Un film très réussi !
Un style dépouillé,sobre,solennel,original,captivant,puissant,structuré !
Nous saluons ici un très grand cinéaste !
C'est un classique, dans un style sec, volontairement lent, Melville joue en grande partie son film sur l'attente le vide et les silences. Du coup chaque geste chaque mouvement de caméra prend une force inouïe , une poignée de main ,une accolade : code pudique d'amour chez ces hommes d'honneur .
Melville brosse en prés de deux heures quarante le portrait d'une société secrète celle des flics et des gangsters, des gangsters silencieux, sombres, qui vivent la nuit, qui n'ont rien de classe ou de fascinant Melville semble nous dire tout simplement : ce sont des hommes, comme les résistants deL'armée des ombres,
ce sont des gens banaux qui se mettent dans des situations et des histoires qui ne le sont pas. Quand aux flics ils sont représentés ici par l'excellent Paul Meurisse (dans le remake ce sera Michel Blanc) celui ci instaure au film un peu d'humanité et d'humour en particulier dans la scène du début dans le Bar où il se livre à un excellent numéro verbal sur le monde de la pègre.
La réalisation est passionnante et certaines scènes lentes sont encore plus accrochantes que si elles avaient été filmées de façon normale, car dans cette lenteur Melville tient a nous montrer tout les détails du film il filme de manière approfondie les gestes, les lieux, les bruits il ne manque finalement que les odeurs. Dés la scène de l'évasion on y est et il y a aussi la scène de l'attaque du fourgon qui nous rappelle le cambriolage de la bijouterie du Cercle rouge
même si c'est filmé en extérieur, la précision des hommes pour leur travail est filmée artistiquement, on se demande même si Melville
ne travaille pas dans la même atmosphère qu'eux.
Son héros curieusement nommée GU (magistral Lino Ventura) est certes un voyou , mais aussi un homme droit qui respecte des règles et des valeurs morales, désespéré de se voir pris comme un traitre il sacrifie sa vie à sa réhabilitation et a son honneur .
Chez Melville on remarquera qu'il est toujours question de dignité de respect des codes , pour lui c'est le signe véritable de la grandeur de l’être humain ,comme à la fin de l'armée des ombres avec la grande Mathilde ou Belmondo dans Le doulos.
Plus le monde que nous décrit Melville est noir plus les personnages brillent par leur noblesse, une vision du monde plutôt noire , normal : Melville
portait tout le temps des lunettes de soleil .
Les héros de Melville ne méprisent pas les gens normaux : ils les ignorent. Ils évoluent dans la société sans jamais essayer de s'y intégrer, perpétuellement aux aguets, se sentant constamment menacés, soucieux uniquement de préserver l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes et de leur morale – qui n'a rien à voir avec la morale ordinaire. Ainsi, Gu peut-il abattre froidement les deux gangsters minables, le motard qui escorte le fourgon, le commissaire Fardiano et son ennemi Jo Ricci sans en éprouver le moindre remords. Il peut même tuer ses deux anciens complices, mais seulement après leur avoir prouvé qu'il ne les avait pas trahis. De même, Jeff Costello, le Samouraï, préfèrera se suicider par personne interposée plutôt que de renoncer à l'idée qu'il se fait de son infaillibilité. Apparemment, ils ne semblent pas avoir d'autre but que de s'emparer de l'argent, malhonnêtement, pour aller ensuite couler très loin des jours paisibles. Pourtant leur destin les rattrape toujours avant qu'ils y parviennent et on n'imagine pas Gu Menda bronzant sous les cocotiers. D'ailleurs, Jean-Pierre Melville a pu réaliser un film sur la Résistance sans modifier ses valeurs fondamentales : il s'agit toujours d'individus solitaires qui s'efforcent de survivre dans un milieu humain hostile. Dans ce cas, ils ne se battent pas pour de l'argent, mais toujours pour l'idée qu'ils se font de leur morale et de leur dignité et sans s'inquiéter de ce qu'en pense le monde extérieur. Seul Bob le Flambeur, parmi les héros de Melville, échappe à un destin tragique ; mais que fera-t-il quand il sera sorti de prison et qu'il aura récupéré ses millions ? on peut supposer qu'il ira les rejouer jusqu'à ce qu'il soit complètement ruiné.
Un chef d'oeuvre absolu, tranchant comme de l'acier. Très peu de musique et une tension palpable à chaque plan ! je ne l'ai vu qu'une seule fois mais les images de la fin restent bien gravées dans ma mémoire. Melville était un vrai génie !
Par contre j'avoue ne pas encore connaître le remake par Corneau…
Un des aspects prégnants dans l'oeuvre de Melville est, je crois, la clandestinité des personnages, qui rappelle celles des résistants sous l'occupation. Evidemment, comparer des truands à des héros historiques, nationaux, est un peu gonflé. Mais toutes proportions gardées, n'a t'on pas dans les deux cas, affaire à des factieux refusant l'ordre établi et vivant selon le leur ? Règles d'un milieu qui est un "monde parrallèle". Et ce postulat n'est-il pas l'un des ressorts déclenchant la fascination qu'exercent les voyous dans tant de fictions ? Or, dans le remake du Deuxième Souffle, il manque aux personnages cette pulsion séditieuse, les photographie et la mise en scène pourraient tout aussi bien servir le cadre d'un autre scénario, etc. Le film exprime assez mal l'histoire d'un revenant en liberté, qui, malgré les affres carcérales, revient en félin nocturne, professionnel et froid, plus clandestin que jamais.
C'est curieux, mais quand je repense au Deuxième souffle, je confonds souvent certaines situations avec Classe tous risques
(à mon avis supérieur), sans doute à cause de Lino Ventura
dans un rôle assez similaire de truand au bout du rouleau, trahi par son milieu…
Toutes trés grosses proportions gardées, alors ! Parce que chez les résistants, le refus de l'ordre établi, c'était pour le retour du bien pour Tous, dans cet immense souffle de paix auquel ils croyaient par dessus tout. Chez les truands, c'est chacun pour moi et que dieu se demerde !
A PM Jarriq : Oui, moi aussi, je ressens la même impression….
Avant Le Samouraï, voici un excellent ninkyo eiga ! (i.e. "film de yakuzas avec code d'honneur", exemple : Les Loups).
Moi qui ai toujours trouvé que Le Cercle rouge,
si encensé par d'aucuns, est un exercice de style plutôt longuet malgré son casting, ici je dois dire que je viens de trouver chaussure à mon pied avec ce Deuxième souffle.
Une longueur d'avance parce que c'est en noir et blanc avec une B.O. jazz ? Peut-être un petit peu. Mais quoi qu'il en soit, quel bon film. C'est un des meilleurs rôles de Lino Ventura.
Paul Meurisse
est suave en flic qui ne lâche pas son os. Je trouve les événements racontés assez plausibles, l'attaque du fourgon sur la route en lacets est spectaculaire mais reste dans le domaine du faisable, l'évasion du début aurait pu être tournée par Bresson,
les aperçus sur le travail policier en 1965 rendent un son convaincant. Il y a même de l'humour ici et là dans les dialogues, ce qui n'est pas si courant avec Melville.
L'histoire racontée est rigoureuse, chaque événement en entraîne un autre et répond à une solide logique interne jusqu'à la fin tragique.
L'un des chefs d'oeuvre absolus de Melville (il faut absolument que je le revois car il m'avait vraiment marqué).
Un mot par rapport à l'excellente musique de jazz sombre : je précise qu'elle est absolument inédite sur tout support (vinyle y compris), même le CD récent paru chez Universal et consacré aux BOs des films de Melville ("Le cercle noir") ne la fait pas figurer.
René Chateau, ce mauvais éditeur semble avoir sorti une nouvelle mouture de ce chef d'oeuvre avec cette fois "images et son restauré". Est ce vrai? il faut se méfier de ce que on peut lire sur les jaquettes de DVD. Ce film mériterait en tout cas une restauration exemplaire. A bon cinéphile salut!
Les jaquettes, les jaquettes…..Ah! les jaquettes… On y écrit tant de choses ! Mais ne nous plaignons pas : Même avec le son d'origine, ce Le deuxième souffle n'est pas la plus médiocre édition de notre René chéri.. La palme revenant à ……un revenant,
justement…
Mais il me faut le souligner quand même : A l'époque des cassettes, j'avais acheté chez René
Le salaire de la peur. Cassette illisible ! Une horreur ! Après avoir vérifié que mon magnétoscope ne rendait pas l'âme, je renvoie la cassette au siège de l'animal avec une lettre de protestation. Quelques trois semaines plus tard, un colis à l'enseigne de la panthère débarque à la maison. C'était un coffret contenant Le salaire de la peur
plus les diaboliques
et une lettre d'excuses….AH!
pour \Lagardère
Tout a été dit sur ce film. J'ai apprécié pour ma part la performance de Pierre Zimmer (véritable consultant-es-gangstérisme : fin analyste, superbe conseiller), la mise en scène millimétrée de Melville (d'une précision chirurgicale), les prises de vue (notamment les contre-plongées doublées d'un mouvement arrière puis latéral pour suivre les acteurs dans les intérieurs), le rythme (pas une seconde de trop et un intérêt constant). Bravo à JP Melville et à son équipe de tournage !
Dites, Lagardère : vous avez un secrétaire ou un nègre qui rédige vos chroniques maintenant ? Gérard de Villiers ou Henri Vernes n'ont qu'à bien se tenir !
Melville étant aujourd'hui définitivement consacré comme un des grands cinéastes français, et n'ayant pas signé un nombre excessif de films, je comprends mal pourquoi un éditeur ne se lance pas dans l'édition d'un coffret exhaustif de son oeuvre, dûment remastérisée. Des réalisateurs de moindre importance ont eu droit à ce traitement, et Melville
mérite tout de même mieux que ces éditions et rééditions imparfaites et bricolées.
Aux U.S.A. Criterion a sorti quelques uns de ses films dont Le cercle rouge, à nous faire rougir de honte.
"Tout a été dit sur ce film. J'ai apprécié pour ma part la performance de Pierre Zimmer (véritable consultant-es-gangstérisme : fin analyste, superbe conseiller)" dixit Vincentp
A noter que Pierre Zimmer est ici doublé par Jacques Deschamps dont il faut alors également saluer la performance. Il double entre autres le Clint Eastwood de Sergio Leone
(c'est grâce à ça que je l'ai reconnu).
Ah bon ? La voix de l'acteur (ou de sa doublure) est effectivement mémorable et participe à la création de ce personnage.
Eh oui, le doublage est un des arts du cinéma…
D'autant plus chez Melville qui avait tendance à engager des non-acteurs pour certains rôles. Beaucoup de sons et de voix sont post-synchronisés, à merveille pour Le Deuxième Souffle
qui, soit dit en passant, est un de ses meilleurs films.
Fidèle à son esthétisme nourri de cinéma américain, Melville réalise une tragédie stylisée mais réaliste dans la mesure du possible. Cet auteur semble laisser sa personnalité et son théâtre intérieur s'immiscer dans le réel qu'il décrit. Le code d'honneur, la solitude des personnages et leurs chapeaux distingués reflète le caractère de ce réalisateur, réputé pour ses humeurs infectes, son côté "aristocratique" et son penchant pour les belles voitures.
On ne peut effectivement s'empêcher de penser à Classe Tous Risques, tourné six ans plus tôt par Claude Sautet,
avec une foule de points communs : Lino Ventura
dans le rôle titre d'évadé en cavale entre Paris et le sud de la France, certains personnages comme le Commissaire Blot ou L'Ange Nevada, les univers des deux films semblent ne faire qu'un. Était-ce volontaire de la part de Melville
?
Les univers des deux films semblaient ne faire qu'un. Etait-ce volontaire de la part de Melville? ….
Je crois qu'en cette époque bénie du grand, du très grand cinéma, il y avait un immense chaudron grouillant de talentueux réalisateurs qui s'inspiraient les uns des autres, via l'admiration que chacun avait pour l'autre . De Sautet à Melville,
de Christian-jaque
à Lautner,
de Duvivier
à Carné
et ainsi de suite ! Il n'y avait q'un seul talent, divisé en plusieurs génies. Un chaudron magique, une merveilleuse cuisine, oui ! Aujourd'hui, le cinéma est un Mac Do qui se cherche et se trouve rarement…
pour \Lagardère
Quand je regarde un film de Michael Mann, notamment Heat
mais également Thief,
je pense immédiatement à Melville.
Ils ont en commun, ce côté sombre, réaliste, stylisé. Mais à la différence de Mann
qui semble rechercher la crédibilité dans le moindre pot de fleur apparaissant à l'écran, Melville
ne recherche pas le réalisme absolu, sa méticulosité sert l'esthétisme et sa propre vision d'un réel imaginaire et phantasmé, la psychologie de ses personnages, par exemple, est de l'ordre d'un idéal machiste, les hommes réagissent en fonction d'un code d'honneur et leur destin semble sans détour possible. L'univers des gangsters paraît lui aussi une représentation imaginaire mêlant américanisme et gravité solennelle, les bars par exemple (qui sont toujours le même éternel studio), avec ses danseuses, ce luxe apparent, ce côté souterrain, rappelle les bars américains clandestins durant la période de la prohibition, peut-être que ce genre de bar existait à Paris pendant les années 60 mais permettez moi d'en douter.
Combien de minutes avant que la première parole survienne dans Le deuxième souffle ? Pas tout à fait autant que les neuf minutes et demi du Samouraï,
mais presque autant. En préambule, l'évasion de la prison, avec des angles distordus, des cadrages en plongée et contre-plongée, de brefs morceaux de ciel opposés à l'immensité hostile des murs de la prison. Pas une note de musique lors du générique qui suit : la course dans les bois des fugitifs, le bruit des feuilles mortes foulées, le halètement des hommes, l'approche du train de marchandises.
Et d'emblée on sait bien que ça ne peut que mal se terminer, par une sorte d'extermination générale, le deuil des minces espérances qui pouvaient subsister et la lassitude des rares survivants. Et il est curieux de se rappeler que ce cinéma tragique a prospéré au cours des années les plus exaltantes de la croissance française, celles où il semblait que rien de mal ne pouvait arriver et que le progrès serait indéfiniment prolongé.
Tragique et plein d'ambiguïtés qui en renforcent la profondeur. Sait-on bien, dans Le deuxième souffleLa distribution est à peu près parfaite ; les troisièmes rôles ont la gueule de l'emploi (Marcel le Stéphanois – Albert Michel, Antoine le tueur – Denis Manuel)
; les deuxièmes sont très solides (Paul et Jo Ricci – Raymond Pellegrin
et Marcel Bozzuffi
; le commissaire Fardiano – Paul Frankeur,
avec une mention spéciale pour Orloff – Pierre Zimmer) ; naturellement Lino Ventura
est taciturne, brutal, courageux et désespéré. Mais c'est peut-être Paul Meurisse
qui emporte la mise, élégant, distant, sarcastique (extraordinaire irruption dans le bar, au tout début du film et monologue bluffant de qualité d'écriture et de talent).
Et que s'il n'a pas tout à fait la perfection dramatique du Samouraï et du Cercle rouge,
Le deuxième souffle
demeure un des films français les plus importants du demi-siècle.
Des films pesants, graves, sombres à qui l'on pourrait presque reprocher de temps en temps de se prendre un peu au sérieux
Mais je crois qu' à cette époque là, le grand bantitisme était quelque chose de sérieux. Je veux dire quelque chose de réfléchi, de froid. D' avisé, de pesé. En ces temps anciens, les gangsters "installés" ( je ne parle pas des Voleurs de bicyclettes ) étaient très calculateurs. Pesant les risques encourus à leur juste valeur. N'hésitant pas à prendre conseils auprès de leurs ainés qui en avaient vu d'autres, ils savaient renoncer si le jeu n'en valait pas la chandelle. Et quand ils passaient à l'acte, c'était en fonction de ce qu'ils ressentaient et appréciaient de la vie. Le regard d'un enfant ou la désaprobation de leur femme pouvaient les faire renoncer au mal. Dans Classe tous risques,
Ventura,
Abel Davos, renonce à sa vengeance finale parce que son amie, Sophie Fargier, pourtant épouse du traitre, a payé le prix fort dans cette histoire d'hommes :"-C'était la plus chouette…-" Parce qu'ils étaient des hommes, avant d'être des gangsters. Des hommes qui, à l' inverse d' aujourd'hui, n'avaient pas besoin d'aller au cinéma pour devenir des voyous.
Aujourd'hui, il n' y a plus que des bêtes fauves sans âmes. Etre un bandit à l'époque du Deuxième souffle, du Doulos
ou de Bob le flambeur,
c'était un vrai choix d'existence. Claude Sautet
l'a formidablement démontré avec ce Classe tous risques
justement. On ne devenait pas truand par fatalité. Ce n'était pas une alternative en attendant mieux mais une détermination quelque fois poussée par les méandres de l'hérédité. Je crois que Melville
n'a pas exagéré dans la thématique du trop "sérieux". Il a été le juste chroniqueur d'une époque et d'un milieu qui, s'en tomber dans l'admiration imméritée et très imbécile, savait se tenir.. D'aucuns penseront que la phrase est osée . Mais voyez ce qui se passe aujourd'hui. La folie meurtière, sauvage à l'extrême et surtout désespérée a remplacé depuis longtemps, sinon la "sagesse" des voyous, du moins certaines règles qui ne sont plus de mise . Chez Melville,
on menaçait, on faisait peur pour arriver à ses fins. Je reconnais que quelques rares exceptions regrettables peuvent démontrer le contraire. Je pense à l'abbatage des deux motards au cours de l'agression du fourgon postal. Il était ""nécéssaire"" dans un plan millimétré à la seconde. Aujourd'hui, chez Olivier Marchal
(entre autres !), des truands qui ne l'étaient pas le matin même, tuent d'abord et toujours comme ça, râgeusement, avec jouissance, et volent après. Juste parce que l'occasion fait le larron. Voir La Mentale.
.
Des films pesants, graves, sombres , Oui. Mais je vous mets au défi de trouver dans ces films là, la moindre trace de démence. Aujourd'hui, aucuns films de gangsters ne peuvent se faire sans une extravaguante, une abérrante folie meurtière première ! Il n'y a plus d' humain chez les truands ! Et je pense que c'est bien cette humanité là qui était pesante, grave et sombre. Et merveilleusement bien rendue par un immense cinéaste..
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