On doit, avant tout, remercier la grand-mère de Claude Sautet, l'acteur Lino Ventura et le scénariste Jean-Loup Dabadie. La première, pour lui avoir donné le goût du cinéma en l'emmenant voit des films à la sortie de l'école. Le deuxième, pour l'avoir poussé à passer à la réalisation et le dernier pour l'avoir convaincu d'y revenir, mais nous y reviendrons bientôt. Claude Sautet est né en région parisienne dans une famille modeste. Elève visiblement peu motivé, il est envoyé par son père comme pensionnaire dans un collège d'Orléans. Il y apprend surtout à aimer la musique en participant à une chorale. Art déco, puis l'I.D.H.E.C. ne réussissent pas à le retenir très longtemps. Assistant-réalisateur et scénariste, il participe au tournage du Fauve est lâché lorsque Maurice Labro, en désaccord avec son acteur principal, déclare forfait. Le producteur et Lino Ventura proclament en chœur : "Sautet va le finir !". A cette époque, celui-ci a un court-métrage à son actif et un premier long, Bonjour sourire, qu'il reniera tout au long de sa carrière. Dans ce cas également, il doit à l'abandon de Robert Dhery (qui continue toutefois de superviser le tournage) la réalisation "technique" d'un film qui lui est totalement étranger. Le Fauve est lâché est un succès et marque le début d'une longue amitié entre Ventura et Sautet. Les deux hommes tournent ensemble deux autres films, deux polars, Classe tous risque, sur un scénario de José Giovanni et L'Arme à gauche, une adaptation d'un roman de Charles Williams. Le tournage de ce dernier ne se déroule pas facilement et, bien qu'il soit vu par plus d'un millions de spectateurs en France à sa sortie, Sautet décide de ne plus réaliser de films. C'est Jean-Loup Dabadie qui, avec un script tiré du roman de Paul Guimard, Les Choses de la vie, lui fait changer d'avis. Plusieurs réalisateurs ont déjà renoncé au film. Sautet y voit un défi, notamment celui de la mise en scène de la séquence capitale de l'accident ; il y voit également la possibilité de traiter enfin d'un thème qui lui tient à cœur : celui du couple (du trio plutôt). On sait aujourd'hui que Les Choses de la vie, nommé à Cannes en 1970, est l'une de ses meilleures œuvres et un film-clé pour le cinéma français. Construit en flash-back, la réalisation donne toute sa dramaturgie à cette belle mais triste histoire d'amour. Et le couple Michel Piccoli-Romy Schneider y fait merveille (la production prévoyait Yves Montand et Annie Girardot remplacés par le réalisateur). Il "rempile" donc pour le film suivant, Max et les ferrailleurs, situé dans un univers sensiblement différent. Montand remplace Piccoli dans César et Rosalie, les deux hommes jouent ensemble, mais sans Schneider, dans Vincent, François, Paul… et les autres. Pour Mado, il garde Piccoli et fait appel à une jeune actrice italienne, Ottavia Piccolo, aperçue dans Le Guépard, Un Aller simple et dans des rôles plus consistants pour La Veuve Couderc ou Antoine et Sébastien, aux côtés de Jacques Dutronc, un parent de Sautet, également dans le film. Mado, le film le plus sombre de Sautet, marque la fin d'un cycle dans la carrière du réalisateur. Une Histoire simple et Garçon ! sont des promesses tenues de refaire un film avec, respectivement, Romy Schneider et Yves Montand. Entre les deux, Un Mauvais fils est le début d'un changement de génération et la rencontre entre un cinéaste et son double acteur. Patrick Dewaere, toujours en progression, est devenu un remarquable comédien. Il vient de tourner Coup de tête et Série noire. Il est, comme Sautet, un être qui a du mal à communiquer. Les scènes avec Jacques Dufilho, son parfait opposé de ce point de vue, sont, tout simplement, formidables. Après avoir changé son équipe sur Un Mauvais fils, Sautet s'adresse à un autre public, plus jeune, tout en conservant le sien. Quelques jours avec moi réunit un casting de trentenaires… mais c'est Jean-Pierre Marielle qui offre la prestation la plus épatante. Daniel Auteuil retrouve le réalisateur pour ce splendide drame shakespearien qu'est Un Cœur en hiver ; Emmanuelle Béart prolonge l'expérience sautienne avec le non moins beau Nelly et monsieur Arnaud avec un Michel Serrault que l'on avait pas vu aussi bon depuis Garde à vue et Mortelle randonnée. Claude Sautet nous a quittés le 22 juillet 2000. Peu de réalisateurs ont fait preuve d'une telle justesse et d'une telle humanité dans leur travail. Colérique, catégorique, il savait camoufler, par des humeurs, sa profonde sensibilité et son doute permanent. Truffaut, un autre sensible, l'appréciait et le consultait pour ses scénarios. Jean Gabin faisait appel à lui lorsqu'il ne trouvait pas assez de saveur dans ses rôles ("le scénario est très bien mais… il manque le dessert"). Fou de musique, notamment de jazz (il a écrit quelques articles pour "Combat" dans les années 1950), il veillera toujours à la qualité et l'adéquation de la bande originale, souvent confiée à son ami Philippe Sarde. Récompensé tardivement par la profession, outre le "Prix Louis Delluc" pour Les Choses de la vie, il reçut deux "Césars" (meilleur réalisateur pour Un Cœur en hiver et Nelly et monsieur Arnaud), un "Lion d'or" à Venise (Un Coeur en hiver) et un second "Prix Louis Delluc" pour Nelly et monsieur Arnaud. En 2001, le Festival de Cannes lui a rendu un hommage à travers une exposition de photographies consacrée à son œuvre. AlHolg |
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