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Peut-on filmer ça ?


De Impétueux, le 23 octobre 2019 à 14:06
Note du film : 5/6

Ce qui me paraît le plus sommaire dans ce film beaucoup trop long, mais très bien fichu, c'est tout de même l'absence de toute réflexion sur la seule vraie question primale, essentielle, terrifiante, cette question qui nous renvoie à une sorte d'animalité première, à la honte de notre animalité : comment des tas de gens qui n'étaient pas plus mauvais que beaucoup ont été capables de faire ça ? À ce moment là il faut mettre de côté tous les anathèmes contre les cingleries hitlériennes. Quand j'écris mettre de côté, ça veut simplement dire que ça ne me paraît pas suffisant et, d'une certaine façon, trop facile. L'histoire des génocides est variée et abominable : les soldats républicains de Hoche ou de Kléber qui éventraient les femmes de Vendée pour arracher à leurs ventres les fœtus à peine formés, les Turcs qui clouaient aux pieds des Arméniens des semelles de bois, les Khmers rouges qui crevaient les yeux des binoclards jugés par cela même des intellectuels, les Rwandais fanatisés qui allaient assassiner leurs propres parents…

Comment, dans La liste de Schindler, des types qui paraissent par ailleurs, être de braves gens de Poméranie, de Thuringe, de Bavière, ne demandant rien à personne et, pour la plupart incapables de faire du mal à une mouche en parviennent-ils à une telle accoutumance à l'obéissance et à l'horreur qui leur permet d'assister sans broncher à cette litanie de tueries et d'humiliations ? En découvrant le film de Steven Spielberg, j'ai songé, un moment au mot de Jean Giono qui attribuait à Gaston Dominici, vraisemblable assassin d'un couple et de sa petite fille, lors du procès, aux Assises de Digne, une indifférence d'insecte pour la vie et la mort. En fait, ce n'est pas tout à fait ça. Dans le film, il y a ce moment où les Allemands, à Cracovie, envahissent une maison bourgeoise et où un officier s'assied au piano et entame brillamment un morceau difficile. Bach ? demande un de ses compagnons ; Non, Mozart ! réplique un autre. Il ne s'agit pas là de demi-sauvages, mais de bourgeois cultivés et sensibles. Et pourtant…

L'histoire vraie et pourtant tout à fait invraisemblable du viveur égoïste, jouisseur, corrompu et corruptible Oskar Schindler qui va se trouver entraîné par une sorte de merveilleuse pente vers une forme d'héroïsme est magnifique et prouve a contrario que nul n'est ni blanc, ni noir. De la même façon que d'honnêtes pères de famille se trouvent par une certaine logique des choses poussés à entasser des cadavres juifs dans des brasiers, voilà qu'un type qui n'est ni sympathique, ni regardant, qui se préoccupe avant tout de se constituer un gros matelas de devises fortes est conduit, suivant une autre logique, une autre pente, à perdre sa fortune et à courir les risques les plus extrêmes pour sauver des tas de gens qui ne sont rien pour lui et qu'il tenait, un peu auparavant, pour des sortes de sous-hommes.

Heureusement Spielberg a su se dispenser de la plupart des artifices romanesques qui auraient pollué son sujet. Homme à femmes, Schindler (Liam Neeson) ne sauve pas des Juifs parce qu'il est amoureux d'une fille avec qui il coucherait et qui lui aurait fait saisir l'horreur de l'Holocauste : voilà qui serait à la fois ridicule et obscène. Schindler perçoit-il même l'épouvantable projet nazi ? Je n'en suis pas vraiment certain. Ce qui se lève en lui, c'est un réflexe primitif et peut-être aussi une sorte de défi qu'il se lance. Son habileté, son charisme, sa roublardise, pourrait-on dire, sont mis au service d'une cause éminemment juste. Mais va savoir si on ne pourrait pas le retrouver, du côté ombreux, dans une toute autre direction. Il y a, dans les embrouilles et les entrechats d'Oskar Schindler quelque chose de très ludique, de très artistique. On frémit d'avoir à écrire ça, sur un sujet aussi grave et glaçant ; mais à aucun moment on ne sent chez lui la conscience de l'horreur absolue.

Et surtout, sans doute à la fin du film, lorsqu'il se reproche, lorsqu'il se désole de n'avoir pu sauver que 1100 Juifs ; en vendant sa voiture, en vendant son insigne en or du NSDAP, il aurait pu monter son total à 1110, à 1112… On n'ose dire qu'il aurait pu ainsi augmenter son palmarès. Et pourtant il y a bien de ça, non ?

Les mecs qui font confiance à la nature humaine devraient méditer le film…


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De Dumbledore, le 27 avril 2004 à 15:05
Note du film : 5/6

Le film avait fait couler beaucoup d'encre à sa sortie. Claude Lanzmann, détenteur officiel de la franchise des films sur la Shoah, avait lapidé Schindler's List qu'il avait trouvé obscène. S'était posée la question de la possible ou non appréhension par le cinéma de fiction d'une réalité aussi terrible, aussi forte que la Shoah. Demander à des comédiens de "mimer", de "jouer" un déporté, n'est-ce pas un manque de respect ? D'un côté ceux qui disaient : il impossible – comprenez, il devrait être interdit – de faire une fiction sur la Shoah. Les autres proclamaient au nom de l'Art que tout sujet peut et doit être traité par le cinéma.

Entre les deux, une voix faible, celle de Stanley Kubrick qui avait dû renoncer à son Aryan's Paper en apprenant la mise en chantier du film de Spielberg. Stanley Kubrick remarquait que Schindler's List n'était pas un film sur la shoah (l'extermination de 6 millions de juifs par les forces nazis) mais un film sur des juifs qui s'en sortaient, sur des survivants !

Simple passe-passe rhétorique? Non. Au contraire, Stanley Kubrick met le doigt exactement sur le dilemme que le film de Spielberg n'a pas su assumer, sur une nuance que Spielberg n'a pas vu dans son propre sujet. Voulant faire un film sur la shoah, il a fait un film sur ceux qui ne sont pas morts dans ces camps. Durant tout le film en effet, on va et on vient entre les deux sujets, qu'une scène précise incarne parfaitement : les personnages du film qui sont conduits dans une chambre à gaz et qui subissent… une douche d'eau. On y a vu du révisionnisme. Il faut y voir une maladresse très "spielberguienne".

Spielberg n'est pas Francis Ford Coppola, il n'est pas Kubrick et il n'est pas non plus Polanski. Spielberg est un homme de certitudes, avec une vision manichéenne du monde. Le parcours de ses personnages ne peut prendre que deux voies. Soit de se maintenir dans des certitudes qui sont plus fortes que le monde qui l'entoure (Tom Hanks dans Il faut sauver le Soldat Ryan, Roy Neary dans Rencontres du troisième type ou Elliott dans E.T.).
Soit de renoncer à des contradictions pour trouver sa place dans la société (film Leonardo DiCaprio dans Catch me if you can, Dennis Quaid dans Jurassic Park ou bien encore Liam Neeson dans Schindler's List).

Les autres cinéastes cités en comparaison développent l'inverse, un inverse beaucoup plus psychologiquement juste et réaliste: la contradiction n'est pas quelque chose qu'on dépasse mais est le coeur même de l'être humain. Leur cinéma est là pour montrer ces contradictions constitutives de l'homme et de la société et montre ces personnages tenter de les gérer.

Dans Schindler's List, il y a deux films. Celui du personnage de Schindler qui se débat entre un colonel de camp nazi et crétin et les juifs qui travaillent pour lui. Le second film, c'est le background de l'histoire de cet homme : le camp de concentration, le ghetto, l'Allemagne nazie. Traiter les deux sujets étaient impossible.

On peut dire que toute l'histoire principale (Schindler dont le parcours est finalement de comprendre que l'humanisme est plus important que le profit) est sublime. Schindler's List est sans aucun doute le dernier très grand film en date de Spielberg, avec une mise en scène sublime (l'utilisation du Noir et blanc et de la couleur, les scènes de rafles, etc), un rythme étonnant (le début) et des idées visuelles qui faisaient sa force. Mais surtout une émotion à fleurs de peau aidée par la musique de John Williams.

Mais d'un autre côté, le film est lourd et larmoyant sur les camps. Pire, il est voyeur et de mauvais goût, se terminant même avec un amalgame indigeste entre la shoah et le sionisme.

Le film de Roman Polanski, le pianiste ou plus exactement sa mise en scène doit être rapprochée et comparée à celle de Spielberg. Roman Polanski film en travelling arrière son personnage qui marche dans le ghetto et on voit à ses pieds, dans le cadre des cadavres qui sont "naturellement" là. Spielberg fait le même travelling arrière mais tout en précédant son personnage il fait vite des panoramiques à droite et à gauche pour montrer le décor, pour montrer le camp… comme si les horreurs qui s'y passent ne faisaient pas "naturellement" partis de son histoire, de son personnage.

Deux mises en scène différentes, mais surtout deux conceptions fort différentes du cinéma et du monde.


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Le DVD, ça vient ?


De Morphine, le 2 janvier 2010 à 16:32

La petite fille en rouge a une symbolique evidante: la petite fille symbolise l'innocence, à la fois la sienne et celle de tout le peuple juif qui se fait exterminé. et le rouige symbolise le danger, le danger de mort qui est proche d'elle. C'est la fatalité qui la touche, on sait tous très bien quel est son sort et en voyant ce personnage on partage encore mieux la reaction de Schindler. et puis une autre petite symbolique: c'est le petit chaperon rouge et les nazis sont les loups de l'histoire. J'espère que mon commentaire aide mieux à comprendre. un choix aussi fort dans un film et aussi remarquable a forcément un but et meme plusieurs ici. C'est un très bon film a analyser je vous conseil de le regarder plusieurs fois c'est toujours sublime. Du grand cinéma.


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De Gilou40, le 18 janvier 2009 à 23:37
Note du film : 5/6

Merci , "Dumbledore"…Je venais justement poser la question…


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