Nakadai est somptueux dans son rôle qui est sûrement le plus fou de toute sa carrière. La dernière scène, durant laquelle il massacre des dizaines de samouraïs alors qu il est en proie a sa folie resurgie de nulle part, est simplement la plus folle jamais réalisée. Attention chef-d'œuvre du cinéma japonais, incontournable.
Jamais je n'ai vu pareille hécatombe. C'est un film de 1966, en noir et blanc, mais jamais je n'ai vu pareille folie meurtrière au cinéma. La performance de Nakadai est hallucinante, c'est un authentique possédé. Le film se termine abruptement, pour ainsi dire en pleine action, mais quand même au bon moment : c'est-à-dire quand on a compris qu'on a affaire, de toute évidence, à quelqu'un dont le seul et unique but dans la vie est de donner la mort. Quand il se joint à ce groupe de nostalgiques du Shogun, on pourrait croire qu'il a une espèce de but concret – après tout, il appartient à la caste des samouraïs, il a peut-être des intérêts à faire valoir. Mais ce n'est pas ça du tout : c'est un prétexte au meurtre, à la boucherie. Au fond, ce type est un serial killer qui a trouvé, dans les bouleversements socio-politiques du Japon de l'époque, le prétexte idéal pour assouvir sa manie homicide.
Le film s'ouvre sur un meurtre absolument gratuit, que rien ne vient justifier. Mais quand on revoit attentivement cette première séquence après avoir vu tout le film, ce n'est pas tout à fait ça : le vieux monsieur au sommet du col de montagne, tandis que sa petite-fille est partie chercher de l'eau, prie : il demande au Bouddha de mettre fin à ses jours. Non par désespoir ni rien de ce genre mais juste qu'il est très vieux, que ce serait le bon moment pour s'en aller. Il appelle sur lui la Mort… et il est surpris au milieu de sa prière par le samouraï, qui le tue. Littéralement, Ryunosuke se substitue à la Faucheuse. Il dit au vieil homme : "Regarde vers l'Ouest" et l'exécute d'un coup de sabre. Je ne vois pas d'autre "explication" que celle-là : pire que le diable en personne, c'est la Mort en personne.
Et à noter que c'est le rappel de ce meurtre par la petite-fille de la victime qui va "déclencher", dans la séquence finale, la crise du samouraï qui s'escrime d'abord contre les ombres surgies de son passé avant de passer aux actes sur des hommes en chair et en os. Pourquoi tue-t-il? Quand il est mercenaire – pendant une bonne partie du film – on peut toujours se dire qu'il tue pour l'argent, mais ce n'est évidemment pas très convaincant. Il tue pour tuer, c'est sa mission de donner la Mort. Il a malheureusement la technique de sabre la plus high-tech de tout l'Empire du soleil levant, et il se prend pour la Faucheuse en plein travail.
Ouf! Ce Sabre du mal est un grand film, porté par un très, très grand acteur, mais quand même, heureusement que j'ai loué Inspecteur Lavardin
pour me changer les idées. Je cours le regarder avant d'aller me coucher, afin d'éviter de faire de trop affreux cauchemars !
Je ne peux que rejoindre le concert de louanges ci-dessus, et approuver à 100% tout ce qui a déjà été écrit sur Le sabre du mal.
Je ne conseillerais pas à Impétueux de s'y aventurer car il risque de s'y ennuyer, mais plutôt de démarrer en douceur son étude du cinéma japonais via le classicisme de Kurosawa (Sanjuro, La forteresse cachée
par exemple).
Mais je n'ai aucune intention d'engager une étude exhaustive du cinéma japonais ni de m'y plonger durablement !
Je vais accomplir une pénitence, contraint et soumis par la bêtise faite sur le fil de Affreux, sales et méchants où j'ai, par une erreur de plume mis Sordi
à la place de Manfredi.
Une fois Le sabre du mal vu, j'efface toute la site des messages et je retourne à mes chers Loubignac, Montazel et Leboursier ! Faut pas rêver !
Je viens, avec quelque mauvaise grâce, de m'acquitter de la pénitence qui m'a été dévolue pour avoir commis une énorme bêtise sur le fil de Affreux, sales et méchants.
La pénitence consiste donc – avant rémission, et effacement des fautes – à voir (et sans doute à commenter) Le sabre du mal, alors que j'ai une vigoureuse et instinctive réticence (répulsion me vaudrait des attaques polémiques et peut-être une action en justice du MRAP) pour le Japon, les Japonais, les samouraïs, le haïkido, les sushis et tout le bataclan et que je frémis de volupté dans la perspective de l'ippon que va infliger notre immense Teddy Riner à l'Empire du Soleil levant à Londres, aux J.O. dans six mois (j'aurai l'air malin s'il n'a pas la médaille d'or…).
Quand j'écris que je viens de m'acquitter, j'exagère un peu ; je viens de passer la commande du DVD…
Voilà qui me laisse quelques semaines de répit, d'autant que j'ai bien en retard une quarantaine de films à voir…
Oh là, là, pauvre Impétueux ! Au ton de la voix (sic), on sent toute la dureté du châtiment infligé. Ces accents déchirants font un peu penser à celui qui s'apprêterait à subir un long et pénible traitement de canal (et en plus, par un dentiste qui se venge d'un ennemi en y allant mollo sur l'anesthésique, comme dans une nouvelle de Gabriel Garcia Marquez dont le titre m'échappe).
Quelques semaines de répit, donc – le mot veut tout dire ! Essayons tout de même de consoler, de rasséréner le condamné (qui cela dit risque d'attraper un gros rhube s'il reste en chemise à cette époque de l'année) en rappelant que tout peuple, culture, nationalité, civilisation est toujours un microcosme de l'humanité et que par conséquent, il n'en tient toujours qu'à vous d'apercevoir dans le prisme de cette histoire d'un militaire (ici un samouraï) atteint d'une terrifiante maladie morale dans le Japon de l'ère Edo finissante – qui rappelle étrangement d'autres époques "de bruit et de fureur" sous bien d'autres cieux – d'apercevoir, dis-je, la terrible métaphore au sens hideusement universel.
Je dis "terrible" et "hideusement" parce que, cher Impétueux, dans ce film de sabre unique en son genre, il est question, comme son titre l'indique, du Mal et de sa représentation, de sa compréhension – un sujet qui m'a toujours semblé vous intéresser, si je me fie à plusieurs messages par vous laissés à propos d'autres films…
Merci ! Et tendons à notre pénitent le rameau de cerisier en fleurs (avec le mont Fuji en arrière-plan, il va de soi).
Eh bien voilà, ça s'est fait hier, vers 9 heures et demie du soir.
J'ai glissé dans le lecteur le disque brillant reçu l'avant-veille, un ballon de cognac dans la paume de la main (il n'y a pas de saké à la maison, et je doute que, sauf dotation exceptionnelle d'un ami du Japon, il y en ait jamais).
À défaut d'être nuptiale (bien que la femme de ma vie ait consenti à regarder Le sabre du mal,Il faut dire que c'est bien filmé, que les angles de prise de vue sont originaux, habiles, qu'il y a même quelques cadrages de grande qualité et de beau lignage.
Mais qu'est-ce que je suis content que ce soit fini ! Un peu comme lorsqu'on rend sa copie au bout d'un examen ; un peu comme lorsque, reçu à mon baccalauréat, en 1965, j'ai pris conscience que jamais, jamais plus, je n'aurais à entendre (plutôt qu'écouter !) un professeur de mathématiques… Je me suis trompé, j'ai reçu une punition, j'ai accompli ma pénitence, payé ma dette à la société amicale de DVDToile et ma faute a désormais droit à l'oubli : j'irai sous peu effacer la kyrielle de messages sarcastiques qui se sont étagés sur le fil d'Affreux, sales et méchants.
Vraiment je n'ai pas été réconcilié avec un Japon que j'ai en sainte méfiance et qui me paraît aussi hostile en 1862, époque où se passe le film qu'il est aujourd'hui, montré dans Lost in translation.
Ryunosuke, le héros du film (Tatsuya Nakadai) est, de fait, d'une redoutable habileté au sabre, bien qu'il ait l'air d'un parfait demeuré, constamment les yeux dans le vague (comme la lune après la pluie ; en voilà une fine allusion !).
Mais – et nous avons eu maintes fois l'occasion d'en discuter et de rompre des lances là-dessus – une œuvre, certes universelle, s'inscrit dans un système de codes, de valeurs et de références qui sont les passerelles qui en facilitent la compréhension, en sont les médiateurs. Dans Le sabre du mal sont prononcés des mots que je ne saisis qu'à peine : rônin, shoguns, samouraï ; des périodes historiques que je situe mal et dont je ne vois pas l'importance dans l'histoire du Japon, l'ère Edô, par exemple ; sont évoqués des régions, des villes, des lieux qui me sont complètement inconnus et dont j'ignore s'ils sont, ou non, éloignés les uns des autres…
Rien ne m'empêche, me dira-t-on, d'apprendre ces caractères, ou de lire une bonne monographie sur le Pays du soleil Levant et d'acquérir un minimum de connaissances sur ses coutumes, rites et merveilles. Certes… Mais alors que les failles que je me découvre sur des sujets et des civilisations qui m'intéressent me laissent pantois et dépité de ne pouvoir les combler, pourquoi irais-je découvrir ces pays qui m'ennuient ?
Ce sont-là des clichés sur le Japon que l'on retrouve à une puissance 1000 dans Know Your Enemy: Japan. Heureusement pour nous, le Japon a produit Ozu,
Mizoguchi,
Kurosawa,
Naruse,
Imamura,
et bien d'autres cinéastes intéressants…
Il est certain qu'il ne faut surtout pas commencer par Le sabre du mal, quand on connait peu le Japon et son cinéma. Ce qu'on appelle la "conduite du changement" nécessite d'y aller progressivement, avec un programme adapté : Chien enragé,
Eté précoce
ou Voyage à Tokyo,
Les contes de la lune vague après la pluie,
de facture plus classique, pour débuter par exemple. Le sabre du mal
est une oeuvre pour initiés, jouant sur la transgression de codes cinématographiques classiques (un peu ce qu'est le western spaghetti au western).
Qu'est-ce que c'est que ce mauvais procès que vous me faites sur le Japon ? Feriez-vous mine de n'avoir pas lu pourquoi j'ai regardé Le sabre du mal ? Arca m'en avait infligé la punition, je m'y suis astreint, et voilà, c'est terminé… J'ai payé la dîme.
Je n'ai aucune envie d'aller progressivement, avec un programme adapté vers l'Extrême-Orient. L'Asie ne m'est ni proche, ni chère : elle ne m'intéresse pas, et j'ai quelques milliers de films français, italiens, britanniques, étasuniens, québécois, russes, polonais et même (peut-être, mais ça m'étonnerait) scandinaves à voir.
Je ne m'adressais pas forcément à vous, mais au lecteur invisible de ce forum, à la recherche d'idées. Je considère que nos écrits sur ce forum ne doivent pas concerner que le petit cénacle des habitués…
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