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Sujet : Guirlande de Noël


De DelaNuit, le 6 novembre 2012 à 12:23
Note du film : 5/6

Flash Gordon est blond. On le voit dès les premières images de la célèbre BD d'Alex Raymond. Même sous son nom francisé de Guy Léclair, paru à raison de deux pages par semaines dans le journal de Mickey, il est blond. Mais il y a différents types de blonds… blond cendré, châtain clair… Parce qu'il faut bien le dire, le brushing trop blond peut être difficile à porter pour un héros qui se veut un modèle de virilité. La preuve, regardez Alexandre tel qu'Oliver Stone nous le présente : son brushing blond soulève des sourires en coin, d'autant qu'il se promène en jupette… Et puis on sait bien qu'Alexandre, en bon païen pas encore formaté par la morale judéo-chrétienne, prenait autant de plaisir avec son pote de castagne Héphaestion qu'avec la princesse Roxane. Mais bon, l'Antiquité est un monde à part, elle nous a légué tellement qu'on lui pardonne beaucoup.

Avec Flash Gordon, on nage dans la SF des années 30, c'est une autre paire de manche… On sait bien que s'il oscille sur son scooter de l'espace, c'est entre la New-York City Girl Dale Arden (Melody Anderson) et la sulfureuse princesse Aura (sublime Ornella Muti révélée par le film, habillée ou plutôt déshabillée comme jamais), mais que la fine moustache du prince Barin (Timothy Dalton) ou la barbe touffue du roi des hommes-oiseaux (Brian Blessed) le laissent (a priori) de marbre… Alors pourquoi avoir teint Sam J. Jones (brun d'origine) en blond… platine… aussi platine que Lana Turner pour interpréter ce costaud de l'équipe des New York Jets catapulté dans l'espace ?

Comment, c'est normal qu'il soit « flashy » puisqu'il s'agit de Flash Gordon ? En fait, dès l'arrivée du trio de héros sur la planète Mongo, on comprend vite la raison. Toute autre couleur de cheveux serait bien terne au milieu des décors kitschissimes rouge vif, pièces montées surchargées de sucre glace à paillettes, et costumes dorés en papier emballage de chocolats des figurants qui s'y pavanent. Sans parler du costume de Ming l'impitoyable (impressionnant Max Von Sidow), tellement lourd qu'il ne pouvait pas le porter plus de cinq minutes… Mauvais goût direz-vous ? Vous n'avez rien compris ! C'est de l'art au 20ème degré… L'œuvre des costumiers et décorateurs de Cinecita, ceux-là même qui ont œuvré sur l'univers de Fellini… Ca n'est d'ailleurs pas pour rien que ce nom béni des dieux est porté par le nain doré tenu en laisse par la princesse Aura. Parce que ce n'est pas Star Wars, ce Flash Gordon, même si ça s'en approche ! C'est produit par Dino de Laurentis, celui-là même qui s'était amusé avec Barbarella !

Et comme dans Barbarella, les jolies jeunes femmes mettent leurs formes en valeur au lieu de porter des cols roulés sous les macarons ! Comme dans Barbarella, les beaux torses virils trouvent le moyen de s'exhiber, et puis l'espace interstellaire n'est pas un sage fond noir constellé d'étoiles mais un fluide liquide, quasi-organique émaillé de nuées vaporeuses roses et bleu sur fond pourpre où s'étoilent par-ci par-là des explosions orgasmiques… Une palette d'aquarelliste fou renversée sur celluloïde, où trônent les tours fuselées de cités en suspension, où des fusées au design rétro zig-zaguent, poursuivies par des hommes volants aux ailes en carton entre les palais de Mingo-city et les lunes d'Arboria, d'Aquaria etc… l'important, on l'aura bien compris, étant de ne surtout pas s'écraser dans le désert glacé de l'austère Phrygia.

Et qu'irait-on faire sur Phrygia ? On s'amuse bien plus ailleurs : la princesse Aura cache ses amants sur Cythère ou se crêpe le chignon avec les concubines de son père sur les coussins roses et dorés du harem impérial, le roi des hommes-faucons use d'une télécommande pour faire osciller au dessus du vide une plateforme garnie de pointes rétractables à sa guise, où il oblige ses prisonniers à se battre en duel… et les hommes des bois se livrent à de païennes cérémonies en branlant des bâtons avec des râles de plaisir autour d'une souche sacrée dont les novices doivent choisir un orifice pour éprouver leur virilité… Si Melody Anderson vous parait trop cruche, Ornella Muti trop exotique, si la petite moustache de Timoty Dalton est décidément trop bien taillée ou le brushing de Sam Jones trop indécoiffable, il reste Mariangela Melato, perverse capitaine des gardes en cuir noir maniant le fouet avec dextérité (doublée en français – O joie – par Micheline Dax), ah ça, on ne s'ennuie pas dans Flash Gordon ! Ne manquait que la musique de Queen et les vocalises de Freddie Mercury pour en faire un rêve baroque et kitsch complètement assumé où l'on s'amuse et s'émerveille comme un enfant devant les illuminations de Noël, sans se prendre une seconde au sérieux.

Alors tant pis si certains acteurs manquent de subtilité, si le scénario accumule les clichés, si les effets spéciaux laissent parfois à désirer, c'est jouissif comme un bon gueuleton bien arrosé, et tant pis pour ceux qui trouvent ça indigeste, ils n'ont qu'à choisir une autre crèmerie…

Allez, juste une petite déception : que les dialogues ne soient pas aussi drôles que ceux de Barbarella, dont la fausse innocence cachait des trésors de perversité (le traque-mioche qui veut « coucher pour de vrai », la « machine à mourir de plaisir », « l'essence de mâle » à déguster…). Il faut dire que Barbarella se voulait un film « d'érotique-fiction » destiné aux adultes alors que Flash Gordon ratisse aussi large que possible… Même les allusions aux relations incestueuses de l'empereur Ming et de sa fille ont été gommées au montage et ne subsistent que dans le roman publié à l'époque…

Vous êtes dubitatifs ? Je laisserai la parole à Ming l'impitoyable : « O pathétiques terriens qui vous jetez dans le vide de l'espace sans savoir de quoi ou de qui est fait l'univers… » Et bien voilà une autre vision de l'univers complètement décalée et finalement bienvenue : au-delà du silence feutré de 2001, du space-opéra mythologique de Star Wars, il y a aussi les délires de Flash Gordon… Fort heureusement, les atouts et les attraits des uns n'empêchent pas les autres d'exister… Et s'ils n'existaient pas, il faudrait les inventer !


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De Impétueux, le 6 novembre 2012 à 16:49

Impayable chronique, DelaNuit (dont je salue la réapparition sur le site !).

Jamais je n'avais entendu parler de ce film, mais vous me donnez furieusement envie de le découvrir. Merci !


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De Arca1943, le 6 novembre 2012 à 17:09

Pour un son de cloche un peu différent sur cet immortel sommet, voir la chronique correspondante sur Nanarland.com.


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