Curieux film, qui a fait l'unanimité à sa sortie, mais qui n'est au fond qu'un quasi remake de "Crossing guard" de Sean Penn,
déconstruit en puzzle. C'est assez brillant, un peu vain, surtout extrêmement bien interprété. Si on a déjà vu Penn dans ce style d'emploi hagard ("She's so lovely
"), Naomi Watts
est une révélation et Del Toro
est extraordinaire. Le ton systématiquement noir et tragique du film, rend les deux heures de projection assez pénibles, mais c'est bien filmé, maîtrisé, plus malin que génial.
En fait la recette est éprouvée et ancienne (ceci n'est pas une critique) de faire se rencontrer par pur ou impur hasard des êtres que rien ne paraissait pouvoir réunir : Cristina (Naomi Watts), ancienne droguée qui affronte difficilement son sevrage grâce à un mari aimant et deux jolies petites filles ; Paul (Sean Penn)
, mathématicien acariâtre et mal marié à Mary (Charlotte Gainsbourg)
, qui va bientôt mourir s'il ne bénéficie pas d'une transplantation cardiaque ; Jack (Benicio del Toro)
, ancien taulard converti en prison et désormais adepte d'une secte évangéliste rigoriste.
Est tout autant artificielle et tout autant habile la façon dont le réalisateur, Alejandro González Inárritu mélange ce mélange au gré de brèves séquences chronologiquement éparses, sans continuité dramatique mais pourtant si bien conçues qu'on ne se perd jamais dans leurs réelles complexités. Le film avance en louvoyant de façon si intelligente que les ellipses et les retours en arrière ne décontenancent pas mais enrichissent le regard. Et la tristesse des vies gâchées est parfaitement rendue par une lumière assez pâle, malade, blafarde. Une lumière qui n'épargne pas le visage et le corps des acteurs, jamais triomphants ou illuminés mais ternis, fatigués, sans espérance. Les peaux sont grasses et les cheveux sont ternes, sales, même.
Qu'est-ce qui fait alors que l'on ne puisse marcher complètement ? Peut-être précisément la sophistication extrême du filmage, cette marqueterie trop brillante pour être parfaitement honnête, cette impression de se retrouver devant l'exercice de style d'un candidat à l'Oscar doué qui entend montrer toutes les facettes de ce qu'il a appris de mieux. Et qu'à force d'appuyer sur la noirceur des existences, Alejandro González Inárritu fatigue un peu.
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