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Un des meilleurs films de Bolognini


De Impétueux, le 3 novembre 2022 à 20:04
Note du film : 4/6

Première fois que je regardais un film de Mauro Bolognini, cinéaste dont j'avais à peine entendu parler et qui me semble être intéressant sans qu'il atteigne les sommets de Rossellini, De Sica, Risi, Monicelli, Comencini, les grands réalisateurs italiens, mais qui me semble avoir eu, jadis, une certaine notoriété. Ce n'est pas mal du tout, de la belle ouvrage bien interprétée, bien mise en musique, assez brève pour ne pas trop se distendre dans la banalité. Scénario un peu simpliste, un peu manichéen, surtout un peu trop prévisible. Un film pour grandes consciences heurtées (ou faisant mine de l'être) par le choc abyssal entre les beaux idéaux et la vilaine réalité.

Mais c'est tout de même un peu trop sérieusement présenté, sans la distance et sans l'ironie que les grands metteurs en scène que j'ai cités plus haut n'auraient pas manqué de faire advenir. La corruption, dès son titre, montre son roublard visage : on comprend d'emblée que la pureté un peu naïve et guère ancrée dans une véritable vocation du jeune Stefano (Jacques Perrin) va sacrément être attaquée sur tous les fronts possibles. Et ceci jusqu'à ce que son idéalisme soit écrasé et qu'il finisse, dépité par la méchanceté intrinsèque du monde à sangloter tout seul dans le cabriolet élégant d'Adriana (Rosanna Schiaffino). Adriana maîtresse de Leonardo (Alain Cuny), père de Stéfano et grand éditeur richissime et difficile à supporter, dur, intransigeant, brutal, sans indulgence ni douceur, Adriana que l'on va fourrer dans les pattes du pubescent Stefano pour lui donner une tentation de belle mesure.

Stefano, meurtri par la sécheresse de cœur, l'ambition forcenée, la cruauté presque sadique de son père Léo, effaré par la descente aux enfers de sa mère (Isa Miranda) qui porte sa neurasthénie et son mal de vivre dans une clinique chic où elle enchaîne cure sur cure de sommeil – mais surtout porte la médiocrité de son mariage et de sa propre vie -, Stefano croit ressentir une vocation religieuse. Bolognini semble incliner le spectateur vers une sorte de désir de fuite, d'ensevelissement de Stefano, qui ne paraît pas avoir de véritable spiritualité et a surtout envie de se cacher dans la vie régulière (celle qui est régie par la règle, en l'espèce, semble-t-il, celle des Frères prêcheurs, les Dominicains).

Cet idéalisme plutôt niais ne convient pas du tout au dur homme d'affaires, qui a songé pour son fils à un destin brillant, plus intense encore que celui qui l'a porté au sommet de l'édition milanaise. Leonardo, chef d'entreprise sans états d'âme, ne voit en son fils que son clone plus encore développé. Beaucoup de pères sont ainsi qui ne voient en leurs rejetons qu'eux-mêmes en mieux, plus forts, plus prospères, plus éclatants. La vocation annoncée de Stéfano fait chuter les espérances. Et suscite une rage et une manipulation à la fois désolantes et évidentes : la belle fille Adriana/Schiaffino, qui vit de tout et de rien, un peu modèle de photographies légères, un peu escort girl, un peu (on n'ose pas trop en dire davantage : on n'est jamais qu'en 1963).

Ben voilà, tout est dans la norme. Le chaste Stefano, largement provoqué, séduit, émerveillé par la superbe Adriana, fait tout ce qu'il peut pour résister, mais cède à la fatalité des corps ; il n'y a rien là qui soit épouvantable : le futur religieux est dépucelé : quelle affaire ! Mais l'agaçant est que tous ces gens-là sont d'une extrême fragilité et que tout cela finira pas pas grand chose, sur une sorte de crasseuse petite tristesse sans clarté et sans espérance. Superbe scène finale, musicale, mécanique, accablante, au fait.

Cela étant, le film est plutôt agréable, sans déchet. Simplement trop évident, trop prévisible pour être totalement convaincant.


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De verdun, le 20 décembre 2020 à 23:02
Note du film : 5/6

Stefano (Jacques Perrin) est un adolescent timide et sensible qui vient de terminer ses études en Suisse et qui envisage de devenir moine. Mais son père (Alain Cuny), riche éditeur milanais, qui nourrissait l’ambition de voir son fils lui succéder, refuse et l'emmène en croisière avec une jeune femme (Rosanna Schiaffino) pour lui ôter cette idée de la tête…

Malgré le soutien de cinéphiles éminents tels que Jacques Lourcelles, Jean Gili, et Patrick Brion, l'édition d'une partie de son oeuvre en DVD et une grande rétrospective à la cinémathèque fin 2019, Mauro Bolognini conserve de nos jours l'image d'un Visconti du pauvre, tout juste bon à transposer en images académiques et excessivement léchées des œuvres littéraires françaises et italiennes du XIXe siècle.

Bolognini vaut mieux que ce préjugé tenace. D'une part, les films à costumes ne constituent qu'une partie de son œuvre. D'autre part, le visionnage de plusieurs de ses long-métrages, qu'ils soient d'époque ou contemporains, démontre que ce cinéaste est non seulement un styliste mais également un véritable auteur dont les obsessions reviennent d'un titre à l'autre. Ainsi, La corruption , assurément l'une des réalisations les plus personnelles de Bolognini, montre une vision tout à fait particulière de la société des années 1960.

Comme dans une grande partie des films de Bolognini , le personnage principal est animé d'une intention très forte, ici celle de devenir prêtre. Mais cette ambition est contrariée par la société dans laquelle il vit et par son entourage : ici son père, un riche éditeur qui veut absolument que son fils prenne sa succession. Que l'intrigue se passe au XIXe ou au XXe, le regard que le réalisateur porte sur la société est toujours d'une extrême sévérité : la corruption est omniprésente, les relations économiques entre les individus sont plus puissantes que les relations humaines et les histoires d'amour finissent mal en général, écrasées par les barrières sociales qui emprisonnent les individus.

L'univers de Bolognini baigne le plus souvent dans un désespoir assez éloigné de l'académisme que d'aucuns lui ont reproché. A ce titre, La corruption est sans doute l'un de ses films les plus radicaux. Le pessimisme y est d'autant plus fort que les auteurs ont choisi un personnage très pur de séminariste qui ne peut que perdre ses illusions face à la laideur de la société matérialiste dans lequel il évolue. Ni la maladie de la mère du personnage principal, ni la mort ne sont épargnés au spectateur. Par ailleurs, et contrairement à ses films les plus célèbres tels que L'héritage ou Metello, l'esthétique, si elle est travaillée, s'avère tout de même très « crue ». La photo est en noir et blanc. La musique de Giovanni Fusco, compositeur fétiche de Antonioni est austère. Ici il n'y a pas de beaux décors et de beaux costumes pour charmer l'oeil. Il n'y a pas de musique de Morricone pour régaler les oreilles. La corruption va au bout de la démarche du réalisateur mais n'est-ce pas aussi l'un des points faibles du film ? L'ensemble n'est-il pas un peu trop poussé au noir, au point d'en être inconfortable, déplaisant et oppressant ? L'autre défaut de La corruption est, de mon point de vue, un dialogue parfois trop abondant alors que le réalisateur montre une aisance suprême lorsqu'il s'agit de diriger des scènes muettes.

La corruption reste un grand film, réalisé avec ce souci de la forme cher au cinéaste. L'interprétation est excellente grâce à deux acteurs français très à l'aise dans le cinéma italien : Alain Cuny, bussinessman impitoyable, et Jacques Perrin , dont on l'oublie de nos jours le talent d'acteur, était sans doute l'un des meilleurs jeunes premiers du cinéma européen des années 1960. Mais Bolognini était aussi un grand directeur d'actrices, qui a dirigé et magnifié les plus belles comédiennes des années 1960-1970. Ainsi le premier rôle féminin de La corruption est tenu par Rosanna Schiaffino qui n'a sans doute jamais été aussi belle, aussi juste et aussi bien employée.

Dans la filmographie de Bolognini, Le bel Antonio ou L'héritage me semblent plus accessibles. Pour autant, les amateurs du cinéma italien de la grande époque doivent absolument voir La corruption.


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