Jean Vigo en 1933 le présente sous les traits du père Jules chargé de retrouver l'épouse de son ami Jean (Jean Dasté). Après quelques années pendant lesquelles il joue dans des films à la qualité inégale, il rencontre, en 1937, pour la première fois au cinéma (au théâtre, la rencontre a déjà eu lieu) Louis Jouvet dans Drôle de drame de Marcel Carné. Le mélange de ces personnalités uniques (conjugué aux talents de Jacques Prévert, Françoise Rosay et Jean-Louis Barrault) est formidable. Le film est un classique, célèbre pour sa fameuse réplique : "Moi j'ai dit bizarre, bizarre ? Comme c'est étrange…". L'année suivante, il incarne Lemel, le professeur de dessin dans Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque et retrouve Marcel Carné pour Quai des brumes aux côtés de Jean Gabin et Michèle Morgan. Julien Duvivier réunit à nouveau, en 1939, le duo Michel Simon-Louis Jouvet dans La Fin du jour. Ce n'est plus une comédie, même grinçante, mais un drame pessimiste (nous sommes à la veille de la guerre) qui traite de la célébrité, de la vieillesse et de l'égoïsme. Duvivier réussit, avec un talent peu commun, à faire émerger l'émotion de la noirceur. Suivent des films avec Pierre Chenal, Claude Autant-Lara, Fernandel, Arletty, Andrex, son fils, François Simon, Gaby Morlay, Claude Dauphin, Micheline Presle… Il tourne plusieurs fois en Italie à partir de 1940, revient en France pour Au bonheur des dames d'André Cayatte. En 1946, il tient le rôle de M. Hire, cet inquiétant personnage de Panique, deuxième film avec Julien Duvivier (qui a fait l'objet d'un remake par Patrice Leconte en 1989 avec Michel Blanc). Un film en costumes (romains) dans l'italien Fabiola en 1949, et un autre (celui du diable !) dans La Beauté du diable, seule oeuvre commune avec René Clair et Gérard Philipe. Sacha Guitry entame sa troisième période cinématographique en 1951 (la plus intéressante) en lui signant une dédicace dans La Poison (ils ont déjà tourné ensemble en 1937). Pourtant les années 1950 et le début des années 1960 ne seront pas une période très faste pour le comédien. Il faudra attendre 1964 pour le voir dans une production américaine, Le Train de John Frankenheimer et surtout 1967 avec le chef-d'oeuvre de Claude Berri, Le Vieil homme et l'enfant. Michel Simon a la maturité (72 ans) rassurante et attachante. Ce film sera son chant du cygne, même s'il tournera, dans les années suivantes, avec les italiens Luigi Zampa et Ettore Scola (le très beau La Più bella serata della mia vita) ainsi qu'avec le polonais Walerian Borowczyk. Le seul qui lui permettra de recevoir une récompense, un Ours d'argent de meilleur comédien au Festival international du film de Berlin. Jérôme Savary et Jean-Pierre Mocky sont les réalisateurs des deux derniers films de Michel Simon. Un Prix Michel Simon, décerné chaque année à une jeune comédienne et un jeune comédien, révélé dans un long-métrage de l'année, a été créé en 1989 au sein du Festival Les Acteurs à L'Ecran de Saint-Denis. Pourtant, Michel Simon n'est plus beaucoup évoqué aujourd'hui, peu de ses près de cent films sont édités en DVD. Il est, toutefois, l'un des acteurs les plus importants du cinéma français, l'un de ceux dont il faut prendre exemple. AlHolg |
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