Je suis étonné d’être le premier à laisser un message sur ce film culte.
Le Locataire fut très mal reçu à sa présentation à Cannes en 1976, tout comme un autre chef-d'œuvre claustrophobe du cinéma français, Monsieur Klein.
À présent, Le Locataire apparait comme un des plus grands Polanski,
une parfaite quintessence de ses obsessions: la peur des appartements, la solitude, l'exclusion et le racisme, l'angoisse de l'homme moderne.
Certes ce film présente certains menus défauts: un rythme parfois défaillant alors que le roman de Topor dont Polanski
s'inspire frappe par sa sècheresse, un étrange casting franco-américain qui aboutit notamment à un doublage bizarre dans la version française comme dans la version anglophone d'ailleurs.
Mais ce n'est rien à côté de cette atmosphère unique qui mêle l'absurde et l'angoisse. Et grâce au dvd, il y a deux passages que je ne cesse de regarder : l'incroyable plan-séquence du début sur la façade de l'immeuble et surtout le moment ou Bernard Fresson écoute à fond la caisse un air de musique militaire au grand désespoir d'un Michel Blanc
débutant qui voudrait un peu moins de bruit pour sa femme souffrante.
Ce Locataire ne vous semble-t-il pas égal voire supérieur à Rosemary's baby
œuvre davantage célébrée ?
PS: Je m'en voudrais d'oublier l'étonnante performance d'acteur de Polanski himself.
J'adore les films de peur, mais les films de peur réussis sont très rares. En réussir pleinement trois comme Répulsion, Rosemary's Baby
et Le Locataire
est un exploit peu commun.
Notamment parce que La Neuvième porte m'a plutôt laissé sur ma faim, j'ai revu récemment Le Locataire
dans son édition Zone 1 (vu que la Zone 1, c'est ici) et encore une fois, il m'a fait dresser les poils de la nuque au garde-à-vous.
Il y a quelques effets chocs impressionnants dans ce film, par exemple un ballon qui devient autre chose. Il y en avait aussi dans Répulsion. Mais ces effets ne fonctionneraient pas si, d'abord, Maître Polanski
n'avait réussi à subtilement conditionner le spectateur grâce à un sens aigu de la création d'atmosphère et du détail perturbant.
Bien qu'il ne soit pas construit tout à fait avec la même rigueur implacable que les deux autres – selon moi, la paranoïa du protagoniste "monte" un peu vite, comme s'il manquait une scène ou deux – Le Locataire m'impressionne vraiment par tout ce travail sur les éléments du film. Dès le plan d'ouverture, la photographie de Sven Nykvist
est inquiétante, malade. Je ne sais pas comment il a fait ça, mais ça marche ! La musique de Philippe Sarde,
dominée par la clarinette, alterne subtilement entre une mélopée insidieuse et une tristesse désolée, comme empreinte d'empathie pour le malheureux Trelkovsky. Les bruits, aussi… Et puis cet imaginaire si fertile en trouvailles inquiétantes…
L'inventivité de Polanski dans la direction du grotesque sinistre se donne ici libre cours peut-être plus que dans aucun autre de ses films : tous les personnages secondaires ont quelque chose de déformé par rapport à la réalité "normale". Le proprio, la concierge, les collègues de bureau (Bernard Fresson qui me fait rentrer la tête dans les épaules!), les voisins à plus forte raison, et Adjani,
et tout le monde en fait semble timbré, comme au seuil de l'asile. C'est un peu comme les galeries de tronches de Fellini, mais en version sépulcrale…
Je pense que c'est pour ça que ce film me fait peur : plus on progresse, plus on s'enfonce dans un univers du fantastique où on ne peut se raccrocher à rien parce que toute chose et tout être ont l'air de receler une anomalie… Dans Répulsion – auquel ce film ressemble par plusieurs aspects – il subsistait une réalité extérieure "normale" hors de l'esprit malade de la protagoniste. Mais ici, non ! La folie de Trelkovsky n'exclut pas la folie du monde qui l'entoure…
L'angoisse qui suinte de ce film est vraiment épouvantable !
Arca1943
Diffusion hier soir sur Arte du Locataire de Roman Polanski.
Confirmation implacable du génie de ce réalisateur. Génie du scénario tout d'abord : avec une forme "close sur elle même" le réalisateur parvient à promener le spectateur, à le tenir en haleine. On assiste au glissement imperceptible de Trelkovsky (interprété par Polanski
lui même) de l'angoisse dans la folie, en passant d'une position objective de specateur à la vision subjective de Trelkovski. Et c'est là que le génie du réalisateur-acteur explose littéralement devant nos yeux de spectateurs ébahis. Le film est servi par une distribution éblouissante où l'on voit passer Pierre Mondy,
les comédiens de la troupe du Splendid : Gérard Jugnot,
Michel Blanc
… Isabelle Adjani
est hallucinante de talent dans le personnage de Stella, une jeune femme mystérieuse, enlaidie par de grosses lunettes, enlaidie mais irradiante d'un magnétisme mystérieux et envoutant : celui d'une beauté dissimulée : un des plus beau contre emploi du cinéma, un argument qui confirme ce que je disais d'Adjani
sur le forum de Capitaine Achab.
Riche idée de la part d'Arte d'avoir diffusé ce film un peu oublié, oublié au point de ne pas être répertorié en zone 2. Je vote donc pour cette édition zone 2.
Je trouve la critique de Arca très juste. J'ai vu ce film étant très jeune et la férocité du film m'a laissé des traces sans doute irréversible, depuis Le locataire j'ai toujours eu une certaine frousse à l'idée de vivre seul et éloigné de mes proches comme ce Trelkovsky étranger coupé de ses racines dans une ville qu'il ne connait pas.
Rien que l'idée de partir loin de chez moi me rappelle à chaque fois le sort de ce personnage étant rester seul trop longtemps.
De plus, c'est vrai, on dit souvent que provoqué "le rire" chez le spectateur est l'exploit le plus dur pour une équipe de cinéma, je crois bien que engendré "la peur" est encore plus spectaculaire.
Avec un peu d'inventivité, de sympathie et de bons comédiens on peut faire rire facilement, Francis Veber fait ça très bien, mais pour réussir à paniqué, à effrayer un spectateur confortablement installé chez lui devant sa télévision, je pense qu'il n'y a pas de recette miracle.
On peut écœurer facilement avec du sang et de la violence abondante à la manière d'un Massacre à la tronçonneuse, mais réussir à foutre la pétoche ne peut relever que d'angoisse personnelle de la part du réalisateur réussissant à les mettres en image, Polanski
qui a connu les ghettos durant son enfance en a certainement beaucoup et on ne peut que crié au génie face au Locataire.
Le locataire est aussi un film sur le racisme, comment ne pas sentir une constante peur de l'autre et une hypocrisie générale autour du héros auquel le film réussi, malgré nous, à nous identifier.
À quoi on pourrait ajouter – on ne le fait pas souvent – que Roman Polanski est aussi un acteur de toute première force. Ce rôle dans son propre film, ainsi que l'ambigu inspecteur de police dans l'excellent Une Pure formalité
de Tornatore,
m'ont beaucoup impressionné.
Le Locataire est un voyage hallucinant menant de l'oppression à la folie. L'hostilité ambiante dans cet immeuble est sinistre, permanente, une étreinte douloureuse subit continuellement par ce nouveau Locataire au nom imprononçable.
Trelkovski ne semble pas concerné par toutes ces accusations répétitives, ces comportements incohérents, ces visages livides aux mots froids et procéduriers, ces coups au plafond répétés inlassablement, ce cafetier absent imposant sa loi au sujet des consommations de boissons et de cigarettes, ces visites soudaines d'inconnus se terminant par des pleurs, ces fausses pétitions introduisant dans l'appartement un regard soupçonneux.
La privation des libertés semble dans un premier temps l'identité de ce complot raciste ou toute une machinerie humaine de causes à effets s'acharne sur un homme fragile. Cependant tout est trop outrancier, improbable dans une logique relationnelle ou chacun connaît les limites à ne pas dépasser
La déstabilisation constante endurée est-elle vraiment réelle ou bien représente t'elle une lente descente aux enfers d'un esprit malade, incapable de s'exprimer, encerclé peu à peu par sa propre paranoïa gestionnaire d'évènements douteux incompatibles avec la réalité?
Au fil de cette dérive obsessionnelle, les visages se transforment deviennent plus déterminés, le plan de destruction final s'accentue jusqu'à l'inexorable conclusion voulue par un Trelkovski déconnecté de la réalité.
Le locataire est la suite logique d'un concept élaboré dans Le bébé de Rosemary, la dégénérescence obsessionnelle ou déjà une entité fragilisée psychologiquement devait subir l'attaque de front d'un groupe dangereux embusqué derrière un relationnel courtois récupérateur.
Ici tout est inversé, les voisins sont soupçonneux, médisants, le chien de la concierge est hargneux. Situé dans un quartier sinistre de la capitale l'immeuble est presque insalubre sans commodités intérieures, des figures de cires vous fixent à volonté presque à la limite de l'outrage, tout cela ne peut être vrai.
Trelkovski évolue sur un territoire Kafkaïen ou sans le savoir ses cauchemars répondent à une demande secrète, l'apocalypse d'un visuel inadapté pour un homme qui ne communique avec ses semblables que par l'élaboration d'une folie interne.
Même si je n'aime pas le classicisme dans le cinéma, je situerais plus Le locataire comme un film dramatique que comme un film fantastique.
Ce que Polanski nous montre appartient au domaine des films d'épouvante, les visions du personnage sont surréalistes.
Mais le sujet du film n'a rien d'improbable ou de surnaturel, le film traite le cas dément d'une schizophrénie latente, et non pas d'un appartement maudit.
On est en quelque sorte plus proche du pétage de plomb de Série noire que de la maison inquiétante de Amityville.
« …le film traite le cas dément d'une schizophrénie latente… »
Et il est par conséquent une sorte de sequel de Répulsion, autre film de peur qui tablait uniquement sur le déséquilibre psychologique et non sur le surnaturel. Seulement, la différence entre Le Locataire
et Répulsion,
c'est que dans Répulsion,
nous sommes sûrs que tout ça sort de l'imagination malade de l'héroïne. Tandis qu'ici, ce n'est pas sûr. C'est possible, oui, mais ce n'est pas sûr; et l'ambiguité est cruellement maintenue jusqu'au cri final, sans qu'aucune explication ultime ne nous soit fournie. Les voisins de Trelkovski ont peut-être l'air de fous parce que Trelkovski les voit comme ça et que nous sommes toujours "dans sa tête"; mais peut-être qu'effectivement ils sont tous fous. Pourquoi le type du café tient-il tant à lui faire acheter des Marlboro ? Qu'est-ce que c'est que cette cinglée qui défèque dans l'escalier ? Qui sont ces maniaques qui semblent guetter le moindre craquement pour se mettre à cogner au plafond avec leur balai ? Qu'est-ce que c'est que cette concierge qui rigole en racontant au malheureux que Simone Choule s'est jetée par la fenêtre ?
On retrouve souvent le thème de la folie chez Roman Polanski dans Repulsion,
Le locataire
mais aussi vers la fin de Rosemary's baby
; l'entourage de Mia Farrow
essaye de convaincre celle-ci qu'elle est folle, ce qui ne fait qu'accroitre le suspens ainsi que les doutes chez le spectateur.
Pareillement pour La jeune fille et la mort, pas le meilleur Polanski
mais un film intéressant quand même ; dans ce huit-clos Sigourney Weaver
soupçonne un homme de l'avoir torturé pendant une dictature et propose comme vengeance le meurtre, l'accusé tente de ce sortir de là en plaidant la folie de l'héroïne, ce qui encore une fois est jusque dans les dernières scènes une source de suspicion.
Polanski est peut-être l'un des rares cinéaste à avoir du Hitchcock
dans le sang.
Pour Le locataire je pencherait plutôt pour la folie de Trelkovsky, lorsqu'il se rampe dans les escaliers dans les dernières scènes, il voit ses voisins ignobles et difformes essayant de l'attraper, alors que ceux-ci essayent de le sauver ; tous s'explique.
Reste à savoir ce qui est vrai ou faux dans ce que nous avons vu pendant tout le long.
Un chef d'oeuvre absolu pour ma part ! le roman de Topor ("Le locataire chimérique") est tout aussi excellent, il est d'ailleurs particulièrement bien respecté dans la version filmée sauf que certaines scènes ont été inventées pour le film (comme par exemple le coup des hiéroglyphes dans les toilettes, scène absente du roman).
Et la musique de Philippe Sarde (avec sa "glassharfe" accompagnée d'une clarinette solo, de 2 flûtes contrebasses et d'un orchestre à cordes sans violons) est absolument inoubliable !
Il se dégage de ce film une nostalgie et un charme que je dirais presque… surnaturel.
Arca a dit admirablement l'essence du film (le singularisant notamment de l'excellente formule La folie de Trelkovsky n'exclut pas la folie du monde qui l'entoure)
Et les rares aspects qui auraient pu n'être pas développés par notre éminent contributeur d'Outre-Atlantique le sont dans le livret joint à l'excellente édition Paramount, qui vient de paraître.
Ce livret est signé par Bernard Genin, critique à Télérama ; il éclaire avec beaucoup de pertinence le long et continu malaise qui sourd du Locataire, grande réussite à tous égards, décor, musique, lumière (grise et verte, tout à la fois). Tous les thèmes forts de Polanski
s'y emmêlent, fragilité, solitude, marges incertaines, basculements insidieux de la réalité. On y trouve, comme dans Rosemary's baby,
dans Frantic,
dans Chinatown
le sentiment de panique grandissante qui étreint peu à peu ceux qui se trouvent – ou s'imaginent – totalement isolés dans la foule indifférente ou hostile. Ce qui peut être ressenti, de l'extérieur, comme la paranoïa d'un esprit fragile ou d'un enquiquineur obstiné apparaît, vu de l'intérieur comme une évidence.
Mais ce qui est très fort, dans Le Locataire, c'est donc l'impossibilité pour le spectateur de se situer, au milieu de ce qui est à la fois une dérive vers la démence et une vaste conspiration, d'autant plus indécelable qu'elle est pratiquement universelle.
Admirable choix de la distribution, avec quelques visages durablement installés dans nos têtes, moins les débutants, encore mal dégrossis, de l'équipe du Splendid, Balasko et Jugnot
tout dans l'excès, Michel Blanc
qu'on ne remarquerait pas si l'on ne savait ce qu'il est ensuite devenu, que les valeurs sures, Bernard Fresson,
aussi dégoulinant de vulgarité qu'il l'est dans Les galettes de Pont-Aven
ou, surtout Jacques Monod, toujours si parfait, et là bistrot cauteleux, à la Marlboro obsessionnelle…
Sans oublier Melvyn Douglas (Ninotchka)
dans le rôle monsieur Zy, Jo van Fleet
(le roi et les quatre reines)
dans celui d'une voisine, et Shelley Winters
dans celui de la concierge.
Un des forces du film est de ne pas tout expliquer (que font par exemple les occupants statiques dans les toilettes ?, qui a ramassé les ordures déposés par Trelkovski dans l'escalier ?) : on ne sait pas quand on passe de la réalité à une vision fantasmée de la réalité, ce qui contribue à créer un climat oppressant pour le spectateur. L'humour macabre joue un rôle aussi : par exemple Trekolvski qui s'y reprend à deux fois pour se suicider. Un humour féroce aussi pour décrire les personnages joués par Melvyn Douglas (sentencieux à souhait), et Bernard Fresson (caïd du groupe d'ami et de son immeuble). Impossible de ne pas réagir, soit en salle, soit chez soi. Et puis cette histoire est évidemment parfaitement mise en scène (exemple : mouvements de caméra en arabesque pour représenter les différentes visions de Trelkovski, qui perd progressivement le sens commun de l'espace et du temps).
Tiens, c'est marrant, personne ici ne parle d'Adjani. c'est pourtant un de ses rôles les plus marquants. Enfin pour moi.
En dehors de l'aspect effrayant du film d'horreur, j'ai eu un œil attendri et nostalgique pour le Paris des années 70 . Les salles de cinéma du faubourg Saint-Martin : Capitole, Concordia…Le Restaurant , café, tabac "Le Batifol" , qui fut un cabaret célèbre ou se produisait des artistes de renom…
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