Pour faire une bonne version des Misérables, il faudrait un film d'au moins dix ou quinze heures. Xaintrailles a tout résumé.
Loin d' être mauvaise, certes, cette version des Misérables ne vaut sûrement pas les éloges qui lui sont faites ! On a beau crier Harry Baur,
Harry Baur
! Non, décidément non, au bout de la énième vision, je ne comprend toujours pas le pourquoi de cet engouement démesuré. Assurément, le beau noir et blanc accentue la misère, la souffrance des bagnards ou la répulsion que nous inspirent Les Thénardier. Mais cette façon de filmer en "oblique", comme aimait à le faire Duvivier,
est un peu pénible. Elle doit être justifiée et en la circonstance, elle ne l'est pas toujours.
Les Thénardier, parlons en : Je suis au regret de vous dire que Madame Marguerite Moreno est largement en dessous de son talent habituel et légendaire. Quant' à Charles Dullin,
il ressemble plus au vieux Kostileff des Bas-fonds
interprété par Vladimir Sokoloff
qu'au Thénardier dépeint par Victor Hugo.
Il lui manque nettement la roublardise, la rouerie que Bourvil
a su si bien faire ressortir. Charles Vanel
est loin d'être un Javert convaincant (c'est bien le moins qu'on puisse dire), absent, lointain., et Jean Servais
nous joue un Marius complètement halluciné genre Jean-Louis Barrault.
Max Dearly en fait des tonnes dans le rôle de Gillenormand. Il se croit clairement dans un vaudeville. Ça crache. Par contre, s'il n'est pas étonnant que Josseline Gaël
incarne une Cosette toute en retenue et en tendresse, contre toute attente, Orane Demazis
laisse tomber son côté Fanny
fatiguante pour nous offrir une Eponine inattendue.
Pour autant, et je le redis, cette version est loin d'être détestable dans son grand ensemble. On peut même évoquer un certain esthétisme, absent des autres opus. Le sacrifice et la rédemption, les rêves brisés chers à Hugo sont dépeints avec force et conviction. Mais cette vision de Raymond Bernard n'a pas le "parfait" qu'on veut systématiquement lui attribuer. Force est de constater que la version de Jean-Paul Le Chanois
n'a pas à rougir devant elle.
Certainement pas !
Pour un hugolâtre comme moi, qui plus est fanatique des Misérables (comme, parait-il la majorité des Français dont c'est le livre préféré, juste après la Bible), il n'y a pas de bonne adaptation ; il n'y en a que de très mauvaises. Mais je reconnais que celle de Raymond Bernard est, de très loin la MOINS détestable. Pour faire une bonne version des Misérables, il faudrait un film d'au moins dix ou quinze heures (comme le Guerre et Paix de Bondartchouk) avec des décors qui reconstituent le Paris à moitié imaginaire de Victor Hugo, des comédiens qui soient capables de se mettre dans la peau de personnages du XIX ème siècle (ce qui n'est plus très facile) et surtout un metteur en scène décidé à s'effacer complètement derrière l'auteur du livre au lieu de chercher à moderniser le sujet, et cela semble un rêve irréalisable, malheureusement !
Et voilà qu'à mon grand regret, je rejoins le point de vue de Tamatoa ! Mon regret n'est évidemment pas dû à l'estime que je porte à notre regretté camarade, mais bien parce que j'aurais aimé trouver dans cette version une qualité que je n'y ai pas rencontrée..;
On me disait depuis toujours tellement monts et merveilles de cette version du plus grand mélodrame populaire français, de ce roman que tout le monde croit connaître et aimer que je me faisais un bonheur de la découvrir enfin. On me la présentait dense, longue, fidèle autant qu'il est possible au riche terreau, trop riche terreau, hugolien, on me disait que les près de quatre heures et demie de spectacle, divisées souplement en trois films (Une tempête sous un crâne, Les Thénardier, Liberté, liberté chérie) permettaient de mettre en scène les ramifications et les évolutions d'une œuvre qui s'étend sur une large vingtaine d'années (et sur 1486 pages en Pléiade). On me disait aussi que la distribution du film était exceptionnelle et que le rassemblement de grands noms et de grand talent, Harry BaurIl y a plein de bonnes choses ans cette version des Misérables ; en premier lieu un bien beau Noir et Blanc, des décors qui, pour n'être que de studio, sont réussis et donnent, comme il le fallait, l'image sale de beaucoup des quartiers du Paris du début du 19ème siècle. Et des scènes graves, exaltantes, enthousiasmantes : par exemple l'ennui des rues de la petite ville de Montreuil, où des gandins minables se gaussent de Fantine ; et la désolation de l'auberge de Montmerfeil où les Thénardier persécutent Cosette ; mais c'est à peu près tout.
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