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Forum : Que la bête meure

Sujet : L'un des films majeurs de Claude Chabrol. Heurtant


De Crego, le 19 février 2003 à 09:44

Peut-être le meilleur Chabrol avec le rôle le plus marquant de Yanne dans un personnage de brute immonde et haïssable dont la mort est un soulagement.


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De Gaulhenrix, le 16 mai 2003 à 19:07
Note du film : 6/6

Ton avis n'est pas récent mais je viens de le découvrir et je tiens absolument à te dire que je partage ton avis. Il s'agit bien du meilleur Chabrol (…)


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De Jarriq, le 20 mai 2003 à 13:09

Quel dommage que Chabrol (à de rares exceptions près comme "La Cérémonie") se soit confiné dans un cinéma complaisant et facile, usant et abusant des mêmes thèmes, avec une rouerie totale. L'homme est sympathique, malin comme un singe, il sait vendre sa marchandise mais quand on fait le bilan, les seuls films qui tiennent réellement le coup sont "Le Boucher", "Que la bête meure" et un ou deux autres.


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De David-H, le 30 avril 2006 à 14:13
Note du film : 5/6

Tourné durant la même période que 'Le Boucher' avec le même Jean Yanne, 'Que La Bête Meure' rappelle la meilleure période de Claude Chabrol. En 1969 et à presque 40 ans, l'un des réalisateurs les plus prolifiques du cinéma nous replonge dans l'esthétisme du milieu bourgeois, avec l'ambiance sombre qu'on lui connaît si bien, Brahms en plus. Mais un milieu bourgeois largement mis à mal.

Car là, un célèbre écrivain (Michel Duchaussoy) n'a plus qu'un but : éliminer de quelque manière l'homme coupable (Jean Yanne) de l'accident de son fils, lui-même beau-frère d'une célèbre actrice de cinéma (jouée par Caroline Cellier, l'épouse de Jacques Brel dans 'L'emmerdeur'). Où quand un intellectuel retourne à l'état le plus primaire de l'homme, incarné ici par l'intemporelle vendetta.

Avec la prestation magistrale de Duchaussoy, on s'étonne que la carrière de cet acteur n'ait pas obtenu une meilleure aura par la suite, même si on le revoit toujours fréquemment ('Le Plus beau jour de ma vie' par exemple). Jean Yanne quant à lui, joue son personnage le plus hideux et le réalisateur Maurice Pialat apparaît de manière surprenante, en inspecteur. Jouant sur une psychologie percutante et des émotions humaines à leur paroxysme, tout en proposant une histoire policière alléchante, Chabrol prouve ici son surnom d'Hitchcock français, et réalise probablement le film le plus symbolique de sa carrière. Indémodable.


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De Impétueux, le 24 mai 2007 à 18:54
Note du film : 4/6

J'avais en tête que, dans la carrière trop pleine de Claude Chabrol, prolifique et inégale, il y avait un bloc de trois films exceptionnels, réalisés en moins de trois ans, La femme infidèle, Que la bête meure et Le boucher, cela dans l'ordre de parution.

Si je conserve au premier et au troisième opus de cette remarquable série une entière admiration, je me sens obligé de mettre un léger bémol au second. Non que – bien loin de là – ce soit un film médiocre, dégradant, voire avilissant, comme il y en a eu chez Chabrol, hélas !, non qu'on s'y ennuie ou qu'on n'y accroche pas, mais parce qu'il me semble un peu trop démonstratif, presque idéologique.

Il y a plein de choses admirables, bien sûr (le message de Gaulhenrix, dont l'art d'analyser les séquences est suprême !) sur un autre fil les dit fort bien. L'infinité de la douleur de Charles (Michel Duchaussoy) est très cruellement et finement rendue (le refus de parler de la mort à la vieille servante, la projection du film super-8 jadis tourné et ses images du bonheur d'avant), tout comme la montée de tension, sur le bateau de plaisance entre Charles et Paul (Jean Yanne), la subtile tentation de la provocation qui amène Paul à prendre la barre, sauf à entendre un Chiche ou un T'es pas cap ! qui le ravalerait à ce que Paul se refuse d'être…

Mais tout de même ! Outre l'invraisemblable hasard qui conduit Charles, de fil en aiguille, à croiser la route d'Hélène (Caroline Cellier), qui le mènera jusqu'au repaire de la Bête, précisément, il y a la malfaisance totale, absolue, définitive de Paul.

Je veux bien qu'il y ait là parabole, caricature (Charles écrit à un moment, dans le Journal de sa quête : C'est une caricature d'homme), mais tout de même : il n'y a rien, absolument rien d'humain, dans le personnage : de la plante des pieds à la pointe des cheveux, Paul est cruel, grossier, égoïste, vaniteux, lâche, mauvais jusqu'au tréfonds : il n'y a rien qui le rachète, pas même la plus petite douceur qu'il pourrait avoir pour…je ne sais quoi, moi : sa mère, un animal de compagnie, une maîtresse, sa maison, la Bretagne… Rongé à ce point-là, je ne suis pas sûr qu'il y ait tant d'horreur intime dans tout le panorama du cinéma.

Et cette caricature, à mon sens, affaiblit un peu le propos : Chabrol accumule les scènes qui nous conduisent à haïr Paul autant que le hait Charles, mais trop est trop : il me semble qu'après la scène célèbre du dîner, de l'humiliation publique et immonde de sa femme Jeanne (Anouk Ferjac) et de son fils Philippe (Marc Di Napoli), on aurait gagné à voir un Paul un peu sympathique, goguenard, mais attachant par un ou l'autre de ses côtés : rien : la Bête est vraiment ignoble…

Cela dit, le film est mené avec un rythme et un talent exceptionnels, et des acteurs qui ne le sont pas moins : tout autre que Jean Yanne aurait rendu non seulement invraisemblable, mais aussi ridicule son personnage, Michel Duchaussoy – je partage entièrement l'avis de David-H – n'a pas réalisé la carrière intéressante qu'il aurait dû avoir, et qui avait si bien commencé avec l'étrange et intéressant Jeu de massacre d'Alain Jessua ; Caroline Cellier était déjà ravissante et Anouk Ferjac portait avec dignité toute la détresse voulue…

Mais qui trop embrasse mal étreint, peut-être. Représenter le Mal absolu est une sacrée gageure…


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De Gaulhenrix, le 25 mai 2007 à 00:49
Note du film : 6/6

J'ai revu naguère ce film de Chabrol, et il m'a, de nouveau, fasciné. Non, Impétueux, le hasard de la rencontre n'a rien d'invraisemblable (qu'est-ce que le hasard, précisément, sinon une question de probabilité ?). D'autre part, Paul ne me paraît pas seulement caricatural : on peut, par exemple, lui trouver un certain courage et apprécier sa franchise (…)


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De sépia,, le 25 mai 2007 à 01:55
Note du film : 5/6

"- La bète la plus féroce connaît la pitié. Je ne la connais pas, et ne suis donc pas une bête…-"

Richard lll ( William Shakespeare )

PS= Pardon pour cette intrusion mineure… A lire absolument l'analyse de Gaulhenrix qui suit ou précède.


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De PM Jarriq, le 25 mai 2007 à 09:01
Note du film : 5/6

Rien à ajouter, si ce n'est qu'à revision du film, je trouvé le jeu de Duchaussoy, Cellier et du jeune garçon, étrangement dirigé, dans une sorte de froideur catatonique, l'oeil dans le vide, le ton monocorde. Les personnages en deviennent lointains, étranges, alors que Yanne égal à lui-même, a une "santé" formidable, une justesse de chaque seconde, qui le rendent parfaitement réel et concret. Je ne doute pas que ce soit volontaire de la part de Chabrol (le "Bien" est-il plus tristounet que le "Mal" ?), mais cela donne un ton très particulier à Que la bête meure.


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De Gaulhenrix, le 25 mai 2007 à 10:46
Note du film : 6/6

droudrou, il faut voir le film…

A lire ta remarque, PM Jarriq, je ressens, en effet, la même impression. Mais, plutôt que de se demander : "le "Bien" est-il plus tristounet que le "Mal" ? (quelle horreur !), n'est-il pas plus indiqué – en conformité avec le sens du film – de penser que les trois personnages sont marqués par leur souffrance (Marc et Philippe) ou leur culpabilité (Hélène), alors que Paul, dénué de toute conscience morale, incarne – si l'on peut dire – l'"innocence" même du mal, en ce qu'il n'est que satisfaction des pulsions ? Les uns (Marc est sans doute mort avec son fils ; Hélène avoue à Marc qu'elle se méprise depuis sa relation avec son beau-frère et Philippe est, dit-il, sali d'être le fils d'un tel père.) sont donc présentés comme absents à eux-mêmes, quand l'autre exprime la liberté vorace du prédateur, tout entier occupé à jouir de la satisfaction de ses désirs.


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De Impétueux, le 25 mai 2007 à 11:37
Note du film : 4/6

La lecture attentive du plaidoyer passionné de Gaulhenrix – dont – j'y reviens ! – le talent à analyser les séquences est proprement impressionnant ! – serait presque de nature à me pousser à revoir à nouveau le film ; mais en fait, ma note et mes appréciations en témoignent, j'ai trouvé vraiment excellent Que la bête meure ; et sans doute est-ce le côté trop parabolique, trop idéologique, qui me conduit à ne pas le placer tout à fait au même niveau que La femme infidèle et Le boucher.

Mais si toute la production française pouvait être de ce haut niveau !


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De Gaulhenrix, le 14 janvier 2008 à 18:54
Note du film : 6/6

Puisque Que la bête meure de Chabrol recueille les faveurs de plusieurs d'entre nous, il serait bon d'évoquer la maîtrise de sa réalisation à travers l'exemple de l'une des deux scènes de repas du film (Eh oui, chacun sait que Chabrol est un fin gourmet !) (…)


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De fretyl, le 28 mars 2008 à 22:17
Note du film : 5/6

On remarquera une note d'humour dans un passage du film .

A l'arrivée de paul dans la maison de Jean Yanne , alors que le monstre n'est pas encore arrivé, le reste de la famille accueille Duchaussoy et demarre une conversation d'abord sur la pollution puis ensuite sur la littérature et à ce moment dans le dialogue écrit par Paul Gégauff qui à souvent participé à l'écriture des scénarios de Chabrol mais qui était moins connu pour ses romans , une oreille fine entendra dans la bouche des protagonistes .

''-Que pensez vous de Gégauff ?? Bien sur personne n'en parle mais si on suit ce qu'il à écrit on peut se dire que son oeuvre est trés profonde , elle va loin !''

-Ah oui , oui ça va trés loin Gégauff .


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De Michel Perrin, le 29 mars 2008 à 16:34

J'apprécie moi aussi beaucoup ce film que je trouve très bon.Il u a cependant toujours une part de doute à la fin.En effet,on se demande un peu qui a vraiment tué "la bête".Est-ce vraiment le père ou bien le fils?On peut se poser indéfiniment la question.A mon avis c'est le fils qui semblait détester son père au point de le tuer.Cependant le courage du héros est très grand car il préfère s'accuser pour sauver l'adolescent.En fait,à la fin,on se demande si Michel Duchaussoy va vraiment se suicider comme on en a l'impression.


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De fernand, le 29 mars 2008 à 22:50
Note du film : 4/6

Pour moi , tout est clair: Le fils , haissant son père , s'en débarrasse sans remords…En ce qui concerne les très belles dernières images qui évoquent le suicide du Père , le doute ne peut demeurer car de doutes façons , sa vie sans son fils sera une prison. Et disparaitre au grand air du large , dans l'immensité océanique , reste la porte de sortie la plus belle pour un homme déjà mort….

Mais ce n'est que ma modeste interprétation…Et merci à "Sapia" pour la trés belle phrase de Shakespeare. Superbe !


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De Le cinéma de Papy, le 20 avril 2008 à 23:12

On pourrait aussi signaler une note d'humour qui vient briser la tension après la scène où Thénier est emmené au commissariat. De dos on aperçoit deux flics à leurs bureaux. Une voix dit "Espèce de vache!" On peut croire à une insulte aux policiers, mais la voix continue;"…en deux lettres!" Que le spectateur cruciverbiste qui n'a pas crié "Io" lève le doigt! Chabrol casse volontairement la tension de la scène précédente à seule fin de libérer le spectateur.


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De fretyl, le 26 juillet 2009 à 16:30
Note du film : 5/6

Dommage que le personnage qu'il tient soit si caricatural, ne recélant pas un soupçon de sympathie.

Noiret avait refusé le rôle pour cette raison. Jean Yanne était vraiment -le seul- acteur capable d'interpréter ce rôle. La caricature sans aucune délicatesse de la brute inculte est volontaire. La métaphore finale dressé par le film est un combat acharné entre l'homme civilisé (Michel Duchaussoy) et l'homme ne réagissant que sur ses instincts de plaisir (la bouffe, le cul) si le personnage de Yanne est à ce point grotesque et digne d'une BD de Plantu c'est bien évidemment volontaire.
Si Jean Yanne n'avait été rien qu'un peu sympathique la bête humanisée n'en serait plus une ; et le film n'aurait plus lieu d'être…


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De vincentp, le 26 juillet 2009 à 18:36
Note du film : 5/6

5,5/6 De mémoire, le film échappe aux clichés, et la mort du personnage principal -de mémoire- simplement annoncée cliniquement, sans vendetta sanglante. Le refus des conventions narratives classiques plonge ce récit dans un climat étrange, inquiétant, étouffant, de malaise existentiel, et c'est là que réside sa force. Pas de rédemption effectivement comme on le voit trop souvent dans les films américains. De mon point de vue, une réussite de Chabrol, et l'affirmation d'un style particulier qui a très bien marché dans les années soixante-dix.

Mais Chabrol aurait du prendre sa retraite depuis longtemps : ses derniers opus n'apportent rien à sa gloire de cinéaste, juste des subsides pour ses collaborateurs, dont plusieurs membres de sa famille. Je ne suis pas sûr que les jeunes spectateurs accrochent à ses derniers films. Je suis pour ma part parti avant la fin de L'ivresse du pouvoir, pâle prolongement de thèmes exploités jusqu'à la corde.


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De fretyl, le 26 juillet 2009 à 19:30
Note du film : 5/6

Ce qui aurait avantageux dans Que la bête meure c'est que Jean Yanne ne soit pas le bourgeois décadent que l'on a souvent rencontré chez Chabrol. Le film aurait gagné en force si Duchaussoy avait eu affaire à un vrai garagiste avec les mains dans le cambouis. Peut-être que le cadre social des milieux populaires aurait pu être une excuse à l'indécence de Yanne. Car il faut dire que sa personnalité ne colle pas vraiment avec l'univers dans lequel il vit.
En l'embourgeoisant Chabrol en a fait un salaud à part entière.


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De vincentp, le 26 juillet 2009 à 22:20
Note du film : 5/6

"sa personnalité ne colle pas vraiment avec l'univers dans lequel il vit." Ah bon ? Ceci contribue pourtant à bâtir cet univers étrange, ou des gens bien établis sont sous la coupe d'une crapule.

Frétyl, je crois pouvoir dire que je connais (ou ai connu) sa réplique contemporaine… Un type qui dirigeait une entreprise, nouant des relations commerciales avec des gens établis, puis ensuite se vantant "de les avoir bien niqués". C'est exactement le même type de personnage (rare mais que l'on peut rencontrer) : un vernis d'éducation, allié à des attitudes méprisantes et suffisantes. Probablement un arriviste, parti du bas de l'échelle, et qui s'impose dans la classe sociale supérieure.


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De Pianiste, le 12 mai 2014 à 09:46

Quand on évoque le cinéma de Claude Chabrol, on ne peut pas oublier Que la bête meure. C'est un de ses films les plus réussis. Michel Duchaussoy en père meurtri par la vie à la recherche de Jean Yanne représentant un être odieux est très émouvante. La superbe Caroline Cellier lui permettra de s'immiscer plus facilement dans la vie de celui qui a commis l'irréparable. Le fils du criminel le déteste et aimerait tant que son père soit "l'autre". A la fin, comme souvent dans les films de ce réalisateur, on peut se demander qui a vraiment empoisonné le scélérat: le père ou le fils…. Il y a toujours comme un doute qui subsiste, mais c'est étudié pour….

Le film est tendu du début jusqu'à la fin. On sent la haine qui ronge l'endeuillé, mais aussi l'amour qu'il éprouve pour cette femme et cet enfant qui lui rappellent que lui aussi a eu un jour une présence féminine et enfantine à ses côtés. Le duel entre les deux hommes est vraiment poignant. Et puis, comme il est si bien dit à un moment, le comble serait peut-être bien de se laisser accuser pour faire croire à son innocence.


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De JIPI, le 4 juin 2019 à 11:22
Note du film : 4/6

La vengeance la plus juste devient parfois la source des plus grands maux. Diderot.

Une vengeance qui tout en étant au départ légitime se transforme au fil d’une quête laborieuse en une sorte de rapport machiavélique entre un père accablé et un rustre millésimé.

Brutal et odieux régnant sur une maisonnée triste, lâche et servile désarticulée devant les dévastations quotidiennes qu’elle subit de la part d’un froussard, abject et prétentieux n’existant uniquement que par ses emportements injustifiés.

Un monstre vulnérable que l’on manipule tout en faisant semblant de se mettre en danger de manière à mieux le mettre sur le flanc par un faux pouvoir que l’on efface le moment venu.

Tout en restant déterminé un homme encore debout malgré l’immense tragédie qu’il vient de subir transforme une détermination naturelle en une transaction malsaine.

Supprimer un assassin oui mais de manière décalée tout en refusant d’en assumer les conséquences préférant laisser une descendance maltraitée payer à sa place une mise à mort que l’on a certainement soi-même opérée.

Une génération montante miraculeusement préservée qui tout en voulant par tous les moyens se soustraire d'une existence insoutenable n'hésite pas à se servir du paradoxe en sacrifiant son avenir dans une sorte d'offrande que l'on dépose devant un homme brisé.

Rattrapé par le repentir dont l’ultime décision est de laisser la nature décider de son sort.


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De verdun, le 16 juin 2020 à 18:09
Note du film : Chef-d'Oeuvre

C'est à la fin des années 1960 et au début des années 1970 que Claude Chabrol a tourné ses meilleurs films: La femme infidèle, Que la bête meure, Le boucher, Juste avant la nuit et Les noces rouges. Par un curieux paradoxe de l'histoire, la période pompidolienne a été la plus fructueuse de sa carrière.

Que la bête meure me semble le meilleur de tous ces titres car le plus tendu. On est pris à la gorge du début à la fin par ce suspens très fort et hélas, presque unique dans l'oeuvre du réalisateur. Avec ce film, Chabrol a réussi à faire jeu égal avec ses maîtres Fritz Lang et Alfred Hitchcock. La mise en scène est en parfaite adéquation avec le script diabolique de Paul Gegauff. Le scénariste de Plein soleil n'avait pas d'égal pour emmener le polar à la française vers les sommets. Certaines séquences sont sublimement écrites, notamment la voix-off finale.

L'interprétation est remarquable, mais si l'imaginaire collectif a retenu le numéro de Jean Yanne, on ne peut qu'être étonné par l'excellence de Michel Duchaussoy, qui a tourné avec les plus grands et a fait une belle carrière, mais rarement en tenant un rôle principal aussi fort. C'est lui qui porte le film sur ses épaules pendant une bonne heure, le personnage de la "bête" apparaissant assez tard dans le récit. Saluons aussi la présence de Maurice Pialat, étonnant dans le rôle du commissaire de police.

Certains moments atteignent des sommets, ainsi l'excursion en mer, une confrontation Yanne-Duchaussoy absolument glaçante. Une scène à montrer dans tous les cours d'art dramatique. Philippe Noiret, redoutant cette scène en bateau et l'ignominie du personnage avait refusé le rôle de la bête. Ce fut l'un des rares regrets de sa carrière. Il finira par tourner avec Chabrol Masques, film beaucoup moins réussi que Que la bête meure.

On peut penser que le personnage de Decourt, la bête, n'a rien d'humain et que cette caricature affaiblit le propos. Ce n'est pas mon avis: certes il est ignominieux et auteur du pire crime qu'on puisse imaginer, l'infanticide. Mais c'est quelqu'un qui aime la bonne chère, ce qui est un bon point dans l'univers chabrolien. C'est quelqu'un qui sait faire preuve d'intelligence lorsqu'il réussit à s'emparer du journal de Ténier-Duchaussoy. Enfin, les gens qui forment son clan semblent à peine meilleurs que lui. Mais tout cela n'engage que moi.

De mon point de vue, la seule faiblesse du film est peut-être la scène où Ténier retrouve trop facilement la voiture de la bête, d'autant qu'un acteur prend un accent breton un peu bizarre… mais il ne s'agit que de quelques minutes sur 1H50.

Quoiqu'il en soit, Que la bête meure est le plus puissant de tous les Chabrol. Un chef-d'oeuvre du cinéma français et du thriller psychologique.


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