Il y aurait pourtant tellement de quoi faire ! Parce qu'aux réalisateurs énoncés il faudrait en adjoindre bien d'autres : un peu Marc et surtout Yves Allégret, Denys de La Patellière, le Jean Delannoy des deux Maigret le Georges Lautner des débuts, Robert Enrico, Philippe de Broca… et même – pourquoi pas Émile Couzinet ou André Berthomieu (dont Tavernier dit qu'il aurait aimé célébrer et nous montrer Le bal des pompiers…)
Évidemment, un des inconvénients de l'exercice est d'avoir arrêté pratiquement la pendule à 1970 (à quelques rares exceptions près, par exemple Daguerréotypes d'Agnès Varda qui date de 1975). De ce fait, Tavernier nous prive de très nombreux films de cinéastes dont la carrière s'est étendue ou même a véritablement pris son envol après cette limite. Jean-Paul Rappeneau, Pierre Schœndœrffer, Alain Cavalier ou Yves Robert par exemple. Et il ne peut aborder le continent Maurice Pialat dont Nous ne vieillirons pas ensemble est de 1972. Le parti choisi n'est pas chronologique, mais thématique, ce qui est fort bien ainsi : on va, on vient, on s'attarde, on revient, un demi-épisode est consacré à la riche matière des chansons dans les films, il y a plusieurs extraits d'entretiens avec des metteurs en scène, des acteurs, des compositeurs ; on parle un peu technique (notamment à propos de Julien Duvivier qui était un maître absolu dans ce domaine), on fait remarquer des innovations techniques surprenantes et délicieuses, comme les pas réunis de Sacha et de Geneviève Guitry dans Donne moi tes yeux, simplement éclairés par le rond halo d'une lampe de poche ; et puis on reprend des images montrées dans le premier Voyage, celui montré au cinéma ; on découvre des raretés (La terre qui meurt de Jean Vallée, premier film français en couleurs de 1936 – procédé Francita). On est ravi. Tavernier n'a pas la dent dure ; il fait peu état de ce qu'il n'apprécie pas (je n'ai noté qu'un mot péjoratif sur l'adaptation des Misérables de Jean-Paul Le Chanois). Naturellement, comme tout amateur, j'ai mes partis pris et je m'insurge un peu de l'entendre dire du bien de Jacques Tati ou d'Alain Resnais ou de surévaluer (à mes yeux) Le désordre et la nuit de Gilles Grangier… Mais comme il m'a fait plaisir en disant tous les mérites de films charmants que j'aime, comme Prends la route et Nous irons à Paris de Jean Boyer, d'Avec le sourire ou de Justin de Marseille de Maurice Tourneur ou de films graves, comme Mollenard de Robert Siodmak ou Jéricho d'Henri Calef…Et tous ceux qu'il m'a donné envie de revoir ou de découvrir…
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