…qui fait tourner ce grand film (imparfait) autour de la critique française de cinéma, d«ns un rapport renversé, une perte du sens des proportions du plus bizarre effet.
Je pense que la vérité qui se cache ultimement sous l'offensive du critique J. Rivette – qui n'est pas terminée, à l'évidence – c'est la haine de cette génération d'intellectuels bornés et dogmatiques pour un certain cinéma italien qui, en toute indifférence aux diktats lancés depuis Paris, comptait bien prendre les moyens pour montrer les événements les plus terribles, les plus durs de l'histoire récente au plus large public possible.
Ce qui fut fait: avec Kapò, La Longue nuit de 43, La Grande pagaille, L'or de Rome, La Bataille de Naples, Tir au pigeon, Le Terroriste, Le Procès de Vérone, Le Soldatesse, Italiani brava gente et tant d'autres.
Vigoureux, âpre et frontal, le cinéma de Gillo Pontecorvo descend en droite ligne du néoréalisme "à la Giuseppe De Santis", c'est-à-dire un réalisme dans une optique de spectacle populaire. C'est ce langage-là qu'il parle dans ses films. (On le lui a aussi reproché pour Queimada, bien sûr). Pontecorvo n'est pas du tout antipopulaire, il n'a pas du tout pour idéal d'adopter un langage compréhensible seulement par un cénacle d'initiés, et c'est cela la véritable raison de l'hystérie de Rivette et consorts.
Je vais reparler de ce film en long et en large, c'est sûr. Mais je le ferai sans tenir compte des propos peu informés (Kapò ne prend pas pour cadre un camp de concentration mais un camp de prisonniers) de J. Rivette. Et surtout, surtout, bon sang – mélange de complexe de supériorité et d'ignorance qui a le don de me mettre dans une rage folle – quelles leçons d'antifascisme ces antifascistes italiens avaient-ils à recevoir de la part de critiques de cinéma parisiens ?
Scène qui fait suite à un début de film très prenant, talentueusement interprété, magistralement mis en scène. Tout y est d'une clarté terrible. Une grande première partie nous infiltre, terrifiante, auprès de ces damnées rayés de gris et de bleu que l'on devine aisément derrière le noir et blanc. Bien d'autres oeuvres plus récentes relatant l'abomination nous les ont présentées en couleurs qui laisseront une grande marque dans nos mémoires. Suivant la saison, c’est un "rayé " d'été, le Sommeranzug ou d'hiver, le Winteranzug qui ne diffère que par l'épaisseur du tissu. Ce qui pouvait choquer dans les dîners mondains quand deux femmes portaient la même robe, ici semble rassembler l'humain. L'enfer a une mode. La jolie et talentueuse Susan Strasberg incarne cette jeune juive qui, lassée de constater que plus rien ne sert à rien, répétant sans cesse On s'est fait avoir…..on s'est fait avoir … accepte d'oublier ce qu'elle est pour devenir ce que jamais , en d'autres temps, elle ne serait devenue, la haine au ventre. Une de ces trop fameuses Kapo. Elle deviendra la putain des ses geôliers compatissants, et la terrible (mais l'est-elle vraiment ?) tétrarque de ses soeurs d'infortune. La magistrale Emmanuelle Riva essaiera bien vainement de l'en dissuader mais par trop désespérée elle-même, finira donc sous le feu des fils électrifiés. La vie du camp continuera, avec ses brimades, la faim qui broie toute volonté, le travail exténuant, la peur d'être trop vieille ou hors service et de connaitre le chemin de "la douche" ….
A moitié film, entrent en scène les prisonniers de l'armée rouge qui débarquent en chantant malgré l'adversité. Ce qui réjouit le coeur des quelques femmes russes emprisonnées dans le camp. Un Laurent Terzieff se voulant optimiste saura redonner au Kapo, par le biais d'un cupidon arrivé d'on ne sait où, peut-être prisonnier lui aussi, le goût de la tendresse et de l'amour. A ce moment précis, on est en droit de se demander si la fiction ne se fait justement pas trop "fiction". Pouvait-il y avoir, dans ces conditions de vie, dans ces camps de la mort, des histoires d'amour qui se créèrent ? Je pose juste une question. Parce que si on doit faire des histoires à n'en plus finir pour un plan de trop (?) sur une main, il faudrait alors se pencher sur la véridicité d'une telle situation. Je ne sais trop quoi penser, mais l'Histoire est sûrement faite d'histoires que l'on ne nous a pas racontées dans les livres d'école. Cette idylle adoucit quelque peu le film et son âpreté, sa rigueur. Il nous semble ne plus avoir affaire au côté documentaire qui relève de notre appétit de savoir, de connaitre. Nous tombons , avec un soulagement interrogatif, dans une Love story qui va éclairer le ciel. C'est d'ailleurs ce ciel que Edith, enfin redevenue juive et consciente, regardera une dernière fois avant son sacrifice final .Je viens de voir Kapo, en amatrice de cinéma que je suis . J'ai vu un très beau film qui relatait la monstruosité vécue par des gens dont l'obédience ne plaisait pas à certains et en dérangeait beaucoup d'autres. "Beau" et "Horreur" peuvent aller de pair au cinéma. Je ne suis pas une intellectuelle et certainement pas un membre de l'intelligentsia cinématographique mais vraiment non, je n'éprouve aucun mépris envers ce cinéaste qui m'a rigoureusement conté l'impensable comme Guitry me conta si joliment Versailles…
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