5,4/6. Marco Bellocchio n'a que 26 ans (et plusieurs court-métrages à son actif) quand il réalise Les poings dans les poches en 1965. Il est très rare qu'un cinéaste âgé de moins de trente ans produise un classique, surtout pour une première oeuvre (il y a Steven Spielberg avec Duel, Stanley Donen avec Un jour à New-York, et sans doute quelques autres…). Parfaitement maîtrisé sur la forme -variété et pertinence des plans, qualité de la musique d'Ennio Morricone, de la photographie en noir et blanc (superbe restauration effectuée par la cinémathèque de Bologne), doté d'un scénario sans faille qui se renouvelle pendant cent minutes-, novateur sur le fond, Les poings dans les poches s'inscrit dans le cadre d'un cinéma politiquement engagé, dénonçant le poids du conservatisme social. La société italienne est montrée sous un mauvais jour. Bellocchio emprunte très certainement le chemin ouvert par Pasolini, mais on pense aussi à Bolognini par le caractère fatidique associé à ses personnages.
Des images magnifiques et frappantes de la campagne italienne, sous la pluie et la neige. La voiture du héros traverse des cités tristes, frappées par la pauvreté, qui ressemblent à des images de la campagne française de l'époque. La religion et les us et coutumes du prêtre et de ses jeunes assistants paraissent dérisoires dans ce contexte. Pire, les représentants du clergé assènent des vérités qui s'apparentent à des blasphèmes. Les acteurs, tout particulièrement Lou Castel et la très spontanée Paola Pitagora sont excellents. Castel, avec son air renfrogné, convient au personnage et arrive à lui donner de la substance. On pense à La solitude du coureur de fond et à Tom Courtenay. Très beau film au final, mais dur à suivre vu les péripéties de l'histoire (un petit bourgeois massacre un par un les membres de sa famille). Un classique, sans doute un des grands films italiens des années 1960, mais destiné à un public averti.
Tu as oublié le meilleur exemple possible: Orson Welles n'a que 26 ans lorsque sort Citizen Kane !
Par ailleurs, ta très bonne critique qui me donne envie de voir le film.
J'écris vicieusement, parce que, très convenues, la condamnation, la dénonciation des intrinsèques malfaisances bourgeoises ne s'appuient pas sur une analyse marxiste classique des rapports sociaux (entre maîtres et serviteurs, patrons et ouvriers, par exemple). Pas du tout : en fait les bourgeois sont physiquement tarés. La famille portée à l'écran en est la parfaite démonstration.
Certes Augusto (Marino Masè), qui fait office de chef de famille (on ne sait ni quand ni comment est mort le père), outre d'être séduisant, est le seul qui est inséré dans la société locale : il a un travail, des relations amicales, une charmante fiancée, Lucia (Jeannie McNeil). Mais la vieille mère (Liliana Gerace) est aveugle et parfaitement impuissante à apaiser les disputes et prises de bec de ses quatre enfants. Leone (Pier Luigi Troglio), le benjamin, est mutique et à la limite de la débilité. Giulia (Paola Pitagora), belle fille au corps souple, paraît enfermée dans une relation nécrosée avec ses proches ; et surtout avec Alessandro (Lou Castel) avec qui elle a une relation à la fois sado-masochiste et incestueuse. Cet Alessandro est aussi épileptique que son frère Léone ; en plus il s'estime investi d'une sorte de mission qu'il comprend mal et que nous ne comprenons guère davantage : simplifier les rapports complexes de la famille.Bien que l'atmosphère familiale soit lourde, on n'est tout de même pas satisfait lorsqu'Alessandro envoie ad patres sa mère, puis son frère Léone. Certes, ça simplifie les rapports, ça éclaircit les rangs un peu brouillés ; il irait bien jusqu'à tuer sa sœur chérie, mais il est tout de même retenu au bord du gouffre.
Bon. Je ne me souviens plus trop de la fin du film, regardé pourtant il y a seulement deux heures. Ça n'a aucune importance. C'est du cinéma de rien.
Page générée en 0.0025 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter