La grande force du film, outre ce rythme implacable tient dans la richesse du scénario qui revêt des allures de fable: fable sur l'invincibilité du capitalisme us mais d'autres significations ne sont pas à exclure. Le cinéma-lá répond à un rêve de cinéphile: faire réfléchir tout en divertissant.
Le quatuor d'acteurs est parfait: mention spéciale pour Silvana Mangano, actrice versatile aussi crédible ici en prolétaire qu'en grande bourgeoise dans Violence et passion.
Le film possède ce côté libre et grinçant qu'on attend des grandes comédies transalpines mais avec ce ton plus humain qui n'appartient qu'á Comencini. Cf la description des bidonvilles réaliste mais plus douce que dans le Affreux, sales et méchants de Scola.
Le film, de par son côté allégorique et sa vigueur n'a rien perdu de son efficacité. Raison de plus pour déplorer comme feu pmjarriq, un dvd boueux qui date inutilement ce film intemporel.
L'argent de la vieille n'est sorti en France qu'en novembre 1977, alors que le film date de 1972. On ne peut évidemment pas éviter de se poser la question de savoir si le grand succès d'Affreux, sales et méchants, de Scola, prix de la mise en scène à Cannes en 1976 n'a pas permis au film de Comencini une sortie, certes tardive, mais qui n'était peut-être pas prévue à l'origine. Je serais en tout cas preneur de toute anecdote ou historiette là-dessus.
Les rapports entre les deux sont de l'ordre de l'évidence, même si les deux récits ne filment pas exactement les mêmes réalités, les sous-prolétaires de Scola me paraissant un ou deux degrés au-dessous, dans la pauvreté et la pouillerie de ceux de Comencini, qui sont davantage que des résidus sociaux, de très pauvres gens plutôt attachants.
Mais enfin, c'est la même Italie misérable des laissés pour compte de l'expansion économique, des îlots abandonnés des marges de la ville, qui ne sont pas parvenus à monter dans le train de la prospérité et qui ne peuvent pas y aspirer sauf gain miraculeux sur le sort, le million de l'assurance pour l'un, le succès aux cartes pour l'autre.Et dans l'une et l'autre film, il y a cette drôle de figure de la grande fille sage, qui se lève tôt, mouche et torche les marmots, accomplit sans se plaindre sa lourde besogne de bête de somme vouée depuis l'éternité à éponger toutes les saletés de la vie. Dans Affreux, sales et méchants, la fatalité ne la lâche pas : la dernière séquence, désespérante, la montre lourdement enceinte, déjà prête à perpétuer un destin sans fuite possible ; dans L'argent de la vieille, c'est assez différent : c'est elle qui a confectionné le gâteau au poison qui va rompre la folle chaîne de l'espérance ; cette petite Cléopâtre au front buté, pensif, à l'œil sec (Antonella Demaggi), à qui son père a dit, au tout début du film : Pourquoi es-tu si triste ? Ris de temps en temps !… Est-ce qu'elle va pouvoir un jour s'en sortir, elle ?
Je n'éviterai pas l'iconoclasme en avançant que le personnage joué par Bette Davis est un peu en retrait sur ce qu'on pourrait en attendre ; il manque de cruauté et de fièvre méchante, de la folie qu'on trouvait si bien dans Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? ou dans Chut… chut, chère Charlotte. En revanche, j'ai trouvé drôlement bien Joseph Cotten, mi-gigolo, mi-majordome, réunissant un peu les deux personnages masculins du Boulevard du crépuscule de Billy Wilder, inspiration vraisemblable, toutes choses égales par ailleurs…Silvana Mangano éclatante mondine de Riz amer, est éblouissante de talent en ménagère vidée par la vie de misère, dans un de ses derniers films; Alberto Sordi en fait, à mes yeux, un soupçon de trop, mais demeure un acteur inoubliable ; la musique de Piero Piccioni est très réussie…
Quel dommage que le DVD, paru chez un éditeur qui ne nous avait pas habitué à de si mauvais coups, soit lamentable, pisseuse, verdâtre, honteuse…
Merci Arca pour avoir reproduit les idées de ce talentueux cinéaste italien.
Comencini a raison de faire confiance davantage à sa persuasion artistique/émotionnelle car son discours ne m'a absolument pas convaincu, doux euphemisme.
Reste que si son impact est souvent plus grand avec l'émotionnel, il controle moins bien le sens des idées induites de ces émotions. Une preuve ? lisez les réactions de spectateurs d'un film chargé fortement émotionnellement et celle d'un documentaire rigoureux.
Un film avec une argumentation solide et assez neutre emotionellement me laisse davantage reflechir sans interferences et mes conclusions sont souvent meilleures et plus durables. Les gens se rappellent de films qui les ont choqués émotionnellement et puis apres ? Un artiste est souvent plus compétent à sentir et diffuser des émotions qu'à correctement penser et raisonner sinon il aurrait choisi une autre profession. (il y a bien sûr les exceptions comme un Leonard de Vinci génial en art comme en science). Le cinéaste est souvent plus populaire que le scientifique ou le philosophe mais malheureusement il fait peu avancé la qualité des idées sauf qu'il sait mieux les diffuser en les rendant plus presentable/séduisante à la masse.
A chacun son style et ses outils.
« "…car c'est un cinéma de personnages et non un cinéma d'idées." La différence m'échappe un peu, Arca. »
Jean GILI : « Vous avez dit : "Un film doit éveiller des sentiments et non pas exposer des idées, parce que les idées viennent à la suite des sentiments et non vice-versa."
Luigi COMENCINI : « En effet. Je ne crois pas qu'un film ouvertement engagé ait changé les idées d'un seul spectateur. Je crois au contraire qu'un certain type de film met le spectateur dans un état d'âme qui lui permet peut-être – je dis peut-être – de se trouver dans des dispositions légèrements différentes pour être sensible à des problèmes qu'autrement, il aurait ignorés. Je crois que c'est le maximum qu'on puisse atteindre; le reste n'est que stupidité. C'est pour cela que j'aime beaucoup La Grande pagaille (…) Je crois que l'oeuvre d'art agit toujours parce qu'elle trouble la conscience et on ne la trouble pas avec des idées mais avec les émotions données par la participation active du spectateur au sujet du film. Je ne crois pas à la dénonciation. »
(Extrait d'une entrevue avec Jean Gili publiée dans : "Le Cinéma italien", coll. 10/18, 1979)
Un public nombreux se presse pour la reprise de ce film (les salles d'art et d'essais ne se portent donc pas si mal avec un beau programme), qui cerne bien le sujet des rapports de classe, la place de l'argent dans la société. Et bien sûr, l'interprétation est exemplaire, avec Sordi en tête. Un humour cynique omniprésent… On rit, mais pas tous au même moment, preuve de la diversité de son style… Un classique, très professionnel à tous les niveaux, qui fait mouche à tous les coups, mais là aussi, on peut toutefois préférer à cette excellente comédie dramatique d'autres films de Comencini… Simple question de goût !
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