En 1958, François Villiers tourne L'eau vive,
une sorte d'histoire de la domestication de la Durance et de la construction de l'immense barrage de Serre-Ponçon, à proximité de Gap, sous la houlette sourcilleuse de Giono
lui-même et de son scénariste Alain Allioux. Le film doit être réalisé sur plusieurs années et suivre la construction de l'ouvrage. Autant dire qu'entre les saisons, il y a d'immenses plages de temps.
Et comme l'idée d'adapter Le hussard tourne dans la tête de l'écrivain, qui a toujours été mécontent des trahisons que Pagnol a fait subir à Un de Baumugnes (Angèle)
, à Jean le bleu (La femme du boulanger)
, à Regain,
Mais il y a des problèmes de financement et aussi, beaucoup, on n'arrive pas à choisir l'acteur qui incarnera Angelo Pardi. Certains suggèrent Franco Interlenghi,
la plupart aimeraient Gérard Philipe.
Giono
n'est pas très intéressé par le premier, et il déteste le second ; il ira même jusqu'à dire qu'il préférerait que Michel Simon
interprète le séduisant Angelo, parce que lui, au moins, il sait jouer !. À force de tergiverser, le film, que successivement René Clément,
François Villiers,
Christian Marquand,
Luis Bunuel
(avec Alain Delon)
, Frédéric Rossif
avaient projeté de tourner ne se fera qu'en 1995 avec l'intéressante vision de Jean-Paul Rappeneau.
L'idée est là et l'idée est simple : faire entrer d'emblée le spectateur dans ce qui sera plus que le décor, mais, à vraiment parler, le monde du Hussard : le choléra, l'épidémie de choléra qui va ravager la Provence de 1832. Et la qualité forte est de le faire représenter par le parapluie bleu qui est à la fois la protection et la réclame d'un colporteur qui parcourt la campagne avec son ballot de foulards de Smyrne acheté en contrebande à un navire qui, à Toulon, a forcé la quarantaine. C'est le parapluie – et le parapluie seul (on ne voit jamais le visage de celui qui le porte) – qui va répandre dans toute la contrée les miasmes de l'épidémie.
Première image : un homme dissimulé sous un grand parapluie bleu arrive dans une grande bastide isolée mais qu’on devine opulente. Puis la voix de GionoSuivant les pérégrinations du colporteur, toujours invisible sous l'abri de son grand parapluie bleu, le court-métrage découvre les tables abandonnées, les outils laissés ici et là, les maisons dont les portes et les fenêtres battent dans le vide. C'est un parti-pris uniquement visuel, sans autre son que le commentaire off dit par Giono qui conclut Ce fut le plus beau débarquement de choléra asiatique qu'on ait jamais vu. Exactement ce que dans le livre – et dans le film le petit médecin (François Cluzet)
– dit à Angelo (Olivier Martinez)
qui se demande ce qui se passe dans le pays.
La mort qui rôde, tout simplement. Et en riant.
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