Seulement, tout en respectant le genre et la structure de la comédie romantique, Billy Wilder pervertit en douce les codes. C’est le cas notamment de Humphrey Bogart.
Il est certes sublime, mais il sort de son rôle habituel d’acteur romantique. De plus, il joue le personnage sans aucun romantisme, sans aucun sentiment. Il est froid du début à la fin du film, et finalement à aucun moment on ne sent qu’il tombe amoureux de Sabrina. Autrement dit, il fait la tronche. Du coup, le spectateur, qui repère les codes, sent que ceux-ci sont bisautés, pervertis, et se retrouve en pleine et inquiétante étrangeté qui donne toute sa force au film.
Le film est également une pure merveille de finesse et d’humour. Il est impressionnant de voir comment chaque scène est majorée d’un "truc" de pur humour qui n’est pas là pour faire avancer l’action comique. C’est par exemple un suicide au gaz qui se fait en allumant les 13 voitures de la famille Larrabee, ou bien encore le détail du court de tennis comme lieu de rendez-vous, ou bien le gag des verres savamment mis dans les poches arrières, etc, etc. L’art du détail qui caractérise tant le génie de Billy Wilder en somme…
C'est vrai qu'on ne se lasse pas de ce film très particulier. Preuve supplémentaire du génie de Wilder, le remake signé Sydney Pollack,
où se côtoient le sinistre Harrison Ford
et Patrick Bruel,
dans un film poussif et sans charme. Quant à la malheureuse qui a succédé à Audrey Hepburn, on peut dire qu'elle est aussi suicidaire que Alec Baldwin
quand il a remplacé McQueen
dans les remakes de "Guet-apens
" ou Brando
dans "A streetcar named desire
".
Assez bien mais beaucoup de lourdeurs on peut tout du moins admirer la pétillante Audrey encore toute jeune.
Je viens de voir le film à l'action christine. Si l'on sourit avec bienveillance pendant l'ensemble du film, si certaines scènes sont vraiment drôles (le patriarche fumant dans le placard ou essayant de mettre une olive dans son cocktail), l'ensemble est assez mineur, au regard de la férocité jouissive des autres comédies de Wilder ("la garçonnière", "Avanti" ou "Embrasse-moi, idiot").
A voir cependant pour la sympathique légèreté et la finesse du film.
Comme il a été dit dans un message précédent, Wilder revisite le thème de Cendrillon mais d'une Cendrillon sans scrupules, à la vertu fragile et peu regardante des convenances. Cette comédie sentimentale, devenue un classique même si certains n'y voient qu'une bluette pour midinettes percluse d'acné, éreinte au passage les travers de la société américaine avide d'argent et de reconnaissance.
Finalement, avec des ingrédients traditionnels et simples, Wilder nous concocte une recette dont il a le secret relevée de mille épices et douce au palais comme un bonbon au miel !
Et si vous voulez vous convaincre davantage du talent de Wilder, jetez un coup d'oeil au sinistre remake de Sydney Pollack,
avec Julia Ormond
et Harrison Ford
… Effectivement, il paraît soudain bien meilleur, le film de '54 !
Justement, je n'ai jamais eu le courage, au vu des critiques, de regarder cet "indigeste remake" ! Lorsque que l'on a goûté aux délices d'un soufflet, il est difficile de se contenter d'une omelette trop cuite. Pourtant Harrison Ford, en général, ne manque pas de charme…
oui mais sans charme, la magie n'opère pas ! Le charme est un des ingrédients indispensables dans la réussite d'un soufflet… euh pardon, dans la réussite d'un film, voulais-je dire.
Ceci dit, et bien qu'adorant Bogart, je n'ai jamais trouvé qu'il était l'interprète rêvé du rôle de Linus dans Sabrina.
Un Cary Grant
ou même un Gary Cooper
auraient été bien plus justes, et auraient mieux aidé à faire avaler la différence d'âge.
Bogart est en effet un peu paumé dans ce film, involontairement de sa part (volontairement de la part du réalisateur ?), mais cela colle bien au personnage de cette histoire.
Bogart ne dépareille absolument pas au casting, il apporte au contraire une touche de "masculinité" à son personnage. Seule la différence d'âge (30 ans quasiment) entre Audrey Hepburn
et Bogart
peut amener des bémols.
Exact. Voilà qui efface donc ce léger bémol. Il est vrai que la passion n'a pas d'âge et ses voies impénétrables!
A mon sens, l'incongruité de Bogart dans Sabrina
ne tient pas qu'à son âge, mais à sa personnalité. Connu pour son humour sarcastique, sa lucidité teintée d'amertume, l'acteur joue ici un business man coincé et sans humour, pas spécialement "viril", portant un ridicule noeud-pap, et il semble complètement éteint. Le vrai Bogart,
il est dans Casablanca
ou African Queen,
pas vraiment dans Sabrina.
Il y avait aussi au générique William Holden en frère (si mes souvenirs sont exacts) de Humphrey Bogart et qui, dans le film, créait un contraste certain en termes de personnages. Ne se centrer que sur le personnage de Humphrey Bogart n'est peut-être pas suffisant car, en plus, au niveau spectateur, on attendait plus une idylle entre miss Hepburn et Holden…
Bogart n'a pas à pâlir de sa prestation et suscite la sympathie du spectateur en raison justement de ce rôle peu en rapport avec ses interprétations précédentes. Ici, on ne retrouve ni l'insolence, ni la dérision, ni la désinvolture acerbe, ni sa séduction due à son "sourire carnassier" qui étaient la marque de fabrique du Bogart
des classiques évoqués ci-avant comme Casablanca,
Le Port de l'angoisse,
Le Grand Sommeil
ou L'Odyssée de l'African Queen.
En fait, je voulais parler du mythe Bogart, celui reconnaissable à sa dégaine inimitable, son irrévérence bougonne, les traits tirés de son visage, son imperméable et son feutre à la Marlowe, sa sensibilité caché par un faux dédain, son attitude oscillant entre sentiment et cinisme, etc.
Il ne fallait a-b-s-o-l-u-m-e-n-t pas voir une critique sur ses aptitudes à composer, mais je voulais juste souligner le fait que Bogart
avait peu l'occasion de jouer la comédie, d'où cette impression étrange de (re)découvrir une facette de cet acteur.
Il est vrai que je n'ai pas pour le réalisateur, Billy Wilder, une passion dévorante, lui reconnaissant des réussites magnifiques, en premier lieu Boulevard du crépuscule,
et aussi La scandaleuse de Berlin,
mais peinant à partager l'enthousiasme général sur Certains l'aiment chaud
ou La vie privée de Sherlock Holmes.
Disons alors que Sabrina
est un film extrêmement plaisant quoiqu'il soit un peu trop long (113 minutes) et que – sentant le théâtre, ma vieille aversion – il multiplie les invraisemblances et les scènes à faire.
Deux heures pour un propos aussi mince, on en conviendra, c'est beaucoup. On doit donc accumuler les péripéties et les incidentes. David/Holden, qui tombe amoureux comme on change de chemise, va-t-il, entraîné par sa pente naturelle, pousser Sabrina à l'épouser – pour, certainement, s'en désintéresser quelques semaines après l'hyménée – ou, comme le souhaite la famille et surtout son frère Linus, allier les affaires Larrabee aux affaires Tyson, riche planteur de cannes à sucre dont le suc permettra l'élaboration d'une matière plastique résistante et inaltérable ?
Un sujet d'agacement, bien personnel : l'omniprésence de l'affreuse rengaine La vie en rose. Déjà que je ne supporte pas la voix agressive d'Édith Piaf et sa poésie pour cornets de dragées, mais en plus, c'est devenu la rengaine emblématique du malencontreux quinquennat de François Hollande après que sa gourgandine d'alors, Valérie Trierweiller l'a entraîné dans un pas de danse, à Tulle, lors de sa ridicule victoire de 2012. Entendre cette horreur tout au long de Sabrina
a fait baisser ma note d'un point. Heureusement le talent d'Hubert de Givenchy qui habille magnifiquement Audrey Hepburn
me l'a fait rehausser d'un autre. Il y a une morale, n'est-ce pas ?
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