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Grand film français


De Impétueux, le 4 août 2020 à 18:58
Note du film : 4/6

Qu'est-ce qui me retient de mettre seulement la moyenne à La beauté du diable, bizarrement jamais vu jusqu'à aujourd'hui ? En aucun cas par déférence ou admiration vis-à-vis de René Clair, qui fut un cinéaste inventif et distingué mais qui à mes yeux n'a jamais tourné de chefs-d'œuvre, ni même de très grands films. Sans doute en bonne partie pour la qualité du filmage, décors et prises de vues qui incarnent au plus haut degré le classicisme cinématographique, ce que les galopins des Cahiers du cinéma ont baptisé la Qualité française contre quoi ils ont inventé le concept douteux de Nouvelle vague. Mais surtout pour un acteur, un seul.

Plus exactement un des deux. Car je ne tiens pas pour important le reste de la distribution, bien pâlotte, à la courte exception de Simone Valère, qui fut trop confinée au théâtre mais qui avait beaucoup de charme et des appâts qui attiraient, paraît-il, l'appétit de l'Ogre majuscule, du total obsédé sexuel, du grognon, mal embouché, provocateur et génial Michel Simon.

C'est peu dire en effet qu'affirmer que Michel Simon envahit la scène, envahit l'écran, surgit dans toutes les séquences avec une voix qu'il module de façon incroyablement variée, avec des yeux qui tonnent, frisent, séduisent, convainquent, tentent, reprochent, s'effarent, se moquent, méprisent… En face de lui Gérard Philipe s'il est moins mièvre que d'habitude dans ses rôles positifs ne fait vraiment pas le poids. Il n'est pourtant pas tout à fait au début de sa carrière, il a déjà 27 ans et il a même déjà tourné un grand rôle dramatique dans Une si jolie petite plage d'Yves Allégret un an avant La beauté du diable. Mais il a été bien insipide dans deux grands succès qu'il a recueillis, mais qu'il a rendus bien passables seulement, pourtant réalisés par de vrais réalisateurs, Le diable au corps de Claude Autant-Lara et La chartreuse de Parme de Christian-Jaque : des films intéressants qu'il plombe sensiblement.

Bon. Mes habituels agacements envers un acteur qui fut à son époque une véritable légende étant une nouvelle fois exprimés, que dire du film ?

Nouvelle variation sur le mythe de Faust, avec quelques points de vue originaux, habiles, même subtils. Par exemple le refus du vieux professeur Faust d'accepter le pacte insidieux que lui propose Méphistophélès, ce qui lui impose de se débattre dans cette sorte de nœud coulant qui l'enserre au fur et à mesure qu'il voit autour de lui les conséquences de ses rêves. Sur le même thème, j'ai trouvé cent fois plus original Marguerite de la nuit de Claude Autant-Lara beau film absolument méconnu, malheureusement plombé par sa distribution, la pire qui se puisse, (Michèle Morgan, Yves Montand qui a mis des années avant de savoir jouer).

Donc mythe de Faust ; une fois qu'on a dit ça, qu'on a pleurniché sur la vacuité et la vanité de la jeunesse éternelle (celle qui se terminera – un peu plus tard seulement – de la même façon que toutes les autres jeunesses), on n'est pas beaucoup plus avancé. De fait, rien ne paraît aussi séduisant – mais aussi horrible – pour les vieillards dont je suis que de revenir faire un tour de chauffe dans un monde dont ils connaissent toutes les aspérités. Il y a par exemple dans La beauté du diable une séquence magnifique où Faust jeune (Philipe) voit projeté par Méphistophélès (Simon) le destin qui lui incombe : certes la force, le dynamisme, le désir, mais aussi la lassitude, l'ennui, l'indifférence, l'aboulie. Des amours avec la Princesse (Valère), qui sont allés jusqu'à l'assassinat du Prince (Carlo Ninchi), il ne va pas, au bout du compte rester grand chose. On connaît ça : éternelle et éphémère insatiété. L'avenir apparaît plein de cruautés et d'horreurs.

Il est bien dommage, avec tout cela, que René Clair ait cru devoir donner à son film une fin heureuse : Faust, ça doit structurellement, se terminer mal, avec l'impossibilité de l'Homme de quitter le chemin que le Créateur lui a donné. Ce n'est pas d'hier que l'ouverture de la boîte de Pandore a entraîné des catastrophes.


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De Nadine Mouk, le 11 décembre 2016 à 20:09
Note du film : 5/6

Michel Simon, le malin.. J'ai revu avec un immense plaisir ce merveilleux film qui avait quelque peu disparu de ma mémoire. Que de trouvailles géniales de mise en scène de la part de René Clair. Cette grande salle de bal qui se vide par la magie d’un contrechamp, ces fonds peints qui se substituent l’un à l’autre par un simple effet de lumière. Et toute la séquence du miroir, baroque et géniale. Le fantastique sublimé par de superbes décors et un éclairage… d'enfer !. C'est vrai que c'est un film des plus théâtral et je rejoins l'avis de Delanuit qui invoque une histoire de goûts et il a bien raison. Moi, j'adore. C'est charnu, d'un verbeux très littéraire, rond et succulent. Par contre, je ne suivrai pas l'avis de ce Lapis-lazuli qui parle de ce film comme étant une mièvrerie sans émotion. Heureusement qu'il nous reste Joséphine, ange gardien pour nous faire frémir. Diantre ! Le diable n'inspire pas d'émotions… Sa main juste me faisait frémir, même si comme le soulignent Droudrou et Delanuit, ce diable là reste bien moins "effrayant" que celui des Visiteurs du soir ! . La première bonne idée du film est d'inverser les rôles au cours de l'histoire. Gérard Philipe joue d'abord Méphisto, puis Faust Jeune et inversement pour Michel Simon. La seconde, c'est la manière dont le film est construit. Il y a une vraie montée du besoin de Faust vis à vis du Diable qui s'installe petit à petit dans le cœur de l'homme. C'est assez bien fichu pour que nous aussi on soit tenté de vendre notre âme au diable…

La Beauté du Diable est un très beau film classique. Il est porté par deux acteurs merveilleux qui a la limite justifient à eux-seuls de voir ce film. Énorme, énorme Michel Simon dont on ne se lassera jamais de louer la magnificence, le talent qui dépasse tout ce que l'on peut attendre du comédien le plus doué qui soit. Bien sûr, l'homme n'était pas sans défauts, mais le génie qu'il déploie encore ici l'absout de tout ! On a souvent rapporté le mépris que Michel Simon avait pour Gérard Philipe "-Gérard Philipe ? Un acteur ? Laissez-moi rire ! J’avais l’impression de jouer devant un mur.-" Il ne se préoccupait que d’une chose : trouver son meilleur profil !''-" (Michel Simon par Claude Gauteur). Mais qui n'a t-il pas critiqué, ce génie ? De plus, on apprend que rené Clair, irrité par ses frasques, détestait Michel Simon, ce qui rendit le tournage assez électrique. Malgré un résultat fastueux… Souvenons nous de Fric-Frac… Je veux aussi souligner l'immense beauté de Simone Valère jeune. Elle retrouvera René Clair, quatre ans plus tard, dans ses fameuses Grandes manœuvres, toujours aux côtés de Gérard Philipe. Je n'ai pas grand chose à ajouter, parce que vous avez tout dit. Je veux quand même signaler que dans le coffret René Clair édité par Gaumont, l'image et le son sont léchés à souhait, c'est que du bonheur.


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