Le film de Duvivier est superbe, et Gérard Philipe, à mes yeux souvent mal sollicité au cinéma est là un Octave Mouret impeccable…
La pourriture n'est pas que bourgeoise dans Pot-Bouille. Car il faudrait se garder de croire que Zola est un précurseur d'Arlette Laguillier. La pourriture est également servile, dans le même roman (les horreurs, les racontars, les cancans que les bonnes échangent), comme elle est rurale dans La Terre, ou prolétarienne dans L'assommoir…
Zola n'est pas un auteur qui a une vision très optimiste de la nature humaine, dans quelque classe qu'elle soit rangée…
Et encore ! Le film laisse de côté les passages les plus sulfureux du roman.
Une superbe réussite cinématographique. Fine, puissante, brillante et moderne. A la fois divertissement et source de réflexion. Qualité des plans, des dialogues (Henri Jeanson), de la mise en scène de Duvivier. A voir pour mesurer la modernité du propos d'Emile Zola, et le talent -énorme- de Duvivier et de ses collaborateurs (Gerard Philipe est fantastique, mais idem pour les autres comédiens). Un siècle après son écriture par Zola, cinquante ans après sa réalisation, cette adaptation Pot-Bouille demeure très moderne, par le fond (cernant ce qui est constitutif des rapports humains et sociaux). La forme de ce récit (rythme rapide, densité des idées, plans, photographie -Michel Kelber-) est superbe. Duvivier transcende l'écriture cinématographique classique des années 50 pour produire ce chef d'oeuvre. Ce film m'a fait penser à Sourires d'une nuit d'été de Bergman (par ses dialogues abondants, sa thématique sociale et familiale). A mon avis, parmi ce que le cinéma français a produit de plus intéressant, toutes époques confondues. Je l'ai à l'occasion intégré dans ma liste des films préférés.
Voilà un film magnifiquement réussi que les contributeurs réguliers du cinéma français de répertoire, sur ce forum, pourraient regarder et chroniquer (plutôt que Tricoche et Cacolet(!),…).
Et kicéty qui a inauguré le fil ?
Cela dit mon message était trop bref pour que je ne le développe pas prochainement…
Et, naturellement, magnifique, ce Pot-Bouille du protéiforme Julien Duvivier, capable de se faufiler dans tous les genres et de réussir dans presque tous….
Que c'est bien ! Quel rythme ! Quels dialogues ! Quels acteurs !
Et tiens, à ce propos, imagine-t-on, aujourd'hui, dans n'importe quel film, qu'après les deux ou trois vedettes citées en première ligne (ici Danielle Darrieux, Gérard Philipe et l'alors débutante Dany Carrel) s'inscrivent dans les génériques dix noms qui, à l'époque de la réalisation, au moins, étaient notoires…Tiens… sans chercher plus loin Jane Marken, Jacques Duby, Anouk Aimée, Olivier Hussenot, Henri Vilbert, Claude Nollier, Micheline Luccioni, Judith Magre, Gabrielle Fontan, Catherine Samie, Jean Brochard, Jacques Grello, Denise Gence… Un festival !
Dans un immeuble bourgeois sublime d'opulence, de bonne conscience et d'hypocrisie à tous les étages, voici l'ascension d'Octave Mouret et la préfiguration de ce qu'il deviendra dans Au bonheur des dames. Mouret, c'est Gérard Philipe, comme toujours meilleur dans la veulerie (Monsieur Ripois, Le Rouge et le Noir) que dans la gentillesse melliflue (Fanfan la Tulipe, Les aventures de Till l'Espiègle) ou dans le mélodrame existentialiste (Les orgueilleux). Séduisant, séducteur, cynique, prodigieusement doué pour les affaires, d'un absolu mépris pour les femmes, il domine le film de la tête et des épaules…. Les femmes, donc…. Tout l'immeuble de Pot-Bouille bruisse de leur frustration et de leur névrose. Hystérie nymphomane de Valérie Vabre (Micheline Luccioni) – l'hystérie, cette maladie qui vient de l'utérus féminin : la racine grecque est implacable !) ; frustration de Marie Pichon (Anouk Aimée), frigidité de Clotilde Duveyrier (Claude Nollier, si altière), et de Caroline Hédouin (Danielle Darrieux), veulerie de Berthe Josserand (Dany Carrel), quasi prostituée par sa mère (Jane Marken, aussi remarquable que d'habitude, c'est-à-dire excellente dans l'immonde : voir Une si jolie petite plage ou, mieux, Manèges). Vulgarité de tous. On peut reprocher un peu à Duvivier de ne pas avoir placé sur le même plan, comme l'avait fait Zola, la laideur des maîtres, abondamment décrite, et celle des serviteurs, tout aussi immonde, hors dans l'épisode – un des plus remarquables du roman – où Berthe et Octave, éveillés trop tard découvrent, effarés, les tombereaux de vulgarité des servantes qui se répandent, au dessus d'eux, de mansarde à mansarde… Entre 1882 (écriture du roman) et 1957 (réalisation du film), le politiquement correct avait déjà sévi…Mais le film est réalisé avec un brio extraordinaire par un auteur au sommet de son art, qui a le sens du rythme, de l'image et de l'espace. Et qui, lorsqu'il est assisté par le talent d'Henri Jeanson donne un des meilleurs films français de la décennie. Voilà que dans son pessimisme habituel, Duvivier a ajouté une belle touche d'acide à la Autant-Lara. Bravo l'artiste !
mon message était trop bref pour que je ne le développe pas prochainement… (octobre 2011).
Une maturation de dix mois, pour un message très pertinent publié ce jour. Impétueux semble se bonifier avec le temps, comme les bonnes bouteilles.
Trop aimable, Vincentp, mais je suis heureux que nous nous rejoignons !
Duvivier et Jeanson ont intelligemment élagué plusieurs personnages secondaires et des épisodes non indispensables, afin de demeurer dans une durée convenable (115 minutes tout de même) pour le cinéma.
Mais je signale à tout hasard qu'il y a eu, en 1972, une adaptation télévisée qui m'avait semblé très intéressante : 5 épisodes d'une petite heure chacun. C'était de Yves-André Hubert avec Roger Van Hool en Octave et la très belle Marie-France Pisier en Berthe.
Très belle musique fin de siècle, à mon (vague) souvenir.
Pot-bouille : popote. Faire pot-bouille : se mettre en ménage . A 28 mn 34 s Un dialogue du film m’a beaucoup amusé. Octave Mouret qui vient du sud, prend l'accent de Marseille et dit dans mon pays, on n’épouse pas, Hector Trublot répond "Alors mon cher, nous sommes compatriotes". Pays dans le sens région, région de Marseille. Mais Hector Trublot n’a pas d’accent…Alors ce doit être le pays où on ne se marie pas ! "…Cette porosité entre les différents espaces permet bien évidemment la transmission des informations des uns aux autres. Octave Mouret en fait lui-même rapidement les frais lorsque, pendant une soirée mondaine de Madame Josserand, il dit à Hector Trublot que dans son pays, « on n’épouse pas » ; le paravent qui met les deux personnages à l’écart des autres ne pouvait évidemment pas retenir cette phrase dans l’espace de confidentialité des deux hommes, et une oreille attentive va rapporter l’information à Madame Josserand, qui, cherchant à marier sa fille, se désintéresse alors aussitôt du jeune ambitieux." La réputation de l’homme qui vient d’un pays où on n’épouse pas est reprise à 52 mn 50 lors du bal du mariage de Berthe et Auguste Vabre . Une danseuse lui dit "C’est vrai que dans votre pays on n’épouse pas ?-Octave Mouret -Oh vous ,on vous épouserait partout , même dans mon pays !-Oh, ne vous donnez pas tant de mal,vous n’êtes pas du tout mon genre-quel est votre genre ? -deux fois comme vous (Gérard Philipe mesurait quand même 1m83!)- j'en suis la moitié, c’est déjà ça-d’ailleurs, mon genre le voilà" et elle rejoint un grand militaire qui depasse tout les autres danseurs d’une tête, pour danser (qui joue ce géant ? Quelle est la danseuse ?)
. Il s’agit d’une particularité du film qui apparaît dans le roman sous une autre forme : "Trublot gonfla les joues. – Ardente, on ne sait jamais… Singulier goût ! En tout cas, ça vaudra mieux que d’épouser la petite. – Quelle petite ? s’écria Octave, qui s’oubliait. Comment ! vous croyez que je vais me laisser entortiller !… Mais jamais ! Mon bon, nous n’épousons pas, à Marseille !" . A la fin du film Octave Mouret séduit finira par accepter l’idée de se marier. " Qu’est-ce que le mariage ?" C’est la grande question du film soulignée dans la vidéo de la bande annonceLa boutique "au bonheur des dames" deviendra le grand magasin du même nom dans le roman "au bonheur des dames" de Zola, allusion au premier grand magasin "au bon marché". Le film d'André Cayatte "Au bonheur de dames" (1943) précède ce film pot bouille, ces deux films ont donc une chronologie inverse à celle des romans. Une adaptation par Julien Duvivier était sortie en 1930, les deux adaptations de Zola par Julien Duvivier ont donc une chronologie inverse par rapport aux romans de Zola . A 19 mn 19 s Octave Mouret qui vient du midi va prendre son service dans la boutique parisienne "au bonheur des dames"
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