La carrière de Luis Buñuel est unique par bien des aspects. Elle s'articule autour de quatre périodes qui correspondents à des lieux ou des collaborations. Curieux de tout, pour ne pas dire touche à tout, Buñuel a, paradoxalement, produit une oeuvre d'une remarquable unité. Né en Espagne, dans une ville réputée pour son conservatisme (pour ne pas dire plus) religieux et recevant une éducation jésuitique, il portera durablement les stigmates de cette enfance et en combattra les causes dans son cinéma. Au cours de ses études supérieures à Madrid (il suit les cours du Museum d'histoire naturelle), il rencontre Salvador Dali et Garcia Llorca et participe au mouvement dadaïste. Diplômé de philosophie, il part pour Paris en 1925, débute dans la mise en scène de théâtre. La projection du film de Fritz Lang, Les Trois lumières, est pour lui une sorte de révélation. Il décide d'étudier (à l'Académie du cinéma) et de faire des films. Assistant de Jean Epstein pour Mauprat et La Chute de la maison Usher, il tourne à 28 ans, associé à Dali, un court métrage : Un Chien andalou (1928) qui fait sensation. L'Age d'or, deux ans plus tard, crée un véritable scandale. Ce chef-d'œuvre du cinéma surréaliste, inspiré de Sade et de Lautréamont, mobilise l'Action française et sera finalement interdit par la censure le 10 décembre 1930, interdiction qui ne sera levée qu'en 1981. Tourné en Espagne en 1932, Terre sans pain décrit, avec une vigueur terrifiante, la condition misérable des paysans. Entre 1933 et 1937, Buñuel collabore avec des compagnies américaines. Après le déclenchement de la guerre civile, il part aux Etats-Unis où ses projets avec Hollywood n'aboutissent pas. Il y rencontre néanmoins Chaplin et Eisenstein. Installé au Mexique à partir de 1947, il réalise en 1950 Los Olvidados qui sera présenté à Cannes. Suivent les remarquables El (1952) et La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (1955) encore influencés pas Sade, mais aussi la religion, la bourgeoisie, des thèmes déjà développés dans L'Age d'or. Buñuel est toujours lui-même : La Montée au ciel (1952) est un film surréaliste, Robinson Crusoe (1954) est une adaptation développant les obsessions bunuéliennes, Abismos de pasion (1954) celle des "Hauts de Hurlevent". La Mort en ce jardin (1956), Nazarin (1958) puis L'Ange exterminateur (1962), Le Journal d'une femme de chambre (1964) avec Jeanne Moreau et Simon du désert (1965) marquent la fin de sa période mexicaine. Entre temps, un bref retour en Espagne, en 1961, voit la production de Viridiana sous la dictature franquiste qui sera finalement interdit. Le film sera Palme d'Or à Cannes en 1961 (ex-æquo avec Une Si longue absence de Henri Colpi) et ne sortira en France qu'en 1962. La dernière période est celle de la collaboration avec Jean-Claude Carrière. Un certain classicisme définit cette époque avec des films qui empruntent souvent le principe de suite de sketches. Mais que l'on ne s'y trompe pas, derrière Belle de Jour (1967), La Voie lactée (1969) ou encore Le Charme discret de la bourgeoisie (1972 – Oscar du film étranger), c'est toujours L'Age d'or qui est en toile de fond. Comme Cet Obscur objet du désir (1977) dans lequel Buñuel utilise le thème du roman de Pierre Louÿs (La Femme et le Pantin) pour mieux le déstructurer, le "démembrer". Le rôle de Conchita est, par exemple, joué alternativement par Carole Bouquet et Angela Molina qui constituent les deux facettes d'un personnage mi-ange mi-démon sans souci de ressemblance physique. Un peu à l'image d'un Luis Buñuel dont l'apparente versatilité traduit une unité complexe. AlHolgvoir également biographie en page "Livres". |
Page générée en 0.14 s. - 19 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter