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Forum : Vincent, François, Paul... et les autres

Sujet : Un Sautet modèle toujours efficace aujourd'hui...


De David-H, le 11 août 2005 à 23:23
Note du film : 5/6

Référence car vitrine cinématographique parfaite de son époque, « Vincent, François, Paul et les autres… » laisse toujours rêveur, plus de trente ans après son succès. Larges inspirations du cinéma de Claude Sautet, « Le cœur des hommes » de Marc Esposito ou « Tout pour plaire » de Cécile Telerman, en sont de belles illustrations récentes. Et leurs réalisateurs ne cachent d'ailleurs pas l'influence de leur maître. Ces films de groupes, s'ils sont bien concoctés, font généralement mouche car tout un chacun peut aisément se retrouver dans l'un ces personnages, voire même dans un moment du film. Et dans ce contexte, inutile de parler de bourgeoisie, tant Sautet fut décrié pour cet intérêt récurrent à cette classe sociale. Or, à bien y voir, ses bourgeois sont souvent attristés, pour ne pas dire esseulés…

Une partie du public actuel, celle souhaitant du rythme toujours et plus, digèrera plus difficilement cette œuvre, contrairement au spectateur en quête, même occasionnelle, de moments psychologiques forts, ceux-ci subtilement masqués dans une réalisation des plus simples. Cette dualité, fruit d'un travail d'horloger presque impalpable, réclamait évidemment de grands acteurs, les gros plans affublant de partout : les regrettés Montand et Reggiani, le tout jeune Depardieu et le fidèle Piccoli, qui nous gratifie d'une colère à table aussi inattendue que mémorable. Largement évocatrices aussi, toutes ces discussions sur la société des années soixante-dix, témoignant d'un certain engagement politique de Sautet, pourtant si discret derrière sa caméra…


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De Impétueux, le 12 août 2005 à 10:27
Note du film : 6/6

Je trouve -et je l'ai dit sur le fil de Max et les ferrailleurs, que Vincent, François… est le meilleur de cette série de quatre (avec Les choses de la vie et César et Rosalie)Sautet a sculpté la société française des années Soixante-Dix avec une prodigieuse sensibilité et une extrême délicatesse.

Il y a chez Sautet une permanente angoisse de la solitude.


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De PM Jarriq, le 12 août 2005 à 20:40
Note du film : 6/6

C'est vrai, mais Sautet finit quand même son film sur une note d'optimisme (un peu dérisoire, c'est vrai), avec Montand espérant envers et contre tout, le retour de sa femme. Comme Romy lui était finalement revenue dans "César et Rosalie".


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De PM Jarriq, le 22 juin 2007 à 16:03
Note du film : 6/6

A revoir ce film, 33 ans après sa conception, c'est son sens du non-dit qui surprend d'abord : les 3/4 des répliques sont inachevées, en suspens, chaque échange de regards laisse entrevoir le passé commun des personnages. C'est beau, et effectivement comme le disait Impétueux, infiniment triste, comme cette soirée où Vincent court partout pour trouver de l'argent, avec sur le visage une expression de bête traquée, attendant le coup fatal. Quinquas égotiques, à peine attachants, Piccoli et Montand sont exceptionnels de vérité, parce que ne recherchant jamais la sympathie du public, et le changement de regard, d'attitude de Vincent après son infarctus, en dit long sur le talent de directeur d'acteur de Sautet. On a rarement revu l'acteur aussi sobre et subtil.

Une séquence est particulièrement émouvante : celle où toute la bande assiste au combat de boxe de Jean. Dans tous les regards, et à différents niveaux, on peut lire l'espoir que la nouvelle génération engendre de meilleures choses, des hommes plus courageux, capables de vaincre sans se compromettre. Quant aux femmes, elles posent toutes le même regard sur leurs hommes. Un oeil déçu, un regard qui juge, et parfois méprise. Dans un contremploi, Marie Dubois est exceptionnelle. Hormis Lucia, qui aime son loser de mari (Reggiani) envers et contre tout, peut-être parce qu'il est le seul à être resté fidèle à lui-même.

Il y aurait beaucoup à dire sur Vincent, François… mais l'essentiel est que, bien que profondément ancré dans les années 70, c'est une oeuvre intemporelle, qui n'a pas pris l'ombre d'une ride.

PS : Comme toujours dans les films de Sautet, et pour finir sur une note plus anecdotique, on ne peut qu'être étonné du nombre de cigarettes allumées, de cafés avalés, d'apéros ingurgités…


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De Gaulhenrix, le 22 juin 2007 à 23:57
Note du film : 6/6

… Et n'oublions pas de rendre hommage à la belle musique de Philippe Sarde – et au leitmotiv du thème à l'accordéon (ou du bandonéon) lancinant et si mélancolique – magnifiquement accordée à la sensibilité du film…


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De Arca1943, le 23 juin 2007 à 05:49
Note du film : 6/6

Qu'ajouter à ces commentaires qui font fort bien le tour de la question, sinon qu'à voir aller Antonella Lualdi (dans le rôle de Lucia, la femme de Reggiani) je me prends encore à rêver de la carrière qu'elle aurait dû avoir. Enfin oui, quand même, quelques classiques vont heureusement lui assurer une postérité, comme Le Manteau, Chronique des pauvres amants, Les Amoureux, La Notte Brava, quelques bons rôles en France – J'irai cracher sur vos tombes… tous dans les années 50. Mais la poverina passe toutes ses années 60 sur le même terrain que Gianna Maria Canale, dans les peplums, les films de pirates… comme la Rossi Drago, la voilà qui apparaît le temps d'un sketch dans Parlons femmes… et retour aux galères. Surcouf, et tout ça, ce sont des films sympas, parfois même assez bons, mais la Lualdi méritait mieux : à preuve, elle est tout à fait à sa place dans ce Sautet de la grande époque.

Alors, cette nuit, je vais aller voter pour quelques films avec Antonella Lualdi.


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De PM Jarriq, le 23 juin 2007 à 07:24
Note du film : 6/6

Et aujourd'hui, elle finit paisiblement sa carrière, en jouant la femme de Pierre Mondy dans la série TF1 des Cordier, et ce depuis de LOOOOONGUES années…

Détail curieux, dans Vincent, François… elle est doublée par une comédienne française, alors que son compatriote Umberto Orsini parle avec son accent italien. Mystère…


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De jipi, le 9 novembre 2007 à 10:04
Note du film : 5/6

Le logiciel de la cinquantaine déploie allégrement ses angoisses sur cette bande de copains unis autour d'un gigot dominical à risques devant certains reproches à peine déguisés. Quelques allusions malsaines sur des envolées de jeunesses non exploités dans le temps jettent un froid heureusement temporaire.

Le temps a passé, certains couples à bout de souffle périclitent, d'autres se renforcent, l'argent manque, le monde se transforme. La connection aux projets devient de plus en plus ardue, compliquée, coûteuse. Prospérité et déconfiture se divertissent des humains, l'un va bien, l'autre pas.

Les femmes accusent certains maris distants, protégés, lâches au contact de la déveine de compagnons de toujours. L'adhésion générale se glane uniquement dans la convivialité du jeu improvisé en pleine nature ou de la farce de collégien, ça vole bas mais le courant passe, par contre si l'un des composants exprime timidement ses ennuis financiers, la collectivité déstabilisée se protège en adoptant la politique de l'autruche.

« Les Dettes quand ça arrivent c'est le désert ».

La vie continue avec ses remises en questions, ses optimismes surgonflés afin de conserver son aura sur les autres. Les femmes lassées s'en vont, la solitude extrêmement redoutée draine sur le terrain toutes les combinatoires pour l'éviter. Soudain tout devient flou et l'on s'effondre.

« Tu n'à plus vingt ans, nous n'avons plus vingt ans »

Dans ces conditions il faut regarder transpirer la génération montante sur un ring, l'encourager dans un dynamisme serein, maîtrisé. Ces quelques lucidités n'empêchent pas quelques gamineries forestières basculant dans la joie et l'insouciance quelques corps dans la marre.

La « cuisine « Claude Sautet est ici à son pic avec ses ingrédients de base, des numéros de séductions en trompe l'œil montrant maladroitement à l'autre que l'on existe, la femme se révolte, claque la porte en accusant l'homme de ne penser qu'a lui.

Reproches et encouragements sont distillés dans des endroits conviviaux, bruyants. Chacun montre à l'autre une force de composition, un comportement théâtral basé sur le verbe haut et l'abus du geste. Tout le monde fait semblant de faire semblant.

Un groupe dompte ses amertumes dans le bruit, la cigarette et la bière. Des endroits enfumés de décompression permettant de souffler quelques instants en confiant ses désarrois à une faune plus polie qu'intéressée. On se livre pour rien mais ça soulage.

Claude Sautet filme adroitement l'indifférence, le paradoxe d'un égoïsme indélébile ayant besoin de temps en temps de se tisser temporairement dans un groupe battant à l'unisson. Un potentiel virtuel d'amour à offrir. La conclusion reste encourageante, le groupe malgré ses différences reste soudé.


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De vincentp, le 4 décembre 2007 à 22:20
Note du film : 5/6

Pierre, André, Jean-Paul, et les autres… ont produit sur ce fil de bons arguments incitant les plus jeunes à (re)découvrir cette réussite artistique des années soixante-dix.

Peut-être pourrait-on ajouter à ces commentaires élogieux, la qualité conjugée de la mise en scène et du montage lesquels placent entre des numéros d'acteurs (peut-être parfois excessifs) quelques regards authentiques de personnages secondaires et ordinaires (lors des banquets, par exemple), qui constituent un contre-poids bienvenu. Pour finalement conférer à cette histoire un aspect authentique.


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De verdun, le 4 décembre 2007 à 23:50
Note du film : 6/6

Eh bien oui, les fils rédigés ici ou là ont incité le jeune homme que je suis à découvrir ce film récemment: je n'ai pas été déçu.

Je ne peux que rejoindre les avis ici exprimés. Voilà ce que le cinéma français peut produire de meilleur. On retrouve tout Sautet ici: comédiens au mieux de leur forme, bar enfumés, tendresse infinie dans l'observation des rapports humains, jolie musique de Philippe Sarde, efficacité (Sautet n'a pas été formé à l'école du polar pour rien) et justesse de la mise en scène. Il manque juste peut-être Romy Schneider mais Marie Dubois et Stéphane Audran sont plus que parfaites.

Ici on trouve en outre une virtuosité accrue, tant le cinéaste gère à la perfection toutes les directions prises par ce film choral. Seul le personnage d'écrivain incarné par Serge Reggiani me semble un poil sous-exploité.

Et contrairement aux critiques caricaturales qui ont vu dans ce long-métrage une peinture de la bourgeoisie française triomphante, on ne peut qu'être marqué comme vous cher Vincentp, par l'inventaire des échecs sentimentaux (surtout), amicaux, professionnels, pécuniaires qui affectent les personnages.

J'en suis immédiatement convaincu: je reverrai souvent avec un grand plaisir Vincent, François comme je revois souvent avec le même plaisir Un mauvais fils ou César et Rosalie.


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De Impétueux, le 16 novembre 2014 à 19:24
Note du film : 6/6

Est-ce qu'on peut appeler ça L'intelligence de l'Histoire ? Ou est-ce que c'est simplement une prémonition ? Ou même un hasard ? Claude Sautet a tourné Vincent, François… du 14 février au 15 mai 1974 ; le 2 avril, en plein milieu du tournage, donc, la nouvelle qui stupéfie les Français, la mort du Président Georges Pompidou. Le symbole de la fin des Trente glorieuses, des années de croissance et de folle prospérité, les années où l'on croyait au Progrès à P majuscule. Les malins et les relecteurs de l'Histoire disent aujourd'hui avec un superbe aplomb que la transformation de l'aspect physique du Président donnait comme évidente sa disparition et que la guerre du Kippour d'octobre 1973 et, subséquemment, le choc pétrolier (70% d'augmentation du prix du baril) qui suivit sonnait d'évidence le glas de l'insouciance. Disons qu'à l'époque les extra-lucides étaient beaucoup moins nombreux.

Mais Sautet en était, d'évidence. Vincent, François, Paul… et les autres est situé à peu près au milieu de son œuvre et constitue l'acmé de ses films sociétaux, sans doute le meilleur. Après Mado et Une histoire simple, il évoluera graduellement vers des sujets plus intimistes, plus intérieurs, qui ne sont pas ses réussites majeures. Toujours est-il que l'histoire de cette bande de vieux copains qui se délite au moment où le réalisateur braque sur elle sa caméra est exactement le reflet en un miroir clinique de ce qui se passe dans la société occidentale.

Éric Zemmour, dans son essai Le suicide français peut bien, à juste titre et sans craindre le caractère provocant de l'expression, indiquer que le film est le dernier dont le héros est le mâle hétérosexuel blanc. Ce n'est pas faux, loin de là : la société décrite nous paraît à la fois si lointaine (la place respective des hommes et des femmes dans le jeu social, l'abondance du tabac, la physionomie de la rue) et si proche (l'angoisse du déclassement et du chômage, le délitement des couples, la montée de l'individualisme) qu'on sent bien qu'on est à la crête du point d'observation : on voit à la fois ce qui était et ce qui sera. Et le présent fait éclater les vieilles catégories, laissant chacun désemparé et solitaire.

C'est vrai, il y a chez Sautet une permanente angoisse de la solitude. Nulle part mieux que dans cette chronique d'une bande d'amis quinquagénaires on ne voit s'insinuer cette angoisse là ; car quelle que soit la force des complicités et des affections réelles qui unissent Montand, Piccoli, Reggiani et leur petite troupe, la solitude est fondamentale, l'isolement entier. C'est un film très triste, très noir comme, souvent les films de bande, par exemple aussi Mes chers amis. Ces amitiés-là ne fonctionnent guère que dans l'euphorie des bons moments et des bamboches et dans la cordialité obligée, alcoolisée, de l'ouverture du bistro rénové de Clovis (Nicolas Vogel), où Vincent/Montand passe comme une ombre. Je ne trouve plus personne nulle part dit-il à Catherine (Stéphane Audran), la femme qu'il aime et qui l'a quitté, chez qui, désemparé, il vient se réfugier.

L'amitié, ça n'existe que lorsqu'on marche d'un même pas, et par beau temps ; dès que la mauvaise saison est là, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre que de s'abrutir de travail (François/Piccoli), d'alcool (Paul/Reggiani) ou d'angoisse (Vincent/Montand) ? Chacun se verrouille dans son enfer et il suffit de pas grand chose, finalement, pour que les masques tombent. Il importera peu, finalement, qu'autour du ring de boxe où Jean (Gérard Depardieu) remporte une victoire imméritée et dérisoire, la bande de copains paraisse se reconstituer, dans une fausse euphorie. Le retour en train est glacial. Si l'on se projetait deux ans après, il n'en resterait plus rien. Catherine ne sera pas revenue vivre avec Vincent, ni Lucie (Marie Dubois) avec François. Et va savoir si Julia (Antonella Lualdi) ne se sera pas fatiguée de l'aboulie de Paul et ne sera pas passée de la tendresse à la pitié et de la pitié à la lassitude…

On reste seul, finalement, quoi qu'on fasse, et pour toujours.


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