Sans doute pourra-t-on un peu chipoter Tavernier sur le côté danse sur un volcan, par exemple sur la dernière scène, maladroitement démonstrative ; mais Que la fête commence
est un film magnifique, porteur de multiples sens, d'une réflexion intelligente et profonde, admirablement distribué, dont de multiples visions n'effacent pas la force.
Je me méfie comme pas un de Tavernier. Surtout depuis son adaptation de "Capitaine Conan". Il faudrait que je revoie "Que la fête commence" à la lueur de votre description. Le gros problème avec les films historiques c'est que parfois on ne les situe pas du tout dans leur contexte. Donc, il arrive que ce soit ch….
Vous n'avez pas tort : une (relative) bonne connaissance historique donne bien davantage d'intérêt à ce genre de sujets, ce qui me fait un peu me méfier de films dont j'ignore tout de l'arrière-paysage (quelque chose qui se passerait en Chine, dont j'ignorerai toujours l'histoire), où dont je trouve le paysage massacré (l'exemple caricatural qui me vient à l'esprit est le Jeanne d'Arc de l'insupportable Luc Besson.
Si j'avais essayé, sur le fil de Marie Antoinette de resituer un peu le contexte diplomatique qui explique certains comportements, c'était précisément pour ne pas trop laisser prise à l'anachronisme consistant à voir une sorte de Lady Diana Spencer en la jeune fille envoyée par Vienne à Paris pour sceller davantage une alliance.
Revoyez le film et dites m'en des nouvelles ; il est vrai que Tavernier est fort inégal, mais, au moins pour Coup de torchon,
Le juge et l'assassin
ou La vie et rien d'autre,
il mérite une revalorisation.
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1214 : Bouvines ; 1314 : mort de Philippe le Bel ; 1415 : Azincourt ; 1515 : Marignan ; 1610: Assassinat d'Henri IV ; 1715 : mort de Louis XIV ; 1815 : fin de l'Empire ; 1914 : La Grande guerre…
Au fait…plus que sept ou huit ans….
C'est étrange : ce film pourrait facilement avoir les mêmes défauts que Le Juge et l'assassin – auquel il ressemble, évidemment, puisque les deux films sont faits un peu dans la foulée par une équipe qui est partiellement la même. Sauf qu'ici, ça fonctionne non à temps partiel comme l'autre film, mais à temps plein. C'est qu'en réalité le propos du film – malgré le finale que j'accueille avec indulgence, car après tout ce film nous vient de France, pays de la Révolution ! – est moins clair, moins évident. Et ce n'est pas un reproche : « Sois toujours précis dans la forme, pas toujours sur le fond, si tu peux » , disait Robert Bresson. Je ne suis pas toujours sûr de ce que ça voulait dire, mais en tout cas le cinéaste "engagé" à la sauce Tavernier,
le cinéaste volontiers politique – donc menacé par ces gros écueils que sont le discours univoque, la rhétorique, le pathos à message – devrait toujours avoir cette petite phrase sur sa table de travail. Même l'enragé de gauche Elio Petri
comprenait ça et savait maintenir une dose appréciable d'ambiguité.
Même s'il contient des raccourcis fracassants (mais ô combien jubilatoires) et des moments de pure charge – notamment anticléricale* – c'est un film qui s'en tient beaucoup plus à montrer qu'à démontrer. C'est une vue vigoureusement partiale, mais un historien sans point de vue est un eunuque ! (C'est pour ça qu'il faut toujours en lire plusieurs sur les mêmes événements et se méfier par-dessus tout de ceux qui ont des prétentions à faire de la science). D'ailleurs cela se reflète dans le traitement des personnages, particulièrement du personnage de Noiret : alors que le juge est un personnage "antagoniste" pur, qui n'apparaît pas d'emblée comme un simple méchant de cinéma uniquement grâce au jeu subtil et ambigu de son interprète, le régent Philippe d'Orléans offre plus de facettes et de contrastes. Et puis – idée vraiment géniale – la musique du film est de lui !
Le problème de scénario qui se pose avec Le Juge et l'assassin ne se pose pas ici : tout est bien intégré, fondu, on passe avec une remarquable aisance de la petite vie aux grandes décisions, des discussions sur le système bancaire aux histoires d'alcôve. À preuve tout l'épisode Breton avec l'extraordinaire Jean-Pierre Marielle
qui aurait pu sembler plaqué, ou surajouté, s'imbrique au contraire très bien et éclaire in fine la signification du film.
Que la fête commence est un classique, un film qui a vraiment la pêche. En plus de nous offrir en cadeau un star-system à son summum – Noiret
Rochefort
Marielle
!!! – il y a tout une faune de personnages secondaires croustillants, il y a la regrettée Christine Pascal.
Le film garde la qualité formelle (sic!) des films "engagés" : la vigueur, l'allant, une mise en scène assurée qui prend le taureau par les cornes, mais il se retient de trop juger à la place du spectateur – de prêcher, quoi – ce qui était au fond la pierre d'achoppement qui empêche Le Juge et l'assassin
d'être un grand film. Celui-ci n'est pas empêché d'être un grand film : c'en est un !
(*) Mais qui a curieusement un fond de vraisemblance historique, en ce sens où oui, bien sûr, à l'époque où l'Église catholique était très puissante, il existait des gens qui entraient dans les ordres sans trop y croire, pour "faire carrière" (ici au Québec la chose s'est vue tant et plus, jusqu'aux années 1950). Était-ce vraiment le cas de l'abbé Dubois ? En fait, je l'ignore; mais ça reste plausible, et la "charge" pourrait à la rigueur être interprétée par un catholique pas tant comme anticléricale mais morale, axée sur un malandrin qui déshonore l'habit qu'il porte.
Je ne vais pas m'étendre sur les qualités intrinsèques de ce métrage, film historique à grand spectacle, qui demeure une oeuvre à-part dans la filmographie de Bertrand Tavernier. Faisant aussi l'impasse sur le casting étincelant et la mise en scène solide, je voudrai mettre en lumière une étrangeté qui m'a pour le moins interloqué à la vision de cet opus, à savoir un scénario attribué à Jean Aurenche
et Tavernier alors que cette histoire est un grossier décalque du livre d'Alexandre Dumas
(à savoir Une fille du Régent) reprenant la trame du roman, les principaux personnages (des conspirateurs bretons à L'abbé Dubois en passant par la duchesse de Berri, surnommée Joufflotte, dont Saint-Simon disait qu'elle "était toujours entre deux vins"…, les anecdotes propres aux écrits de Dumas, notamment lorsque Jean-Pierre Marielle
(Le marquis de Pontcallec) évoque la prédiction prémonitoire où "sa mort proviendra de la mer »… en fait La Mer (dans le livre de Dumas), bourreau de son état, devant occire ce noble breton ainsi que ces compagnons de conjuration.
Je stoppe là les corrélations nombreuses entre les deux oeuvres. Mais, à moins de me tromper, je m'interroge sur le fait que le générique du film omette de créditer à quelque moment que ce soit le patronyme de Dumas Père, car le doute n'est pas permis pour qui a lu le roman et visionne par la suite le métrage de Tavernier.
Le XVIIIème siècle inspire le cinéma français qui brille à décrire cette époque riche en évènements clefs, après Ridicule et Beaumarchais,
je découvre Que la fête commence,
excellent, avec les trois Grands Ducs
dont Jean-Pierre Marielle
est sûrement mon acteur français préféré.
Tavernier semble maîtriser le solennel et le naturel avec un sens subtil de l'équilibre et met à nu ses personnages, donnant au spectateur le soin de juger par lui-même.
Etant particulièrement interessé par le XVIIIème siècle, existe-t-il d'autres films de cette trempe avec par exemple: Voltaire, Le Chevalier d'Eon, Casanova…? (mis à part les films précités, j'ai déjà vu Amadeus, Les Liaisons Dangereuses,
Valmont
et quelques autres…)
« Etant particulièrement interessé par le XVIIIème siècle, existe-t-il d'autres films de cette trempe avec par exemple: Voltaire, Le Chevalier d'Eon, Casanova…? »
Eh bien par exemple, l'excellente Nuit de Varennes d'Ettore Scola
où se croisent notamment Restif de la Bretonne (Jean-Louis Barrault)
, Casanova (Marcello Mastroianni)
et Thomas Payne (Harvey Keitel).
Ou encore le merveilleux mais introuvable Casanova, un adolescent à Venise
de Luigi Comencini
sur l'enfance et l'adolescence du futur séducteur.
Dût mon orgueil national en souffrir, les trois meilleurs films que je connaisse qui se passent au 18ème siècle sont étrangers : Barry Lyndon, de Stanley Kubrick,
Les contrebandiers de Moonfleet
de Fritz Lang,
et Scaramouche
de George Sidney.
Ce dernier film se passe d'ailleurs en France juste avant la Révolution, période très encombrée par les réalisations, où l'on trouve le pire et le meilleur (le meilleur comme Les mariés de l'an II de Jean-Paul Rappeneau,
par exemple…).
Et, à mon sens, vous pouvez parfaitement vous abstenir de voir Fanfan la tulipe !
Dans un mode moins "grand classique", mais tout à fait réussi dans mon souvenir, il faut également voir le ludique Guns 1748 (ça n'en a pas l'air, mais c'est le titre français !), du fils de Ridley Scott,
avec la toujours sublime Liv Tyler.
Merci, je prend note pour ceux m'étant inconnus (en gardant forcémment une place privilégiée pour Guns 1748 !). Barry Lyndon
demeure un de mes films préférés, et j'avoue, non seulement par plaisir de prendre Impétueux à contrepied, avoir beaucoup de sympathie pour Fanfan la Tulipe
que je possède en VHS et que j'ai dû regarder une bonne demi-douzaine de fois dans ma jeunesse, au même titre que La Guerre des Boutons,
Braindead
et Predator
; je considère d'ailleurs ce film de Christian-Jaque
comme un conte pour enfants fort distrayant.
Pour le Casanova de Comencini,
il ne me reste plus qu'à voter sans y croire…
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