… me demande quelquefois : "- Il n'y a pas un gentil p'tit truc à la télé, ce soir ?-"
Et bien voilà : La mort en fuite c'est un gentil p'tit truc comme André Berthomieu
avait l'habitude d'en servir aux amateurs pendant les années 30/40/50. Et il fut prolixe en la matière notre homme. Citons, entre autres : La joyeuse prison,
Pigalle-St-Germain-des-Prés,
Amours, délices et orgues,
Dédé la musique,
et sa période Bourvil
avec Le roi Pandore,
Blanc comme neige,
Pas si bête,
le cœur sur la main, je vous en passe et des meilleurs !
Des "historiettes" sans aucunes prétentions sinon celle de faire se mouvoir des gens que l'on aime bien. Alors, comme dit l'autre : "-On va pas s'mentir !..-" : La mort en fuite, est à l'image de son affiche. Il ne faut pas être difficile ! J'en profite pour dire que les "affichistes" (?) pourraient quelques fois faire preuve d'un peu plus d'imagination. Donc, un film que l'on ne peut pas qualifier de nanard, mais qui ne se rapproche pas du chef-d’œuvre pour autant. Nous dirons donc que nous sommes en présence d'un nanar-d’œuvre. Un scénario, des acteurs, une mise en scène dans un grand carton sympa.
Deux misérables cabotins, Trignol et Baluchet, imaginent pour conquérir la gloire de simuler un meurtre : Baluchet devra assassiner Trignol qui disparaîtra quelque temps pour réapparaître aux assises. Mais le jour dit, il ne vient pas. Il a été arrêté à la place d'un général révolutionnaire. Il s'évade heureusement juste à temps pour sauver son ami.
Les acteurs en font des tonnes. C'est une habitude chez eux, mais là et de plus, c'est leurs rôles de cabots qui l'exigent. Pensez si ils sont aux anges. Un coup de chapeau à Jules Berry qui doit expliquer qu'il est comédien à des militaires ne parlant pas français. Grand moment ! Et je suppute que notre ami Patrice Leconte
a vu cette séquence et s'en est souvenu pour Les grands ducs
quand Noiret
se retrouve dans la même position avec des flics. Gens qui, eux, ne comprennent aucune langue… Et voir Michel Simon
feindre être un assassin sanguinaire est un régal. Il aurait tué son compagnon pour l'amour de la belle Myrra. Myrra, c'est Marie Glory,
celle qui accompagna Maurice Chevalier
dans le très enlevé Avec le sourire
dont je reviendrai vous parler. Ce film nous permet de visiter les coulisses d'un music-hall. Nous faire partager la vie des artistes, les loges, le travail du régisseur. Un peu comme dans Quai des Orfèvres
ou Les Enfants du paradis.
En plus intimiste. Mais les caprices de vedettes et les arrangements foireux avec le directeur avare sont bien décrits. Il nous semble par moments retrouver Monsieur Meyerboom, Leon Bélières
dans le Le Schpountz
…
Un réel suspens s'installe. Baluchet/Simon sera-t-il exécuté ? Trignol/Berry
arrivera-t-il à temps pour le disculper ? Se débarrassera-t-il de cette Olga qui le prend pour Mikael Popov, ancien dictateur polonais dont il est le sosie exact ? Bien sur que oui, mais in-extrémis ! Réussiront-ils alors leur énorme coup de pub et parviendront-ils ainsi au vedettariat tant attendu ? Pas si sûr…. Mais le plus déçu sera, sans nulle doute, l'avocat de Baluchet/Simon,
comédien raté à la plaidoirie emphatique.
Allez ! Un bon moment quand même, avec ce nanar-d’œuvre là. Un 3/6 parce que ça ne vaut pas plus, mais un vote pour ne pas qu'il ne soit pas oublié…
En tout cas, La mort en fuite que je n'ai plus vu depuis dix ans au moins, vaut davantage que 3, dans mon souvenir… Simon
et Berry
dans la dèche, pauvres silhouettes agacées, c'est déjà délicieux…
Je vais bien loin pour une si petite chose, agréable, séduisante, amusante, mais sans beaucoup de relief, qui a le seul – et grand – mérite de laisser libre cours à deux immenses acteurs, Michel Simon et Jules Berry,
les autres, tous les autres, n'étant que des faire-valoir assez insignifiants. Y compris Marie Glory,
qui eut son heure de gloire en divette légère ? Mais oui, y compris celle -là dont on attend pourtant avec impatience que soit enfin édité le film majeur, Dactylo
de Wilhelm Thiele.
C'est là que j'aurais aimé – chose impossible – qu'il y eut un peu de vertigineuse cruauté et que l'habile machination se conclût par une double exécution dérisoire, dans la double épouvante de ceux qui ont voulu jouer et qui ont été pris à leur propre jeu. Mais demander ça à André Berthomieu et à l'esprit de l'époque était trop exagéré. Pour autant, il y a tout de même une assez jolie goutte de fiel pour conclure l'aventure : les deux comédiens qui espéraient tirer de leurs aventures, amplement relatées par la presse, un profit substantiel et devenir des vedettes à part entière sont finalement confinés à demeurer en sortes de cariatides à l'entrée du music-hall, où l'étoile de Myra brille de tous ses feux. Voilà une jolie morale : La pierre tombe sur l'œuf, tant pis pour l'œuf; l'œuftombe sur la pierre, tant pis pour l'œuf.
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