![]() Il y a des millions de belles blondes dans les campagnes et les villes du monde entier. Parmi elles, des centaines, peut-être même des milliers, ont tenté leur chance au cinéma, à Hollywood ou ailleurs. Il y eut la pâle blondeur hiératique et langoureuse de Marlène Dietrich, la platine quasi albinos de Jean Harlow, les lourdes boucles dorées d' Alice Faye, Madeleine Carroll, Carole Lombard, Grace Kelly … Et puis Marilyn Monroe. D'abord, petit détail peut-être futile, on l'appelait Marilyn tout court, comme on appelait Marlène Marlène, une familiarité teintée de respect et d'admiration, une façon d'affirmer la proximité. Presque figurante, elle a fait son entrée dans notre petit panthéon affectif grâce à John Huston qui lui a donné sa chance dans Quand la ville dort en 1950. Elle avait 24 ans. Déjà féline, pleine de grâces et cajoleuse, elle servait de repos à un homme d'affaires marron. Elle était belle et soyeuse. Elle n'a pas raté son entrée. Joseph L. Mankiewicz l'ayant remarquée, il l'embauche pour tenir le rôle d'une actrice débutante et arriviste guignant la place d'une star du théâtre (Ann Baxter). C'était dans le très beau et cruel film Eve tourné la même année 1950, comme d'ailleurs La Pêche au trésor en compagnie des Marx Brothers. Ensuite, la routine : des rôles de belle fille aux courbes judicieusement dessinées, au regard de biais, incitateur, filtré par de longs cils assassins. Un titre français (traître au titre original) indique bien les effets de son charme sur les spectateurs : Troublez-moi ce soir (1952). Elle y jouait une méchante, l'un de ses rares contre-emplois. Elle trouble, elle excite, secrétaire trop décorative, le pauvre Cary Grant et rend jalouse la pétillante Ginger Rogers (oubliée plus haut dans la liste des blondes séductrices, oubliée parce qu'elle était rousse mais, à cette époque, les films étaient en noir et blanc). C'était dans la comédie d'Howard Hawks Chérie, je me sens rajeunir en 1952. Marilyn va exploser avec Niagara, mélodrame d'Henry Hathaway, où sa sensualité naturelle est magnifiée par une fameuse robe rouge trop ajustée, près du corps. C'est la gloire. L'image un peu floue de la femme objet se cristallise en mythe. Mouvante statue, Marilyn fascine les hommes et exaspère un peu les femmes rivales en un combat inégal. A cette époque-là, les intellectuels, les critiques crispés, les "gens de goût" n'aimaient pas beaucoup Marilyn. Ce n'était qu'une poupée pneumatique, une poupée peinte, un mannequin de synthèse inventé par de roublards businessmen. Il était de bon ton de faire la moue. Malgré les ligues pudiques, qui lui ont reproché d'avoir posé nue pour un calendrier réservé aux routiers sympas, la marche de Marilyn sera triomphale. Belle, pâle, nette, maquillée au pinceau fin, elle impose son visage régulier et pourtant joli. Son grain de beauté sur la joue gauche (vrai, faux ?) affole, ses formes attestent, à l'évidence, une belle santé. Sera-t-elle une vraie grande comédienne ? C'est son vœu secret. Elle rêve à de beaux rôles dramatiques, elle pense aux classiques. En attendant, sa légende se confirme. La voici, faussement idiote, vaguement arriviste, dans un film dont le titre lui rend hommage : Les Hommes préfèrent les blondes (Howard Hawks, 1953). Aussitôt, se pose la question : Comment épouser un millionnaire ? (médiocre film de Jean Negulesco, 1953). Surprise heureuse, la chanteuse de bastringue, l'entraîneuse capiteuse se métamorphose en femme merveilleusement simple et vraie dans le beau film d'Otto Preminger La Rivière sans retour. Elle se révèle plus gracieuse en jeans et chemisier fleuri qu'en guêpière et collant-résille noir. Dès lors, les hommes préfèrent Marilyn pour le bon motif. Oh, bien sûr, elle va encore les troubler. L'habile et polisson Billy Wilder lui fera jouer dans Sept ans de réflexion (1955) le rôle d'une affriolante voisine, tentatrice candide d'un petit mari esseulé, très ordinaire, fou de désir. C'est une comédie maligne. Le héros ahuri est un quinquagénaire moyen qui, par la magie du cinéma, suggère l'identification à d'autres hommes moyens ou pas beaux qui ont payé leur place pour s'offrir virtuellement la trop gentille Marilyn. La star est à son apogée. Elle va à New York suivre les cours de Paula et Lee Strasberg, prêtres de l'Actor's Studio. Elle en revient pour tourner Bus stop (1956) de Joshua Logan. Elle y joue encore la pauvre fille qui chante dans les dancings et s'entête à trouver le chemin qui mène à Hollywood. Un cow-boy rustre et fruste tombe en arrêt, il veut l'épouser. Or, la femme est une dame. Elle ne demande pas grand-chose aux hommes (qui l'ont jusqu'alors quelque peu malmenée), elle demande des égards, un peu de respect. Une belle leçon pour les spectateurs exorbités, goinfres de sex-appeal. Chant du cygne : Les Misfits (1961), œuvre grave et profonde de John Huston sur un scénario d'Arthur Miller. Là encore, Marilyn passe du "sex symbol" à la dignité qu'elle a toujours revendiquée. A travers divorces et déceptions, amours et trahisons, la belle dame cherche à atteindre la pureté des choses simples et vraies de la vraie vie. Au terme d'une carrière glorieuse mais douloureuse, Marilyn Monroe est morte en 1962 d'une surdose de barbituriques, dans des conditions mal élucidées. Elle a connu la reconnaissance des foules, vécu trois mariages dont le dernier avec Arthur Miller, une enfance malheureuse comme dans un feuilleton misérabiliste. Aujourd'hui, plus personne ne songe à lui reprocher quoi que ce soit. Les générations montantes l'aiment et la célèbrent. Les voix du mépris et de l'envie se sont tues, parce qu'elle n'est plus. Mais elle plane encore, et nous aussi, quand l'écran s'illumine de sa présence insolente, de chaste sensualité. Inutile de s'éterniser sur sa vie privée (devenue publique grâce aux efforts des médias et à la curiosité des gens), une vie qui fut un roman, un mélo.Gilbert Salachas (avec son aimable autorisation – tiré du coffret "<u>Artistes de cinéma</u>" édité aux Ateliers Akimbo) |
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