Je viens d'entendre dire beaucoup de bien de cette comédie/tragédie de Vittorio de Sica avec Alberto Sordi
et Gianna Maria Canale.
Le manque de Sordi
(une affection psychosomatique pas moins redoutable que le "syndrome de Stendhal") a fait le reste et me voici, bulletin de vote en main. Attendez voir… je le glisse par la petite fente… et voilà !
Bon, je viens de lire encore plus de bien au sujet de Il Boom. C'est une comédie à l'italienne sur un type au bord de la ruine – Alberto Sordi
! – qui, pour maintenir son niveau de vie et garder sa femme – Gianna Maria Canale
! – accepte de vendre un de ses yeux. Ce serait un des sommets du genre que ça ne m'étonnerait pas… Il me faut ce film. Et vous, lecteur qui passez, vous ne le savez pas encore, mais il vous le faut aussi !
Je concocte de ce pas un petit résumé.
Merci Arca d'écrire ce résumé ca m'évitera de l'écrire.
C'est une très bonne comédie que j'ai trouvé parfois un peu trop excessive, caricaturale dans son propos.
Pour décrire cette période italienne du boom et sur un thème un peu similaire, je préfère une comédie dramatique avec Alberto Sordi Il Maestro di Vigevano qui laisse son travail d'enseignant qu'il adore sous la pression de son épouse qui désire s'enrichir.
Nous avions récemment une conversation sur dvdtoile au sujet des comiques français de l'époque, tels Fernandel et Bourvil
: comme ils étaient grands, disions-nous, mais comme on leur a souvent fait tourner des niaiseries !
Sans exclure qu'Alberto Sordi ait aussi tourné des niaiseries au cours de sa longue carrière, disons-le : c'est vraiment formidable comme ce comique et roi du box-office italien a été mieux servi. Et on peut s'en rendre compte via une série de rééditions récentes sur DVD – La Grande guerre,
Le Veuf,
Une Vie difficile,
Le Commissaire,
Il boom,
(en attendant ceux qui manquent toujours au bataillon : La Grande pagaille,
Le Vigile,
L'Homme de la mafia
…) tous échelonnés de 1959 à 1963, période qui marque la première explosion de la comédie à l'italienne.
Ça se voit d'autant mieux lorsqu'on compare la carrière de Sordi avec celle de Fernandel, dont l'emploi, dans certaines comédies, n'était pas si éloigné : ainsi dans L'Homme à l'imperméable ou La Vache et le prisonnier,
il apparaît à son meilleur dans l'art, difficile entre tous, du tragicomique. Si un film comme Il boom
avait été tourné en France plutôt qu'en Italie, Fernandel aurait pu en être l'interprète idéal.
À leur premier essai dans le genre comédie grinçante « à l'italienne », le réalisateur De Sica et son scénariste Zavattini
semblent comme des poissons dans l'eau et se plient sans difficulté aux règles et au rythme du genre. Au fond, c'est je crois parce que la célèbre recette leur permet de poursuivre un discours déjà entamé auparavant sur le destin « économique » de l'Homme qui plombe son destin tout court. Sauf que le sujet, ici, n'est plus la misère tragique d'Umberto D
dans l'Italie famélique de 1951, mais plutôt la ruine auquel un chevalier d'industrie habitué au luxe (Alberto Sordi) est acculé vers 1963, lorsque le boom économique italien commence à s'essoufler. Pour traiter d'une telle situation, l'ironie et la satire sont sans doute mieux indiqués que le drame – même si on se doute bien que les critiques français et italiens de l'époque n'étaient pas de cet avis.
Certes, il faut une entrée en matière assez longue pour bien nous persuader que l'affairiste Alberti – un ex fonctionnaire qui s'est lancé à son compte avec l'arrivée du boom – a d'abord épuisé toutes les possibilités d'aide financière, avant d'être confronté à la terrible proposition : vendre un de ses yeux pour maintenir son niveau de vie !! Un thème dur, grinçant, voire glaçant – bref, typique de ce genre qui se nourrit de tout ce qui n'est pas drôle pour nous faire rire. Aussi prenant que grotesque, l'acteur est ici au sommet de son art et ses acolytes ne se laissent pas manger la laine sur le dos, à commencer par Gianna Maria Canale, qui dans une de ses rares échappées hors du peplum (et aussi un de ses derniers rôles) compose finement son personnage d'ambitieuse sans tomber dans la caricature, montrant ainsi qu'elle avait bien d'autres cordes à son arc. (Ce qui n'empêche pas qu'on l'attend toujours dans Théodora, impératrice de Byzance
!)
La réalisation discrète et efficace de Vittorio de Sica convient parfaitement au ton de ce divertissement grinçant et révélateur, qui fait jeu égal avec les maîtres du genre à l'époque, Risi,
Monicelli
ou Comencini
: Il boom
est un vrai classique de la comédie à l'italienne.
Pas mal du tout le thème ! Alberto Sordi, comme symbole de l'Italie émergente, était extraordinaire dans Une vie difficile
; je ne doute pas que dans Il boom,
il donne cette même sensation de malaise excitante qui est le propre de la comédie italienne…
Je soupçonne un peu Arca d'être vaguement de parti-pris en collant un 5 à Il boom qui ne reçoit de ma part qu'un 4 assez complaisant et où je ne retrouve pas, malgré l'ingéniosité de l'idée de départ, la féroce et tendre cruauté de la comédie italienne.
Je ne reconnais d'ailleurs pas trop, non plus, la patte de Vittorio De Sica, dont les meilleures réalisations me semblent bien plus réussies quand elles touchent au drame (du Voleur de bicyclette
au Jardin des Finzi-Contini
en passant par Umberto D)
que lorsqu'elles sont tournées vers la comédie (j'ai un souvenir mitigé de Hier, aujourd'hui et demain
et je n'ai pas trouvé Sept fois femme
bien convaincant).
Et parce que le flot montant des dettes contractées ici et là le submerge, que personne ne peut plus lui faire confiance, il accepte de vendre un de ses yeux à un de ces Commendatore d'industrie durs au travail et carré en affaires qui ont fait le tissu industriel de l'Italie, sans toujours y mettre des gants.
L'outrance même d'un scénario ainsi traité en comédie la fait confiner à la fable, et même aussi un peu, à la fin, à la farce ; ainsi lorsque Giovanni Alberti (Alberto Sordi), terrifié par le contrat qu'il a signé, s'enfuit de la clinique énucléatrice et se jette dans la circulation : il y a là une scène qui m'a fait songer aux films burlesques muets étasuniens dont je ne fais vraiment pas mon miel, avec des gens qui courent de partout comme dans un Mack Sennett.
Et comme c'est trop hénaurme, on n'entre pas vraiment dans le jeu : on a basculé dans l'allégorie, ce qui n'est le cas ni dans Le pigeon, ni dans Le fanfaron,
ni même dans Les monstres,
toutes comédies italiennes de l'époque. On n'arrive à croire ni en l'amour passionné d'Alberti pour sa femme, ni à la crudité de la transaction.
Sa femme adulée, Silvia, c'est Gianna Maria Canale à la grande beauté qui, curieusement, abandonna le cinéma peu après Il boom
à 37 ans, et vécut, paraît-il, terrée sans jamais sortir de chez elle, à la Greta Garbo
(une légende urbaine prétend qu'elle aurait été défigurée par un accident de voiture). Enjouée et ravissante, elle prouve qu'elle pouvait n'être pas confinée aux péplums et aux films d'horreur, où on la consomma beaucoup (il faut que je m'offre pour Noël Les Vampires
de Riccardo Freda,
qui fut son compagnon !).
Pour l'anecdote, et pour relativiser les perspectives contemporaines, j'ai bien médité à une apostrophe du général, beau-père de Giovanni, à je ne sais plus quel propos : En Russie, on manquait de pain, mais pas de caviar ! ; il fait évidemment allusion à la présence sur le front de l'Est d'un contingent italien. En 1963, ce genre de propos ne choquait personne. Je n'ose penser le tollé que l'idée même qu'un protagoniste – au demeurant assez peu intéressant, mais nullement antipathique – ait pu combattre aux côtés de l'Allemagne nazie susciterait aujourd'hui !
C'est une fable, une parabole en effet (comme le sera plus tard L'argent de la vieille). L'aurais-je surévalué ? C'est possible, après tout. Mais si tel est le cas, le vrai coupable en est sûrement Alberto Sordi
!
Vous avez raison, Arca, L'argent de la vieille est aussi une fable ; mais, sans doute du fait de ses péripéties et rebondissements, on croit davantage, et on suit les parties de scopone scientifico comme on suit celles de baccara de Goldfinger
ou de poker de Cincinnati kid
!
En tout cas, nous communions dans l'admiration du jeu formidable d'Alberto Sordi !
Monicelli dit de lui : « Un comique capable d'aller à l'encontre de toutes les règles du comique. »
Ceci s'explique par quatre facteurs:
1) La composition juste et sobre de Sordi dans un rôle difficile de businessman ruiné.
2) Le caractère moderne de la satire de la société consumériste. Tout se vend y compris des yeux.
3) L'alliance réussie entre la comédie italienne grinçante accentuée par un sujet à la Ferreri et le sentimentalisme typique de De Sica
qui s'exprime ici par le bel amour qu'éprouve Giovanni Sordi
pour Silvia Canale.
4) Une belle mise en scène alliée à une superbe photo en noir et blanc.
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