Pourquoi voter pour l'édition en DVD d'un film qu'on n'a jamais vu ? Parce que Claude Autant-Lara est un grand réalisateur et qu'Odette Joyeux
a le visage le plus charmant du cinéma français, avec celui de Danielle Darrieux.
Ce n'est pas suffisant, ça ?
Alors, aussi, peut-être, parce que les livres de Sibylle Riquetti de Mirabeau, comtesse de Martel de Janville -Gyp, en littérature – ont été, au début du dernier siècle de petits chefs-d'œuvre aujourd'hui totalement désuets et que cette désuétude même vaut la peine qu'on s'y replonge…
C'est un très joli film,très bien interprété par Odette Joyeux, Jacques Dumesnil, André Luguet.
C'est aussi une étude de mœurs et une analyse sociale. C'est l'œuvre d'un grand metteur en scène.
J'aimerais découvrir ce film dont on m'a tant parlé.
Il y aurait un parallèle très intéressant à dresser : celui du Mariage de Chiffon et de Douce,
tous deux de Claude Autant-Lara,
tous deux adaptés d'un roman par le même Jean Aurenche,
avec la même Odette Joyeux.
Le cadre des deux films n'est pas absolument le même, ni tout à fait la période : 1889 et Paris pour Douce, 1904 et une province mal identifiée (une étouffante petite ville de garnison – mais quelle bourgade ne l'était pas avant 14 ? -) pour Le mariage de Chiffon.
Mais on retrouve presque les mêmes personnages : une très jeune fille un peu effrontée, un peu rebelle, entourée d'un père, ou d'un beau-père indulgent (Jean Debucourt
ici, Louis Seigner
là), d'une grand-mère ou d'une mère autoritaire (Marguerite Moreno
ici, Suzanne Dantès là), des serviteurs qui ont vu naître la petite et donneraient leurs yeux pour elle (Gabrielle Fontan
ici, Pierre Larquey
là). Et, naturellement, un amoureux aimé depuis la petite enfance (Roger Pigaut
ici, Jacques Dumesnil
là).
Pourtant il y a dans bien des séquences, au fond des yeux immenses d'Odette Joyeux toujours la même gravité triste ; comme la Cécilia d'Entrée des artistes,
la Marie-Dorée du Lit à colonnes,
l'Elfy du Baron fantôme,
l'Anna de La ronde,
il y a quelque chose de fêlé, d'abimé déjà dans ce visage-là, et de façon si forte qu'on en vient presque à oublier que dans Le mariage,
elle interprète une adolescente de 16 ans, alors qu'elle en a déjà 28.
C'est un bon film, Le mariage de Chiffon ; mais la noirceur profonde d'Autant-Lara
ne s'y voit qu'à peine.
Une première version du MARIAGE DE CHIFFON fut tournée en version muette, ving-quatre ans auparavant, par Alberto-Carlo Lolli. Il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de la Comtesse de Martel, dite " Gyp ".
Outre une alléchante distribution qui tient toutes ses promesses – la pimpante Odette Joyeux, l'inénarrable André Luguet, ainsi que Louis Seigner, Larquey, Dumesnil, Le Vigan et Bernard Blier ( du temps qu'il était plus mince ! ) – le principal intérêt de cette charmante comédie est, pour le cinéphile littéraire, la déclinaison de l'intrigue autour du mythe de la Cendrillon, mais ici les enjeux sont inversés : ce n'est plus le souillon qui aspire à être une princesse, mais la jeune aristocrate qui aspire à la vie de souillon. Vecteur de cette amusant clin d'oeil au monde des contes de fées : le fameux soulier conservé par le Duc.
Il peut s'ensuivre une certaine interprétation de la notion d'" identité " : du fait même qu'il s'agit de son oncle, l'on pourrait en déduire qu'on ne devient, malgré tout… que ce qu'on est déjà soi-même, et que l'excentricité peut parfois n'être qu'un moyen à découvrir le bonheur au sein de sa propre nature.
Ce petit bijou est signé Claude Autant-Lara et préfigure certainement le chef-d'oeuvre qui va suivre : DOUCE.
Page générée en 0.0052 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter