Yves Mirande,

qu'on pourrait, dans un mauvais jour qualifier de
Guitry
de second choix, n'était pourtant pas un mauvais auteur dramatique, comme le prouvent (avec des nuances),
Baccara,
Café de Paris,
Les petits riens.

Il a même été le dialoguiste de
Circonstances atténuantes
et un des scénaristes de
Carnet de bal.

Théâtreux passé ensuite au cinéma, il a récolté, sur les scènes et les écrans, quelques beaux succès dont tous n'étaient pas immérités. Disons alors que
Quelle drôle de gosse
fait partie de ses ratages et que cette petite comédie courte (85 minutes) qui ne décolle jamais, ne méritait pas d'être exhumée de l'oubli où elle avait sûrement sombré.
Seulement, Quelle drôle de gosse,
c'est aussi et surtout un des rôles de la toute jeune Danielle Darrieux
qui n'avait qu'à peine plus de 18 ans, à quelques jours près lorsque le film est sorti. Mais qui – merveilles ! – avait déjà 14 interprétations derrière elle. La gamine de 14 ans qui avait enchanté les spectateurs et les producteurs en 1931 dans Le bal
de Wilhelm Thiele
était dotée déjà d'une grande expérience, qui ne retirait pourtant rien à sa fraîcheur et à sa spontanéité.
Malgré quelques apparitions assez réussies – pour qui aime cet acteur – de
Jean Tissier
en gandin salace, il n'y a que par
Darrieux
que le film tient un peu.
Lucien Baroux,

qui ne manquait pourtant pas de qualités, est tellement confiné dans son rôle de valet de chambre stylé (puis affolé quand la situation s'emballe) qu'il finit par agacer. Et puis il y a le cas
Albert Préjean.

Je ne méconnais évidemment pas que l'homme a fait une très belle guerre au côtés de Georges Guynemer dans la fameuse
Escadrille des cigognes… tout en devant bien ajouter qu'il a fait partie du malencontreux voyage à Berlin de mars 1942, avec, notamment,
René Dary,
Junie Astor,
Suzy Delair,
Viviane Romance
et…
Danielle Darrieux.

Je ne méconnais pas davantage qu'il a représenté, dans le cinéma français de l'Entre-deux-guerres un personnage de jeune prolétaire sympathique, bagarreur, mais gai et sans souci (le contraire de
Jean Gabin
en quelque sorte) par exemple dans
Sous les toits de Paris
ou
La crise est finie.

Mais le malheur qu'on lui ait fait tourner aussi des personnages qui ne correspondaient pas à son physique de garçon simple et assez buté : dans
Volga en flammes
de
Viktor Tourjansky,

il n'est pas bien bon en jeune officier du Tsar et il ne l'est pas davantage en romancier à succès dans
Princesse Tam-Tam
d'
Edmond T. Gréville.
Et pour tout dire,
Préjean
est assez agaçant dans
Quelle drôle de gosse
en Gaston Villaret, mondain décavé, qui ne vit que pour s'enivrer au milieu d'amis pique-assiette et de jolies femmes. Il sauve la vie de Lucie (
Darrieux)

, petite secrétaire qui s'est jetée dans la Seine parce qu'elle a été licenciée par son patron Paul Gaudouin (
André Roanne)

dont elle est follement (
follement est le mot) amoureuse. Ce qui corse (assez sottement) le scénario, c'est que le riche patron est lui-même amoureux de la jolie Lucie, mais qu'il ne peut envisager de lui déclarer sa flamme tant qu'elle est son employée : il a donc résolu de la mettre à la porte puis immédiatement après la fin de son embauche, de lui demander sa main.
C'est tordu, mais après tout, pourquoi pas ? Seulement, une fois la petiote sauvée, Gaston la conduit chez lui, où se tient une grande soirée et l'enivre pour s'en débarrasser, alors qu'elle persiste à vouloir se suicider. Et les ennuis commencent, dont je passe les détails jusqu'à ce que,
happy end oblige, le fêtard et la secrétaire se tombent dans les bras.
Si ce n'est avec quelques panoramiques assez réussis sur un bel intérieur mondain des années 30, la réalisation de Léo Joannon est très banale. Comme la musique de Georges van Parys
qu'on a connu plus mélodieux. Reste, donc, le charme très juvénile mais plein de grâce de Danielle Darrieux.
À réserver donc aux amateurs absolus de l'actrice, parmi qui je me compte, heureusement.