L'hétéroclite, le biscornu, le parodique font bon ménage chez lui avec la règle et l'ordre ; c'est ainsi que
La Pléiade présente les
Œuvres complètes de
Raymond Queneau
dans la célèbre collection. Est-ce que les textes de ce funambule touche-à-tout sarcastique et spirituel sont adaptables au cinéma ? Je n'en suis pas convaincu. Déjà l'adaptation par un grand réalisateur,
Louis Malle,

de son roman le plus célèbre,
Zazie dans le métro
m'avait paru bien à côté de la plaque et très décevante, ennuyeuse même. Le film a connu pourtant un bien grand succès. Mais que dire alors de ce
Dimanche de la vie
mis en scène par le bien moins notoire
Jean Herman
?
Ce qui m'empêche de jeter tout à fait
Le dimanche de la vie
aux orties que par ailleurs il mérite est la présence à l'écran de deux des plus merveilleuses et ravissantes actrices que le cinéma français ait compté,
Danielle Darrieux
et
Françoise Arnoul.

L'une et l'autre ayant beaucoup tourné, à notre grand plaisir, il est possible qu'elles aient figuré ensemble dans un autre film. En tout cas je n'en ai pas souvenance. Là, elles sont sœurs et ont l'une avec l'autre des relations assez exactes, me semble-t-il, nourries à la fois de complicité, de chamailleries, de retrouvailles et d'envies.
Sans que rien ne soit précisément explicité, Julia Ségovie (
Danielle Darrieux)

, mercière dans le gros bourg du Bouscat (Gironde) décide d'épouser, simplement parce qu'il lui plaît et qu'elle l'a choisi, le soldat Valentin Bru (
Jean-Pierre Moulin)

, à la grande surprise de sa sœur Chantal (
Françoise Arnoul,

donc) et de son beau-frère Paul Brélugat (
Olivier Hussenot).

Valentin a quinze ans de moins que son épouse, mais ça ne paraît pas avoir la moindre importance.
Ce qui peut passer grâce à la magie élégante de l'écriture dans un texte ne fonctionne malheureusement pas toujours à l'écran. Les relations qui s'établissent entre les deux couples, le singulier voyage de noces à Bruges du seul Valentin – car la nouvelle épousée Julia croit devoir conserver la garde de la mercerie -, la décision de Julia de se lancer dans la voyance – car elle a de temps à autre des visions -, la mise en route d'une petite entreprise qui spécule sur la crédulité et la stupidité humaines, le mince fourmillement (je sais ! oxymore ; et alors ?) des personnages adjacents (Paulette Dubost,
Jean Rochefort,
Hubert Deschamps,
Paul Crauchet,
Henri Virlojeux)
, tout cela dépasse ma mince faculté de comprendre et de conter.
On passe donc tout le film à attendre la prochaine séquence qui, espère-t-on, remettra les choses à l'endroit et donnera un peu d'ordre à ce monumental chaos. On attendra longtemps et lorsque le mot
Fin apparaît, on n'est pas plus avancé. Tout au plus remarque-t-on ici et là une formule amusante du type
Je surveille le Temps et parfois je le tue, mais à vrai dire je suis bien incapable, vingt quatre heures après avoir vu le film, de me rappeler qui l'a dite et dans quelle circonstance.
Les flâneries au hasard sont souvent bien décevantes.