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"Ne torturez pas un caneton"


De vincentp, le 26 septembre 2022 à 21:31
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Un scénario tortueux, une histoire qui se complexifie progressivement, mélangeant les points de vue, croisant les rationalités, pour bâtir une étrange voie, à la frontière du giallo, du fantastique, de l'horreur, et du réalisme social. Cet aspect et ce qui peut sembler être des choix scénaristiques surprenants (les entrées et sorties aléatoires de personnages du récit), finit par créer un spectacle peu commun, inattendu et mémorable. Le côté légèrement bordélique de l'intrigue finit sur la durée par devenir un point fort, au diapason de l'impossibilité de la société locale à s'organiser.

Les prises de vue sont des armes de mise en scène particulièrement bien employées par Lucio Fulci, l'interprétation, notamment de Barbara Bouchet et de Tomas Milian est remarquable. La gestion de la relation des deux personnages que ces deux acteurs interprètent dans cette histoire est tout simplement géniale, inattendue, non conventionnelle, et à observer à la loupe. On a affaire à un autre style que celui de Mario Bava avec La baie sanglante (1971), La longue nuit de l'exorcisme (1972) est un sommet équivalent du cinéma de cette époque féconde du cinéma italien.


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De verdun, le 19 décembre 2021 à 19:04
Note du film : 6/6

Début des années 1970. Dans un village italien, des enfants sont assassinés. Les soupçons se portent sur un simple d'esprit qui, ayant découvert un cadavre, a tenté de faire chanter la famille. Mais il est vite disculpé puisque les meurtres continuent…

Commençons cette chronique par un coup de gueule a posteriori. Le titre français du film, diffusé en France presque six ans après sa sortie italienne, est une aberration totale: il n'y a aucun "exorcisme" dans ce polar campagnard. Tout juste y voit-on une sorcière qui pratique la magie noire mais rien qui rappelle de près ou de loin L'exorciste de Friedkin. L'expression "longue nuit" est toute aussi trompeuse puisque l'une des originalités du film qui nous intéresse aujourd'hui est justement son ambiance diurne. Le titre français La longue nuit de l'exorcisme est donc doublement débile et témoigne d'une époque où les distributeurs étaient prêts à tout pour attirer les spectateurs dans les salles de quartier. A leur décharge, il convient d'admettre que le titre original, "ne torturez pas un caneton" est assez abstrait.

Ceci dit, La longue nuit de l'exorcisme est probablement le chef-d'oeuvre de Lucio Fulci. J'utilise le terme "probablement" car je n'ai pas vu les 60 titres qui compose la filmographie de celui qui est passé à la postérité pour des classiques du "gore" tels que Frayeurs, L'au-delà ou L'enfer des zombies qui ne constituent pas de mon point de vue ses plus belles réussites. Ses incursions dans le giallo, ainsi Le venin de la peur, Perversion Story, L'emmurée vivante et La longue nuit de l'exorcisme me paraissent nettement plus abouties.

La longue nuit de l'exorcisme est un giallo atypique. Certes on retrouve dans les grandes lignes les codes du genre: des assassinats commis par un tueur en série mystérieux, des pistes trop évidentes pour être vraies, un soupçon d'érotisme (grâce ici à la belle Barbara Bouchet) et aussi un dénouement tiré par les cheveux… Mais La longue nuit de l'exorcisme frappe par son cadre atypique: quasiment tout le récit se déroule de jour dans un village des Pouilles écrasé par le soleil alors que même que le giallo est un genre urbain et nocturne.

La longue nuit de l'exorcisme est davantage une satire sociale qu'un giallo classique. Fulci le misanthrope brosse un portrait au vitriol du village. Le cinéaste fustige les superstitions, le refoulement, l'ignorance d'habitants qui font preuve d'un racisme sans limites à l'égard de toutes les personnes qui sont différentes de la majorité: une simplet, une gitane mais aussi la fille délurée d'un industriel milanais. Et l'Eglise catholique n'est pas épargnée par la férocité des auteurs puisqu'elle contribue, de leur point de vue, à écarter la population de la vie "civilisée". Cela ressemble à du Chabrol qui s'attaquerait aux pauvres au lieu de fustiger le bourgeois. D'ailleurs, les analogies avec Le boucher sautent aux yeux.

Certes La longue nuit de l'exorcisme comporte quelques maladresses: quelques coups de zoom inutiles, une scène finale gore ratée à cause de truquages défaillants et un rythme chaotique en raison de la prééminence de l'observation sociologique sur l'enquête policière.

Mais globalement la réussite est éclatante grâce à la beauté de la photo, à un sens de l'atmosphère lourde, à la liberté de ton du cinéma des années 1970, à la maîtrise globale de la mise en scène, à la BO décalée de Riz Ortolani et à quelques scènes impressionnantes, notamment le lynchage de la sorcière qui annonce les débordements sanguinolents auxquels Fulci s'adonnera quelques années plus tard. La distribution internationale est hétéroclite mais habituée au cinéma italien et chaque acteur sert son personnage: le cubain Tomas Milian est un journaliste, l'Allemande Barbara Bouchet une pin-up moderne, la Brésilienne Florinda Bolkan une sorcière étrange, le Français Marc Porel un prêtre beau comme un dieu. Georges Wilson et l'Hellène Irene Papas ne font que passer fugitivement.

Au final, La longue nuit de l'exorcisme est un grand moment du cinéma de genre italien des années 1970, une série B transcendée par l'ambition de son auteur-réalisateur.


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