Un mystère absolu. Ce film est cité partout comme un excellent film d'Autan Lara et on ne l'a pas vu depuis très longtemps. Pas de diffusion télé et surtout pas de vidéo ni de DVD
Et voilà, le mystère est levé. Les ayants droit de la famille Feydeau bloquaient toute projection ou utilisation du film, d'où l'impossibilité de le voir depuis de nombreuses décennies. Cette année l'affaire s'est enfin réglée, et on a même pu voir le film projeté dans une copie neuve au quartier latin à Paris. Dans son genre, c'est effectivement un petit chef-d'œuvre, et pour qui est fan de Danielle Darrieux, un régal. Enfin le film vient de sortir en DVD chez m6store SNS Que du bonheur pour les cinéphiles amoureux des classiques français de la grande époque.
Qu'y faire ? L'adaptation au cinéma d'une pièce de théâtre continue à me décontenancer, ou, pour être franc, à m'ennuyer gravement, quelles que soient les qualités de l'auteur (Georges Feydeau – ce qui se fait paraît-il de mieux en matière de vaudeville bien troussé), du réalisateur (j'ai suffisamment écrit ici et là combien je tenais Claude Autant-Lara pour un des metteurs en scène majeurs du cinéma français) et de l'équipe qui l'entoure (le musicien René Cloërec, le décorateur Max Douy, les adaptateurs et scénaristes Pierre Bost et Jean Aurenche) et des acteurs (Danielle Darrieux, dans l'éclat de sa trentaine : le film lui remit le pied à l'étrier). Grégoire Aslan est absolument parfait, jouant au mieux de son physique à la Groucho Marx ; mais il est vrai aussi que Julien Carette en fait un peu trop, et que Jean Desailly est déjà rondouillard et mou – il est vrai encore que les personnages qu'ils interprètent vont plutôt dans ces sens).
Malgré quelques idées astucieuses, subtiles même – les articulations entre les trois actes qui voient le cinéma s'introduire dans les coulisses du théâtre et se jouer des faux-semblants qui lui sont inhérents – ça ne parvient jamais à transcender le niveau d'une pièce de boulevard, si réussie qu'elle est : ça fait dans le frénétique, le surexcité, l'hystérique quelquefois, ça incite aux mines, aux poses, aux outrances de gestes, de jeu et de voix (le pénible accent belge de Victor Guyau, qui joue l'oncle Van Putzeboom). Bien sûr, quelques dialogues sont étonnants de vivacité (la rencontre dans l'escalier des deux viveurs désargentés qui veulent mutuellement s'emprunter Un louis) et il y a de bons mots (Le prince de Palestrie – Grégoire Aslan – offre à Amélie – Danielle Darrieux – un gros diamant. C'est un solitaire ! lance-t-il se rengorgeant ; C'est peut-être son seul défaut !, soupire Pochet, le père d'Amélie – Carette). Les quiproquos fonctionnent, la mécanique du boulevard s'enchaîne.
Ça me reste bien extérieur, et c'est bien artificiel. Dans un des suppléments de la bonne édition DVD, l'historien du cinéma Alain Riou raconte que Madeleine Renaud qui avait joué le rôle d'Amélie se présenta à Autant-Lara et, éconduite, usa des pieds et des mains et de son aura de grande Résistante pour torpiller la production (rien d'étonnant : puant personnage). Et Riou explique que Renaud n'aurait pu, au cinéma, être le personnage d'une cocotte ravissante et légère, ce qui pouvait bien passer sur la scène, car le théâtre n'oblige à aucun réalisme. Cette observation très juste montre ainsi les limites de la transposition.
(Georges Feydeau – ce qui se fait paraît-il de mieux en matière de vaudeville bien troussé),
et le reste de votre message….
…nous montre que vous n'êtes pas toujours le dédaigneux du théâtre que vous prétendez être parfois. Mais Feydeau ne disait 'il pas : "-On peut changer d'affection : le coeur ça se déplace..-"
Vouloir voir jouer du Feydeau, en l'occurrence Occupe-toi d'Amélie ! en passant par le grand Claude Autant-Lara, c'est comme notre camarade Frétyl qui "attaque" Molière en passant par De Funès. Vous me direz que la comparaison est osée, mais ..
c'est comme notre camarade Frétyl qui "attaque" Molière en passant par De Funès. Vous me direz que la comparaison est osée, mais ..
Mais je n'ai rien contre Molière. Je peux même en dire beaucoup de bien. Molière a été un espèce de visionnaire de la comédie Française. Une sorte de précurseur… Mais l'adaptation de textes datant de plus de trois cents ans est-il possible encore aujourd'hui ?
Croyez vous que dans 300 ans un réalisateur pourra remaker, avec le même texte et les mêmes décors Le diner de cons ou Le Père Noël est une ordure sans problème ?
J'en doute…
J'avoue ne pas comprendre grand chose à vos deux messages, Gilou40 et Frétyl, et n'en pas percevoir bien le sens.
Que je connaisse le théâtre, Gilou40, est une évidence : tout élève un peu frotté d'Humanités, avant 68, en était empli ; et non seulement de la triade du Grand Siècle, mais aussi de Marivaux, de Beaumarchais, et de Hugo, et de Musset, et de Rostand… Et j'ai beaucoup lu aussi Claudel, Anouilh et Montherlant, beaucoup moins Giraudoux, Sartre ou Ionesco.
Mais je tiens mordicus que les formes artistiques et littéraires ne sont pas éternelles, et que, de la même façon que la chanson de geste, le roman courtois ou le poème lyrique, le théâtre est périmé, périmé surtout depuis que le cinéma est devenu parlant, vers 1930 ; autant que les formes précitées sont devenues irregardables ou illisibles, sauf par les spécialistes et les mecs qui se la jouent grave, autant le théâtre et ses codes représentent une forme archaïque de la représentation de la réalité. J'ai dû laisser un développement plus consistant sur le fil du Cyrano de Rappeneau.
Remarquez bien qu'à mes yeux le cinéma est en passe, lui aussi, de se ringardiser aussi complètement, depuis l'irruption du numérique qui le fait ressembler aujourd'hui à un jeu vidéo. Matrix, il y a dix ans, Avatar, l'année dernière ne sont pas, à mes yeux des films, mais autre chose, qui n'est pas désagréable, mais n'a plus de rapport avec le cinéma que nous avons aimé que le cinéma n'en avait, à ses débuts, avec le théâtre. Alors qu'un grand cinéaste comme Autant-Lara essaye de faire entrer l'un dans l'autre était plutôt un défi intéressant. Mais raté, mais qui ne pouvait pas être réussi, malgré tout le talent du réalisateur de La traversée de Paris.
Frétyl, que vous puissiez évoquer dans le même message, Molière et Francis Veber et les comparer m'atterre et me navre. Vos provocations politiques m'amusent plutôt et je serais bien le dernier à vous les reprocher, le risque d'aujourd'hui n'étant pas ailleurs que dans le politiquement correct, et nullement dans les outrances qu'on vous met à débit. Mais votre absence de distance m'agace. Deux mille ans qu'on parle de Sophocle ; dans trente ans, on ne parlera plus de la troupe du Splendid, qui nous aura fait beaucoup rire, comme nous faisaient rire, naguère, Marcel Achard ou André Roussin, désormais bien oubliés ; mais, d'évidence, on parlera encore de Molière ; ira-t-on encore voir ses pièces autrement que dans des festivals estivaux ? Là, j'en doute un peu…
Quand j'écris : "Qui attaque", que je mets d'ailleurs entre parenthèses, je veux dire "Qui veut connaitre"…
C'est sans doute bien parce-que Molière a été l'un des premiers à inventé l'esprit de la comédie Française qu'il est aujourd'hui mythique et historique. Imaginons nous que Francis Veber eut été présent en 1650. Que le Diner de con eut été écrit en 1650. Qui sait si Francis Veber ne serait pas aujourd'hui aussi illustre et célèbre, que ne l'est Molière ?
Molière n'a eu qu'un génie celui de savoir créer quelque chose.
Et puis qui peut nous dire si Francis Veber et la troupe du Splendid seront oublié dans trente ans ou même dans cent ans ?
Je suis sûr que la génération comique cinématographique de la fin du vingtième siècle intéressera dans cent ans, beaucoup de sociologue et d'historien. Je suis prêt à parier que les comportements tel que ceux des Français moyen des Bronzés n'évolueront pas, ou très peu. Même dans cent ans !
Votre fraîcheur d'âme, Frétyl, ne vous autorise pas à dire des conneries. Telle que vous l'imaginez, la comédie à la française serait née avec Molière ? Deux minutes de plongée dans n'importe quelle histoire de la littérature française vous apprendront la réalité des choses ; la farce (les instants où Sganararelle rosse Harpagon) fait partie de ce théâtre irregardable, du même niveau que du Veber…
Mais regardez moi donc le Dom Juan de Bluwal : vous me direz si c'est de la même farine que les rigolotes facéties de François Pignon. Faut tout de même pas déconner !
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