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Edgar Poe par Brigitte Bardot j'aimerais voir ça..


De Impétueux, le 4 mai 2023 à 22:03
Note du film : 2/6

Quelle drôle de magouille de production, la nécessité de placer et de dépenser de l'argent planqué dans un paradis fiscal exotique ou d'employer des acteurs qui avaient des contrats à exécuter a conduit à réaliser ces Histoires extraordinaires ? Le film à épisodes, à sketches, même lorsqu'il est réalisé par un seul metteur en scène (par exemple Carnet de bal ou Le diable et les dix commandements de Julien Duvivier) souffre à peu près toujours de la différence entre ses segments… Alors imaginer que trois cinéastes de qualité et de niveau si dissemblables que Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini puissent présenter au public complaisant de 1968 quelque chose de cohérent est une véritable faribole. On présente ça comme une adaptation de trois nouvelles d'Edgar Poë et on dit Passez muscade !

Rien n'est plus faux que ce film, bien qu'on puisse y trouver ici et là des grâces et des agréments. Mais ces trois morceaux de n'importe quoi cousus ensemble ont quelque chose qui, manifestement, se contrefiche du spectateur et, ce qui est encore moins honnête, du rédacteur des contes qui prétendent l'avoir inspiré.

Il va de soi que ces trois machins hétéroclites n'ont aucun sens commun. On n'imagine pas une seconde que les trois cinéastes aient jamais pu se rencontrer, bavarder, réfléchir sur un projet commun, avancer ensemble vers une célébration de leur inspirateur littéraire. Pas du tout ! Chacun a traité son petit morceau d'adaptation à sa façon, transgressant comme il le souhaitait la vague trame d'une des histoires censées être transcrites.

Remarquez bien que ce ne sont pas les trahisons qui m'agacent : on sait très bien que le passage de l'écrit à l'image peut fort bien supporter – et quelquefois doit même l'être – un changement complet de point de vue. Je ne suis pas vraiment choqué que dans le premier des trois moyens métrages, Metzengerstein, Roger Vadim , se fondant sur la séculaire animosité qui a toujours séparé les deux familles parentes, Metzengerstein, donc et Berlifitzing incarne les deux chefs de famille en une jeune femme débauchée, cruelle, perverse, Frederica (Jane Fonda) et un jeune homme hautain, Wilhelm (Peter Fonda), alors que le conte de Poë oppose deux hommes, l'un jeune, Frédéric, l'autre très âgé, Wilhelm. Cette transposition permet au moins de montrer la beauté éclatante alors de Jane Fonda et d'introduire dans le film des séquences érotiques presque débridées (pour l'époque). Notons, en revanche, que la musique de Jean Prodromides, souvent mieux inspiré, est d'une nullité crispante.

Je n'ai rien contre non plus que l'adversaire au jeu de William Wilson (Alain Delon) ne soit pas un de ses camarades de bamboche habituel, un joueur anonyme, mais Giuseppina (Brigitte Bardot, bizarrement brune), une des plus belles parures d'une maison de plaisir de Bergame. Pourquoi pas ? Voilà qui met un peu de sel supplémentaire dans une histoire qui n'en manque pas, celle du Double, du reproche vivant, du pauvre enfant vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère. (Musset, pour ceux qui ne connaîtraient pas).

Je crois que le cinéaste, l'adaptateur a absolument tous les droits et que, s'il juge que le personnage qu'il veut mettre à l'écran est une femme plutôt qu'un homme, c'est parfaitement admissible : personne n'est obligé de connaître une oeuvre par le truchement de l'écran : on peut toujours, si l'on veut en savoir davantage, se reporter à l'écrit. Mais ce qui est gênant, c'est lorsque la transposition est minable ou, plutôt, complaisante. La partie réalisée par Roger Vadim ressemble tant et tant aux défunts porno-soft de jadis, montrant avec volupté la belle plastique de Jane Fonda et ses longues cuisses qu'elle finit par ennuyer. C'est à coup de chevauchées interminables sur des plages grises, de mines sadiques et lasses que le réalisateur, qui n'avait d'autres qualités que de savoir séduire de très jolies femmes (ce qui n'est déjà pas mal, d'ailleurs) tente d'évoquer l'histoire improbable et haineuse de deux familles.

Des trois segments, le deuxième, William Wilson réalisé par Louis Malle est le plus fidèle et sûrement le plus réussi. Alain Delon, bougon comme il savait l'être à cette époque et Brigitte Bardot, encore très montrable (mais jouant toujours aussi faux) dans une ville italienne aux derniers temps de l'occupation autrichienne. Avec la méchanceté très bien filmée du garçon fascinant qui embrigade tout le monde dans une cruauté presque insoutenable : la dissection vivante d'une proie facile (Katia Christine) dissection presque aboutie.

Je n'ai pas encore dit un mot de la troisième partie du film, qui a incombé à Federico Fellini ; c'est qu'à dire le vrai, je ne sais pas trop qu'en dire. Ceux qui admirent le cinéaste italien y trouveront ce qu'ils aiment en lui : une sorte de folie, la capacité de mettre en scène des physionomies, des trognes, des visages et des allures si singuliers qu'ils demeurent en mémoire ; ceux qui y sont davantage réticents se conforteront dans l'interrogation devant le tohu-bohu originel : des séquences et des images toujours aussi superbes ou impressionnantes mais absolument incohérentes et trop souvent inutiles. La fin du film où le malheureux Toby Dammit (Terence Stamp) au volant d'une Ferrari erre dans la campagne romaine avant d'y trouver la mort qu'il cherche est particulièrement ennuyeuse.

Salmigondis qui, ici et là, ne manque pas d'inspiration. Mais salmigondis tout de même.


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De DelaNuit, le 21 juin 2012 à 19:10
Note du film : 4/6

Le dvd de ces Histoires extraordinaires ayant enfin été édité en zone 2, j'ai pu visionner ce film que je n'avais jamais vu, et qui m'intriguait fort. Voici trois histoires fantastiques mises bout à bout, dont le dénominateur commun est d'avoir été inspirées par des contes morbides d'Edgar Allan Poe. Pour l'occasion, trois réalisateurs célèbres de l'époque : Roger Vadim, Louis Malle, Federico Fellini… Et une brochette de stars : Jane Fonda, Alain Delon, Brigitte Bardot, Terence Stamp… Je vous livre mes impressions.

La première partie, « Metzengerstein » , est un conte médiéval mettant en scène une châtelaine décadente prise au piège de sa propre cruauté, finalement victime d'une haine amoureuse aux proportions soudain surnaturelles. Comme souvent dans les films de Vadim, il y a de bonnes idées de départ mais sous-exploitées avec un manque de rythme et d'audace dans la réalisation, malgré l'originalité du propos, des décors et des costumes. Le Moyen-Age décrit est bien loin des atmosphères du Nom de la rose et autre lion en hiver. Les images correspondent à une certaine mode des 70s, mais ne sont finalement pas plus réaliste que les productions hollywoodiennes des années 50 du type Ivanhoe et autres Chevaliers de la table ronde ! Le film lorgne plutôt du côté d'une Peau d'ane perverse… Quoi que les perversions décrites paraissent aujourd'hui bien pâlottes ! On pense à Barbarella bien-sûr, en raison de la patte de Vadim et de la lumineuse présence de la divine Jane Fonda dont le moindre sourire, regard ou mouvement est un délice en soi. Il est amusant de retrouver Peter Fonda dans le rôle de son cousin maudit, à la fois aimé et haï, et le cheval démoniaque est un magnifique animal. Voir la belle chevaucher la bête dans la lande et sur la plage réjouira les contemplatifs amateurs de beauté. Les autres… ? Bref, un peu décevant, trop lent et insuffisamment approfondi, mais avec la belle Jane, on suit avec indulgence si on est de bonne composition.

La seconde partie nous entraîne en Italie au XIXème siècle, sur les pas d'un mauvais garçon, « William Wilson » , interprété par Alain Delon, oscillant entre le plaisir de se valoriser en faisant souffrir les autres, et la fuite devant son double, qui pourrait bien être sa conscience… Le thème est intéressant : dans une fuite en avant pour assouvir ses pulsions sans prendre le temps de se connaître soi même, à vivre dans un narcissisme forcené sans se remettre en question, on finit par trouver sur sa route un dangereux reflet qui pourrait bien contenir tout ce que à quoi l'on a voulu échapper… Là encore, l'histoire prend son temps. Le moment fort est la confrontation autour d'un jeu de cartes entre Delon et une Brigitte Bardot inhabituelle, brune fière et dure… ceux que notre BB nationale agace pourront prendre un certain plaisir à la voir humiliée avec cruauté. D'autres regretteront le machisme de la situation… On n'est guère étonné de la fin mais on n'a pas passé un mauvais moment.

La troisième partie est peut-être la meilleure, c'est qu'on y retrouve tout l'univers délirant et ambigu du maître Fellini, en suivant Terence Stamp, alias « Toby Dammit » , acteur adulé sous l'emprise de substances corrosives, au bout du rouleau, traversant comme dans un cauchemar les couloirs d'aéroport, les rues de Rome, les plateaux de télévision et leur faune dantesque dont la description vaut le détour, puis les routes désertes en pleine nuit au volant d'une voiture de course pour échapper au démon qui le poursuit.

L'ensemble est daté, plutôt lent, manque de profondeur… L'affiche, compte tenu des réalisateurs et des acteurs ainsi que de la référence à Poe, était prometteuse… mais le résultat s'avère finalement plutôt décevant. Une fois ce constat établi, il n'est pourtant pas interdit de prendre un certain plaisir en regardant ce spectacle qui n'est certes pas de la plus haute qualité mais néanmoins attachant. J'avoue avoir pris ce plaisir malgré les défauts de l'œuvre, qui réussit à intriguer et a tellement plus de charme à mes yeux que tant de productions fantastiques plus récentes dont les effets spéciaux masquent la vacuité…

C'est qu'au fil de ces trois histoires, chacune éclairant les autres, se dessine un thème commun, celui de la fuite, à cheval, à pied ou en voiture, dans les plaisirs, la cruauté ou les paradis artificiels… la fuite d'un démon pire que tous les autres : soi même !

Tant il est vrai que la connaissance de soi, vantée par les anciens philosophes comme le commencement nécessaire de toute sagesse, représente pour certains la pire des épreuves, le pire des cauchemars…

« J'ai envoyé mon âme à travers l'univers à la recherche des secrets du bien et du mal – écrivait le poète Omar Kayam, cité au début du portrait de Dorian Gray d'Albert Lewin – et mon âme m'est revenue disant : tu portes en toi-même le Ciel et l'Enfer. »

Sur ce, je vous laisse méditer, rends au sommeil cette machine infernale et remonte sur mon cheval…


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