Ce bon film (un des rares vraiment réussis de Deray), aurait plutôt été à sa place dans une collection Jean-Louis Trintignant, tant celui-ci accapara la vedette dans un rôle de truand psychopathe réellement terrifiant. D'ailleurs quand on repense à ses rôles de chasseur de prime dans "Le grand silence", de juge binoclard dans "Z", on se demande s'il n'a pas été l'acteur français le plus versatile de l'Histoire.
Sans oublier le flic fin de race dans "Le grand pardon", le puceau timide dans Le fanfaron, le mari pervers dans "Eaux profondes", le fugitif de La course du lièvre à travers les champs, le flic cavaleur de Sans mobile apparent, l'espion traqué dans "Le secret", etc. etc. etc.
…et encore le dandy homosexuel dans La Femme du dimanche, le scénariste de comédie à l'italienne en panne dans La Terrasse, le juge voyeur dans Rouge, le colonel fasciste dans Fiesta et même le client content d'être floué dans Janis et John… Quel acteur !
Beaucoup de fidèles de dvdtoile ont été déçu par leur rédécouverte récente de Borsalino, en oubliant que ce dernier film s'était déjà fait descendre par la critique de l'époque. Impétueux avait émis l'idée que le peu populaire Borsalino & co était meilleur que le premier volet.
Je recommendrais plutôt à nos déçus de Borsalino de visionner toutes affaires cessantes Flic Story. L'histoire est assez classique, puisqu'elle retrace le jeu du chat et de la souris entre le flic Roger Borniche et l'ennemi public n°1 Emile Buissson, juste après la seconde guerre mondiale.
Ici, force est de constater que tous les écueils ont été évités. La reconstitution des années 40 est superbe, sans pour autant être noyée dans le simple rétro pittoresque comme dans Borsalino. Le duel d'acteur tient toutes ses promesses. On ne peut qu'admirer le magnifique contraste entre un Delon incroyablement sobre, à des années lumières de ses rôles ultérieurs de flic dans les polars minables de José Pinheiro, et un Trintignant qui lui vole la vedette en jouant les fous avec une maestria qui a été souvent saluée à juste titre. Le duel Delon- Trintigant vaut bien le duo Delon- Belmondo. N'oublions pas non plus les brillants seconds rôles comme Renato Salvatori, Claudine Auger, sans oublier André Pousse et Henri Guybet, pas forcément attendus dans un registre aussi grave.
Et ce qui achève de faire du film une grande réussite, c'est cette mise en scène étonnante qui, pour une fois, ne cherche pas le spectaculaire à tout prix, mais la sécheresse, l'observation nue des faits et gestes des protagonistes.
Dans son livre de souvenirs, "UN HOMME A SA FENETRE", Trintignant , déjà interprète heureux du passionnant Un homme est mort, écrivait à juste: "je suis sensible aussi à la sécheresse de Flic Story, mon deuxième film avec Deray. Dans ce froid récit d'une partie de chasse (à l'homme) , j'ai fait appel à toutes mes facultés de méchanceté, de ruse, de folie rentrée..".
Pour toutes ces raisons, il serait dommage de passer à côté de ce beau polar méconnu, que l'on peut trouver pour une poignée d'euros sur quelque site de vente bien connu.
« Beaucoup de fidèles de dvdtoile ont été déçu par leur rédécouverte récente de Borsalino, en oubliant que ce dernier film s'était déjà fait descendre par la critique de l'époque. »
Un oubli des plus judicieux. Être déçu par Borsalino c'est une chose, mais de là à dire qu'on pourrait en quoi que ce soit se fier à la critique de l'époque, n'exagérons rien. Leurs raisons de descendre le film étaient fort probablement biscornues et à côté de la plaque, tout comme leurs raisons de tresser des lauriers à certains films que j'admire aussi.
Cela dit moi aussi je viens de revoir Flic Story est c'est en effet un très bon film, qui me rassure un peu sur l'inégal Deray. Il s'agirait maintenant de revoir Le Gang…
Flic Story est un polar assez à part dans la carrière du moyen Jacques Deray puisqu'il ne fait pas état d'action spectaculaire, Deray à monter une mécanique policière assez sèche, ou le rétro n'est pas vraiment pris en compte, à l'inverse de Borsalino ou du Gang justement.
Qu'y'a t'il donc de si attirant dans ce film ; c'est la fidélité avec laquelle le film reconstitue un épisode clé dans la vie de Roger Borniche, dans sa lutte contre le tueur Emile Buisson. A savoir que Le Gang est une autre adaptation d'un roman de Borniche que l'auteur avait dédié à Alain Delon.
Merci, Verdun pour ce commentaire alléchant qui me donne envie de découvrir ce film, négligé à sa sortie, peut-être du fait de son titre bien primaire et ennuyeux…
Jacques Deray n'est pas, à mes yeux, si moyen que le dit Frétyl ; si je maintiens que Borsalino – immense succès ! – est bien décevant à la re-vision, et que je lui préfère Borsalino & co, il y a par ailleurs deux films de Deray que je mets assez haut dans mon Panthéon : la troublante Piscine et le trouble On ne meurt que deux fois, l'un et l'autre film maîtrisé et équivoque…
Et Un papillon sur l'épaule, aussi, qui était ce qu'il a fait de plus proche d'un "film d'auteur", et qui ne manquait pas de qualités.
Je ne dis pas que Deray est mauvais, je dis qu'il est moyen, on ne garde souvent en mémoire que les meilleurs films de sa carrière, mais on oublie généralement les nombreux navets qu'il a pu réaliser de manière commerciale : L'ours en peluche, Un crime, Trois hommes à abattre, Netchaïev est de retour, Un homme est mort, Le solitaire, Le marginal ou Les bois noirs .
Mais, le pire souvenir reste une tentative d'humour aussi ridicule pour lui que pour l'acteur principal : Doucement les basses .
Pour le reste je ne renie pas La piscine, Le gang, Flic Story ou Un papillon sur l'épaule, mais j'avais eu du mal à saisir le (trop) déroutant On ne meurt que deux fois malgré des dialogues d'Audiard .
Moi je ne dirai pas tout à fait la même sur la carrière de Deray: pendant plus d'une vingtaine d'années il a été l'un des meilleurs réalisateurs français de polars, moins que Melville évidemment mais plus qu'un Verneuil.
Pas beaucoup de choses à jeter dans sa première partie de carrière hormis le raté Doucement les basses. Ainsi, Un homme est mort qui est qualifié de navet dans le message de Frétyl me semble un des tous meilleurs Deray, avec encore une fois un remarquable Jean-Louis Trintignant.
Mais à partir du Marginal, il n'y a plus rien à sauver, à l'exception notable de On ne meurt que deux fois, une perle jamais citée dans les hommages à Serrault en août dernier alors qu'il s'agit d'une des meilleures prestations de ce dernier.
Hélàs Deray n'a pas pu contrecarrer le déclin du cinéma français. Il a signé toutefois quelques téléfilms intéressants dans ses dix dernières années d'activité.
Par ailleurs j'aimerais beaucoup voir par un beau matin d'été, L'homme de Marrakech, Symphonie pour un massacre et Un peu de soleil dans l'eau froide, rarement diffusés..
« …on ne garde souvent en mémoire que les meilleurs films de sa carrière, mais on oublie généralement les nombreux navets qu'il a pu réaliser de manière commerciale. »
Ainsi donc, quand un film de Jacques Deray est réussi, il n'est pas « commercial »? Hum. Je serais curieux de connaître le chiffre des entrées pour Flic Story ou On ne meurt que deux fois. En quoi Les Bois noirs est-il plus "commercial" que Un Papillon sur l'épaule ?
C'est différent, lorsqu'il devient un réalisateur chargé de polir l'image de Delon avec Doucement les basses ou de Belmondo avec Le solitaire ce n'est plus du cinéma, c'est du marketing ; ce n'est certainement pas, pour rien, qu'il a été choisi pour réaliser Borsalino, dans lequel, pour ne fâcher ni Bebel ni Alain les producteurs sont allés jusqu'à exiger une égalité de plans pour les deux vedettes.
Deray était certainement un réalisateur de commande . Dans ce genre, ses films sont généralement aseptisés, sans âmes, le cinéaste est beaucoup plus doué lorsqu'il s'applique à réaliser une adaptation de roman ou lorsque ses scénaristes : Jardin, et Carriére sont inspirés.
On lui a néanmoins reproché (via la presse) de faire dans les années 80 des films typés années 70 (sous-entendus démodés).
Je remercie chaleureusement Verdun de m'avoir alléché par son excellent, judicieux, complet commentaire qui inaugure le fil ce Flic story que je n'avais jamais vu et qui vaut mieux que son titre idiot ! C'est vraiment très bien fichu, et, malgré qu'on ne puisse ignorer la façon dont ça va (forcément) se terminer, on est tenu en haleine jusqu'au bout par une histoire racontée de façon ingénieuse et intelligente.
ll y a vraiment de quoi être émerveillé par le jeu de Jean-Louis Trintignant, dont les regards, les expressions sont d'une ductilité si forte qu'il parvient à faire presque saisir, en une seconde, la folie hystérique d'Émile Buisson, son invraisemblable cruauté, son absence apparente de toute humanité ; et, naturellement, même si Alain Delon est plutôt bon, il souffre un peu de la comparaison, le personnage de Roger Borniche, d'ailleurs, policier hardi et naturellement (comme d'habitude ! comme toujours ! : la hiérarchie est forcément pusillanime, limitée et exaspérante), naturellement, donc, moins riche et moins intéressant…Presque tous les acteurs jouent juste, voire très juste (Paul Crauchet, et Maurice Biraud, ce qui est constant, mais aussi Henri Guybet, ce qui est plus rare), à la notable exception de Claudine Auger, qui joue la maîtresse de Borniche, et qui est une des plus grandes gourdes du cinéma français de tous les temps et de Denis Manuel, qui joue Lucien, le flic sadique, constamment dans l'outrance.
Amusante et ethnographique remarque : la concurrence farouche entre le ministère de l'Intérieur (la Sûreté nationale) et la Préfecture de Police qui, dirigée – évidemment – par un Préfet était alors une police municipale… La guerre des polices ne date pas d'hier…
Excellent film il est vrai ! On peut juste déplorer que la scène – très réussie – de l'arrestation au restaurant fut décalquée à l'identique sur celle de Un flic de Jean-Pierre Melville, tournée trois ans auparavant…
Il ya vraiment de quoi être émerveillé par le jeu de Jean-Louis Trintignant, dont les regards, les expressions sont d'une ductilité si forte qu'il parvient à faire presque saisir, en une seconde, la folie hystérique d'Émile Buisson
Je me suis toujours demandé si le regard si inquiétant de Trintignant n'avait pas été aidé par des lentilles.
Piqué par l'observation de Lagardère, je me suis rapidement reprojeté Un flic et il faut bien dire que la ressemblance (le pastiche ? la copie ? l'hommage ?) est plus que troublante, à la seule différence que l'arrestation du malfrat est réalisée dans un restaurant bondé et que ce n'est pas une grenade défensive que ledit malfrat détient, mais un pistolet (mais la neutralisation, l'arme projetée à terre, le tempo de la mise hors d'état de nuire sont tout à fait analogues !)
Quant à l'observation de Frétyl… qu'en dire ? On pourra mettre toutes les lentilles cornéennes du monde à Jean Marais ou à Olivier Martinez, ça ne changera pas grand chose à leur jeu monocorde….
Pour rendre Serrault plus glaçant on a bien teint ses yeux avec du charbon pour le Docteur Petiot.
Ah ben oui, le contour de l'oeil au charbon, c'est un bon vieux truc. Alberto Sordi l'utilise dans Le Jugement dernier, où il joue le rôle d'un odieux personnage qui vend clandestinement des bébés napolitains à de riches américains stériles.
Roger Borniche apparaît comme un policier très humain lors des interrogatoires, y compris avec Emile Buisson après son arrestation, contrairement à Lucien Darros dont il compare les méthodes d'interrogatoire avec celles de la Gestapo responsable de la mort de son frère.
Oui, et je vomis cette attitude de la part de Borniche. Le journal du jour et un verre de bon Bordeaux acheté exprès pour Emile Buisson à chacune de ses auditions, c'est assez abject ! Je suis sûre qu'il y avait à la même époque des petits délinquants qui étaient traités comme des terroristes. J'ai toujours trouvé cette dernière scène inutile et pénible pour la morale . A noter que la scène de l'arrestation de Buisson est, à quelques détails près, la même que celle du truand Louis Costa dans Un flic de Melville .
Certes le copinage et une sorte de sympathie de Roger Borniche envers Emile Buisson sont choquants . Personnellement, j'aurais la même réaction de dégoût devant la moindre sympathie envers les responsables du génocide de la seconde guerre mondiale, exécutes par pendaison après le procès de Nuremberg (1945 , 1946) peu avant l'action du film située en 1947. S'il avait été fait preuve de la moindre gentillesse envers eux , cela m'aurait horripilé . Aux États Unis la tradition est d'offrir un meilleurs repas avant une exécution (les condamnés de Nuremberg ont eu de la salade de pommes de terre , des saucisses , du pain et du thé pour leur dernier repas).Les potences avaient une couleur gris-olive , couleur des bois de charpente de l'armée américaine , pour passer inaperçues pendant le transport. Un peu comme la plupart des murs dans flic story d'une sorte de gris vert, ou d'autres nuances vertes, vert clair a bandes verticales vert foncé… un abat jour en verre vert sur le bureau de l'inspecteur Hidoine , un autre sur le bureau de l'inspecteur Borniche , le pull over vert sale de Roger Bollec et des impers verts ,ceux de Roger Borniche souvent sur un fond de verdure et de Mario le rital ! Cette dominante de la couleur verte se trouvait déjà dans le roman autobiographique de Roger Borniche avec 9 "vert", 3 "verts", 3 "verte" et 4 "vertes". Notamment les armées vertes (les Allemands verts de gris) , ''Tout en enfilant mon imperméable kaki, acheté dans un surplus de l’armée américaine'', les murs verts (papier vert des murs…) , quelques fiches et chemises vertes… Mais si Roger Borniche s'est montré humain envers Emile Buisson, à aucun moment il n'a contesté sa condamnation à mort , il ne lui a trouvé aucune circonstance atténuante…Du temps de la peine de mort, lorsque l'ultime recours , "la grâce présidentielle" était refusée ,c'était sans doute faire preuve d'humanité que d'offrir au condamné à mort une dernière cigarette , un verre de rhum, et pour les croyants le secours de la religion… .Cela malgré toute l'horreur "inhumaine" de l'exécution par la guillotine…(Landru refusa le verre de rhum et la cigarette) . Disons que Borniche a extrapolé trop loin et trop longtemps cette tradition "humaine" dans le film , le verre de rhum devenant une bouteille de bon bordeaux et le Figaro du jour remplaçant le reconfort du curé , quant à la cigarette il en avait offert plusieurs à Jean-Baptiste Buisson hospitalisé (qui ne sera pas guillotiné) , le frère d'Emile Buisson ,sans attendre la dernière minute…
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