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Sujet : Sur le film, rien de nouveau...


De Christopher Brandon, le 7 novembre 2003 à 22:48
Note du film : 6/6

« Rosebud… » Alors là, disons les choses sans ambages : il est impossible de dire quelque chose de nouveau sur LE film considéré comme l’un des plus grands monuments de l’histoire du cinéma. Tout a été dit, plus ou moins bien, à tort et à raison, à toutes les époques et dans toutes les perspectives. Alors quoi ? Que peut-on dire de plus concernant le premier film d’Orson Welles, à part qu’on se demande quel film a réussi à avoir un impact aussi important sur les décennies qui suivirent sa sortie. Quel film a autant révolutionné la manière de faire le cinéma ? Quel réalisateur de 26 ans a eu autant de talent et de génie pour marquer à jamais l’histoire du cinéma ? Bien sûr, Welles n’a pas été le seul à apporter sa pierre, mais qui peut être considéré comme son égal ? Charles Chaplin ? Cecile B. DeMille ? Kubrick ? En réalité, c’est une question sans intérêt. Chacun de ceux-ci ont eu une telle carrière propre qu’au Panthéon des figures du cinéma, ils sont tous assis sur la même table. Posons donc une autre question : qui a l’heure actuelle a le potentiel pour frapper aussi fort que le géant Orson ? Car peut être est-il un aspect qui pourrait être un point d’intérêt si ce n’est novateur, au moins d’actualité. Qui parmi les jeunes générations développent des capacités laissant espérer l’émergence d’un véritable génie du cinéma ? Là, les candidats potentiels sont légions, et autant de météores qui finiront soit en comètes qui illumineront le ciel cinéphilique durablement, soit qui s’écraseront avec autant d’impact « qu’un pou lancé à cent à l’heure sur une bottine » (dixit le scénariste de BD Raoul Cauvin dans les Tuniques Bleues… On a les références qu’on peut !)

Avant Citizen Kane, Welles avait réussi l’un des plus grands triomphes médiatiques radiophoniques de l’histoire. Il avait réalisé l’adaptation de la Guerre des Mondes avec tant de convictions qu’il était parvenu à effrayer une partie de la société américaine. Certains jurèrent même d’avoir vu des véritables envahisseurs. Quelque part, Welles annonçait les grandes manipulations médiatiques de notre temps, avec nos fausses guerres et nos vrais génocides volontairement oubliés. Peut être alors la perspective est de frapper un très grand coup à la télévision, ou mieux, sur le média incontrôlable par excellence, Internet. Qu’aurait fait Welles avec l’Internet ? Raconterait-il aujourd’hui la vie de Bill Gates ? Développerait-il, en parfait hacker planqué derrière un écran anonyme le coup médiatique de l’histoire informatique ? Un coup magnifique qui serait aussi gratuit que retentissant ? Pourrait-il réunir la guerre des Mondes et la vie de Kane sous un titre du genre « AOL versus Universal, le choc des Titans ? » ou bien brocarderait-il comme un Michael Moore, croisé de la gauche américaine, la radicalisation de la droite extrême américaine et les lobbies d’armement et pétroliers ? Moquerait-il la toute-puissance de Rupert Murdoch, le big patron de News Corporation, de la Fox et de la quasi-totalité des journaux anglais ? Singerait-il Sylvio Berlusconi dont l’aura néfaste déborde très largement des frontières italiennes, et qui représente pour encore quelques trop longs mois la Communauté Européenne ? Que ferait Welles aujourd’hui et que ferait-il demain ? Voici peut être la question qu’il serait amusant de se poser régulièrement, en n’oubliant pas que c’est à 26 ans et quelques qu’il avait déjà prouvé comment le monde allait et où, d’une certaine manière, les médias pouvaient nous emmener. Revoyez Citizen Kane, jugez de sa brûlante actualité, comme disent mes confrères journalistes (et moi-même dans ces lignes), et demandez vous quels films ont eu un impact aussi important. Si j’ai déjà quelques pronostics personnels sur ma vie personnelle, je ne les livrerai pas, car c’est à chacun d’entre vous, amis lecteurs, qu’il appartient de faire votre liste.


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De dumbledore, le 8 novembre 2003 à 09:49
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Même si tout a été dit sur ce film, il est bon quelque fois de répéter ces choses… C. Brandon a raison: ce qu'il y a à dire sur ce film dépasse largement le cadre d'une critique. Donc, bientôt, un dossier complet sur ce film.


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De droudrou, le 3 octobre 2006 à 12:29
Note du film : 6/6

Dumbledore – en novembre 2003 tu nous avais promis un dossier complet sur ce chef-d'oeuvre du cinéma…


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De vincentp, le 6 novembre 2006 à 22:58
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Et Christopher Brandon, il est passé où ? Il a sans doute fait fortune dans la presse de cinéma, sous un autre pseudonyme, et a abandonné ses petits camarades. Heureusement, Impétueux, dans son style si caractéristique, mélange étonnant de Proust et de chroniqueur mondain, a pris le relais. C'est lui qui commente désormais la rubrique "grands classiques" de dvdtoile. Et puis, il y a Arca1943, le papoteur en chef, qui vous fait croire que les Latuada, et autres Barbocelli, valent plus chers qu'un Ford ou Kurosawa. Quelle désinformation !

Il y aura sans doute un jour, une impasse Arca1943, une ruelle Impétueux, et une avenue Vincentp.

Car je suis bien le seul à dire quelques mots intelligents sur Citizen Kane, un des plus grands films de l'histoire de cinéma, que j'ai vu assez jeune, et qui a décidé de ma vocation de critique professionnel. Les fondus enchainés du début m'avaient alors laissé pantois : je ne savais pas si cela était fait exprès ou non. En tout cas, ce n'était pas ma télé qui déconnait. Après réflexion, j'ai pensé que ce n'était sans doute pas le fruit du hasard.

C'est sans aucun doute le premier long-métrage d'un réalisateur le plus réussi de l'histoire du cinéma, avec une multitude de trouvailles visuelles et narratives. Et surtout l'histoire est assez simple à comprendre et est accessible à tous. On le recommande à nos compatriotes qui peinent devant Au bonheur des dames ou s'extasient face à Hélène et les garçons, et également à "une catwoman".


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De Arca1943, le 6 novembre 2006 à 23:54

« Et puis, il y a Arca1943, le papoteur en chef, qui vous fait croire que les Latuada, et autres Barbocelli sic, valent plus chers qu'un Ford ou Kurosawa. »

Je n'ai jamais, évidemment, affirmé de pareilles choses. Toutefois, oui, si on prend film pour film, et non réalisateur par réalisateur, il n'est pas si difficile de dénicher un ou deux Lattuada (avec deux "t") que je vais voir ou revoir avec plus de plaisir que, disons, le prêchi-prêchant Dieu est mort ou la pochade sympathique, mais sans plus qu'est Donovan's Reef. Il ne faut pas qu'un nom de réalisateur devienne l'arbre qui cache la forêt.

Cela dit je ne vous dirai pas la même chose avec Kurosawa. D'abord, parce que je le connais moins, ensuite, parce que les quelques-uns que j'ai vus – comme L'Ange ivre, High and Low, La Forteresse cachée (qui en passant est un peu monicellien sur les bords à cause du contraste drôlatique entre la dignité idéaliste des nobles héros et le bon sens terre-à-terre des paysans) – étaient tous formidables.

Je sais bien que vous plaisantez et que moi – n'ayant aucun humour – je vous réponds sérieusement. Mais c'est mieux que « Tu sais ce qu'elle te dit, l'impasse ? »


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De jipi, le 22 octobre 2007 à 17:24

Charles Foster Kane s'éteint en solitaire dans un Xanadu Gothique surdimensionné bâti à l'image d'un Kublaï Khan décentralisé dans le nouveau monde.

L'énigme Rosebud est en marche agrémentée d'une nécrologie faisant de ce magnat de la presse un détenteur de la totalité des combinaisons universelles de son temps. Fasciste, Démocrate, Communiste, Belliciste, Sympathisant nazi, volage, Philanthrope. Quantités d'opinions n'ayant qu'une seule image Charles Foster Kane clone de William Randoph Hearst le célèbre industriel multimillionnaire.

Différents flashbacks nous montrent que l'homme à aussi de l'esprit. « Je ne vous fait pas de promesses, car je n'ai pas le temps de les tenir » ou bien encore « A quoi aimeriez vous ressembler ? A tout ce que vous détestez ».

Le retrait brutal d'un cocon familial opère un branchement conditionnant une entame de vie nostalgique vengeresse d'ébats stoppés soudainement. La maison sous la neige ainsi que la luge d'un adolescent sont cruellement abandonnées en cours d'usages. Ce traumatisme d'adolescent élabore la construction d'un personnage déterminé, complexe rupté trop tôt d'un parcours séquentiel menant tranquillement par des jeux d'enfant de l'adolescence vers le monde des adultes.

La démesure engendrée effrite peu à peu un homme ambitieux écrasé par son propre gigantisme, la voix ne porte plus, il faut presque hurler dans des pièces gigantesques pour se faire entendre, Kane ne maîtrise plus son espace. Tout est haut de plafond, infini en profondeur. Pris de folie il saccage soudainement en fin de vie le contenu d'une pièce représentant symboliquement tout ce qui a été matériellement conçus depuis son déracinement d'enfance pour ne sauvegarder que ce dôme sous la neige porteur de son dernier mot.

Charles Foster Kane bâtit son empire sur un éclectisme psychologique faisant de lui un caméléon articulé par toutes les procédures politiques en vigueur. Récupérable au moins par un des composants de ses multiples facettes son parcours de départ élaboré de force fait de ce déraciné un goûteur universel anéanti par ses propres concepts.


« Citizen Kane » considéré comme le meilleur film de tous les temps est une rivière de diamants innovatrices pour son époque. L'œuvre croule sous la charge. L'aspect terrifiant de Xanadu, les hauteurs alpestres des pièces, les profondeurs de champs, les miroirs, les raies de lumières dans la pénombre etc… tout est neuf ce qui fait de Citizen Kane un œuvre plus référencée sur ses conceptions nouvelles que sur son traitement nécessitant une attention particulière. L'oeuvre est plus téchnique qu'émotionnelle.


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De Steve Mcqueen,, le 7 avril 2010 à 17:33

Poursuivant mon parcours "iconoclasto-réac'", je crains de me faire gronder par tonton Impétueux !

Faux-film moderne et visionnaire bourré de petits défauts qui sautent aux yeux, CK est en tête de tous les palmarès…les plus consensuels (désolé, ami VincentP !)

Réalisateur génialement inconséquent plombant Le Criminel par un baroquisme de pacotille, débutant La Soif du mal par un plan séquence inutile et parfait, partageant l'affiche et sa fadeur avec Hayworth dans la surestimée Dame de Shanghai ; acteur incroyablement médiocre et cabotin – Moby Dick, Waterloo – Welles a bien trompé son monde avec ce chef-d'œuvre imparfait, bourré d'incohérences flagrantes .

Utilisant une brillante profondeur de champs avec une maestria ostentatoire, un plan-séquence de suicide remarquable d'esbroufe et de maestria, une optique pseudo-réaliste…avec une virtuosité mégalomaniaque . La première partie est longuette est dénuée d'intérêt, les choses s'améliorent dans le château.

Illusionniste de talent, manipulateur hors-pair, brillant imposteur, Welles est un génie unijambiste qui fait malheureusement encore illusion aujourd'hui, occultant nombre de talents plus discrets mais bien plus talentueux, et largement en deçà de réalisateurs comme Lang, Preminger ou Mizoguchi, VRAIMENT modernes, eux…


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De Impétueux, le 25 juin 2012 à 10:44
Note du film : 6/6

C'est entendu, on ne discute pas plus de la place prééminente de Citizen Kane dans l'histoire qu'on ne revient sur la qualité de la Joconde ou de la 5ème symphonie. C'est marmoréen, irréversible, irréfragable.

Et, au contraire de l'acide Steeve McQueen, je joins mes louanges empressées à celles qui, depuis 1941, s'accumulent autour du premier film d'Orson Welles. Un peu comme les gerbes de fleurs et les couronnes mortuaires qui, lors des enterrements de personnalités révérées, finissent par dissimuler le cercueil.

C'est très bien. Citizen Kane est le plus grand film de tous les temps, comme La règle du jeu est le plus grand film français de ces mêmes temps. Les gloses, interprétations, enluminures, célébrations de toute sorte ont à peu près tout dit, tout expliqué, tout justifié. Il y a d'ailleurs, dans un des suppléments de l'édition DVD que je possède (Montparnasse – Les cahiers du cinéma) un très savant et très intéressant décorticage de plusieurs séquences, sous le titre édifiant de Image par image, où les commentateurs avisés font sentir du doigt aux profanes l'extraordinaire inventivité et la profondeur de vue d'Orson Welles. C'est bien simple : j'en suis resté aussi baba que lorsque mon professeur de Lettres m'expliquait les deux derniers vers de Marizibill d'Apollinaire en me contant que le poète s'était souvent heurté à un huis clos… (Je suis conscient que ma comparaison demande quelque connaissance de l'œuvre dudit, mais somme toute, ce forum se veut intellectuellement émoustillant).

Donc, tout est dans Citizen Kane et il n'est pas une image qui n'ait été conçue, pensée, réfléchie pour développer des myriades de sous-jacences.

On applaudit très fort l'artiste et on sort de la représentation en étant sûr qu'on n'a pas perdu les deux petites heures qu'on lui a consacrées.

Mais est-ce qu'on a été grisé ? Est-ce qu'on a perdu le sens du temps qui passe, est-ce qu'on est vraiment entré dans la tête de Kane, ou même dans ce cauchemar grandiloquent de Xanadu ? Vraiment ? Je m'interroge… Est-ce que, plutôt, on ne reste pas un peu extérieur à l'histoire contée ?

On me dira que c'est peut-être là le dessein de Welles : rendre la vie d'un homme impénétrable, alors qu'elle est largement exposée, analysée, disséquée par la multitude des techniques (le faux reportage d'actualité nécrologique, les flashbacks, les témoignages) et la pluralité des interlocuteurs de l'enquêteur. Certes, certes… Mais puisqu'on ne peut pas pénétrer, on reste dehors, admiratif, mais un peu frustré.

On se dit, quand on n'a jamais vu le film, ou qu'on en a un peu oublié le déroulement, que la révélation de l'énigme Rosebud va peut-être un peu briser cette carapace lisse de perfection mais, si admiratif qu'on est de l'élégance désinvolte avec quoi on apprend le fin mot des choses, on songe que c'est bien du barouf pour démontrer une nouvelle fois que L'enfant est le père de l'homme.

J'y reviens, c'est très bien et il faut voir Citizen Kane, pour le prologue sombre : musique angoissante, barrières verrouillées, château hérissé de tours, singes mystérieux juchés n'importe où, eaux stagnantes, gondoles incongrues et inquiétantes, pont-levis, ruines, fenêtres hostiles : on dirait du Mario Bava de qualité supérieure…

J'ai l'air de me moquer… Je songe à une des seules séquences simplement humaines : la première représentation de Susan Alexander (Dorothy Comingore) seconde femme de Kane, et cantatrice improbable, à l'Opéra de Chicago, construit par son mari… Il y a là de l'émotion. Pour une fois.


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