Le scénario qui, à travers l'ascension sociale de Lat Evans, dresse une satire grinçante de l'arrivisme et du rêve américain, est excellent. On retrouve certaines obsessions chères au réalisateur: l'ambivalence des êtres, la méchanceté et la noirceur de l'âme humaine, l'affrontement entre deux caractère forts se disputant la même femme, ici Lat et Jehu, affrontement qui ne peut que tourner au tragique…
Le casting est parfait puisque Don Murray qui vient de nous quitter, rend justice à un rôle particulièrement complexe et difficile: il est aussi convaincant en frêle cowboy qu'en politicien froid et calculateur prêt à tous les renoncements. Son ami trahi Stuart Whitman, son amour trahi Lee Remick et le méchant de l'histoire Richard Egan sont également impeccables.
Maître incontestable du cinémascope, Richard Fleischer signe une fois de plus une mise en scène remarquable. Certains morceaux de bravoure sont particulièrement mémorables: le dressage d'un cheval, la pendaison d'un voleur, ou encore le duel final qui a donné son titre français au film. Les intérieurs, notamment le saloon et la maison de Callie, sont filmés avec une étonnante recherche. Les lignes droites, les quadrillages parfaits et les couleurs primaires prédominent: Fleischer disait s'est inspiré du style du peintre abstrait Mondrian, créant ainsi une étonnante fusion entre l'art moderne et le Hollywood classique !! Alors qu'est-ce qui cloche dans Duel dans la boue et provoque une moue dubitative auprès de bien des cinéphiles (comme le montre la moyenne de 2,9/5 qu'il récolte sur allociné par exemple) ? Peut-être que la concision du film (92 minutes) empêche, comme dans d'autres films de Fleischer, la psychologie de se développer. Peut-être que la principale qualité du film, sa peinture féroce de l'arrivisme est en même temps son principal défaut: Lat Evans, arriviste de plus en plus forcené, provoque une absence d'empathie qui empêche le spectateur d'adhérer totalement au récit. Dans des films de serial-killer comme l'etrangleur de Boston et l'étrangleur de Rillington place , la mise au premier plan d'un personnage peu sympathique est compréhensible mais dans un genre lyrique comme le western, elle est sans doute plus difficile à avaler…3,6/6. C'est plus un drame psychologique qu'un western, même s'il se déroule dans le Montana. Bien filmé (variété des plans, plans-séquence -comme celui superbe dans le saloon, fortes contre-plongées doublées de champ -contre champ…). Des décors assez sophistiqués en lien avec l'intrigue (la tapisserie rouge vif du saloon, par exemple, ou les étonnants vitraux colorés). L'intrigue est intéressante (dressant le procès de l'arrivisme), de bons acteurs (Lee Remick, Don Murray, Richard Egan parfait dans le rôle de la crapule…). Des séquences étonnantes (Lee Remick cachée dans sa chambre, par exemple).
Mais Duel dans la boue nous laisse sur notre faim. On en très loin de la qualité des meilleurs films réalisés par Richard Fleischer (Vingt mille lieues sous les mers, L'étrangleur de Boston, L'étrangleur de Rillington place, Barabbas, Terreur aveugle, Les vikings, de mon point de vue). Le scénario accuse certaines limites. Les terres de l'ouest font office de cartes postales. Cette histoire manque de rythme et est légèrement ennuyeuse par moments (un peu trop académique ?). Mais n'exagérons rien : bien que mineur, Duel dans la boue fait partie des oeuvres à voir.
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