Cela étant, le film est plutôt agréable, sans déchet. Simplement trop évident, trop prévisible pour être totalement convaincant.
Stefano (Jacques Perrin) est un adolescent timide et sensible qui vient de terminer ses études en Suisse et qui envisage de devenir moine. Mais son père (Alain Cuny) , riche éditeur milanais, qui nourrissait l’ambition de voir son fils lui succéder, refuse et l'emmène en croisière avec une jeune femme (Rosanna Schiaffino) pour lui ôter cette idée de la tête…
Malgré le soutien de cinéphiles éminents tels que Jacques Lourcelles, Jean Gili, et Patrick Brion, l'édition d'une partie de son oeuvre en DVD et une grande rétrospective à la cinémathèque fin 2019, Mauro Bolognini conserve de nos jours l'image d'un Visconti du pauvre, tout juste bon à transposer en images académiques et excessivement léchées des œuvres littéraires françaises et italiennes du XIXe siècle.Bolognini vaut mieux que ce préjugé tenace. D'une part, les films à costumes ne constituent qu'une partie de son œuvre. D'autre part, le visionnage de plusieurs de ses long-métrages, qu'ils soient d'époque ou contemporains, démontre que ce cinéaste est non seulement un styliste mais également un véritable auteur dont les obsessions reviennent d'un titre à l'autre. Ainsi, La corruption , assurément l'une des réalisations les plus personnelles de Bolognini, montre une vision tout à fait particulière de la société des années 1960.
Comme dans une grande partie des films de Bolognini , le personnage principal est animé d'une intention très forte, ici celle de devenir prêtre. Mais cette ambition est contrariée par la société dans laquelle il vit et par son entourage : ici son père, un riche éditeur qui veut absolument que son fils prenne sa succession. Que l'intrigue se passe au XIXe ou au XXe, le regard que le réalisateur porte sur la société est toujours d'une extrême sévérité : la corruption est omniprésente, les relations économiques entre les individus sont plus puissantes que les relations humaines et les histoires d'amour finissent mal en général, écrasées par les barrières sociales qui emprisonnent les individus. L'univers de Bolognini baigne le plus souvent dans un désespoir assez éloigné de l'académisme que d'aucuns lui ont reproché. A ce titre, La corruption est sans doute l'un de ses films les plus radicaux. Le pessimisme y est d'autant plus fort que les auteurs ont choisi un personnage très pur de séminariste qui ne peut que perdre ses illusions face à la laideur de la société matérialiste dans lequel il évolue. Ni la maladie de la mère du personnage principal, ni la mort ne sont épargnés au spectateur. Par ailleurs, et contrairement à ses films les plus célèbres tels que L'héritage ou Metello, l'esthétique, si elle est travaillée, s'avère tout de même très « crue ». La photo est en noir et blanc. La musique de Giovanni Fusco, compositeur fétiche de Antonioni est austère. Ici il n'y a pas de beaux décors et de beaux costumes pour charmer l'oeil. Il n'y a pas de musique de Morricone pour régaler les oreilles. La corruption va au bout de la démarche du réalisateur mais n'est-ce pas aussi l'un des points faibles du film ? L'ensemble n'est-il pas un peu trop poussé au noir, au point d'en être inconfortable, déplaisant et oppressant ? L'autre défaut de La corruption est, de mon point de vue, un dialogue parfois trop abondant alors que le réalisateur montre une aisance suprême lorsqu'il s'agit de diriger des scènes muettes. La corruption reste un grand film, réalisé avec ce souci de la forme cher au cinéaste. L'interprétation est excellente grâce à deux acteurs français très à l'aise dans le cinéma italien : Alain Cuny, bussinessman impitoyable, et Jacques Perrin , dont on l'oublie de nos jours le talent d'acteur, était sans doute l'un des meilleurs jeunes premiers du cinéma européen des années 1960. Mais Bolognini était aussi un grand directeur d'actrices, qui a dirigé et magnifié les plus belles comédiennes des années 1960-1970. Ainsi le premier rôle féminin de La corruption est tenu par Rosanna Schiaffino qui n'a sans doute jamais été aussi belle, aussi juste et aussi bien employée.Dans la filmographie de Bolognini, Le bel Antonio ou L'héritage me semblent plus accessibles. Pour autant, les amateurs du cinéma italien de la grande époque doivent absolument voir La corruption.
Page générée en 0.0060 s. - 6 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter