Le scénario de Frank S. Nugent semble porté par John Agar et Henry Fonda, emblématiques soldats inexpérimenté et vétéran de la cavalerie des Etats-Unis. Fonda interprète un personnage complexe, imprégné des règles de l'armée, rigide, aigri par sa mise à l'écart des centres de commandement, mais aussi officier droit, homme sociable et bon père. Progressivement, de façon exponentielle, c'est le capitaine York (John Wayne) qui s'impose comme figure centrale du récit. Wayne voit le visible et déchiffre l'invisible : guerriers indiens aguerris cachés derrière les rochers, soutenus par femmes et enfants. L'argumentaire employé par les auteurs de Fort Apache (1948) place sur un piédestal Wayne : paroles mesurées, attitudes pondérées, regards droits et honnêtes, actions courageuses. Wayne acquiert une stature divine, défiant le temps et l'espace lors de la traversée du désert et du franchissement du grand canyon, à la rencontre de son alter ego, Cochise.
La mise en scène de John Ford s'impose sur la durée comme l'expression très personnelle d'un auteur. La communauté est organisée et soudée, avec une touche de désordre en son sein : regard convergents des femmes, "quadrille" millimétrée au sein de la salle de célébration, mais aussi beuveries et plaisanteries des officiers irlandais. Les batailles entre soldats et indiens n'intéressent guère Ford et sont traitées comme pour The Searchers ou She Wore a Yellow Ribbon par des charges stylisées, déroulées à toute vitesse. Les décors minéraux, secs et poussiéreux de Monument Valley servent de cadre à des démarches structurées de personnages en quête de buts existentiels individuels et collectifs. Il s'agit de fonder un foyer, de s'amuser entre amis, ou de maintenir l'autorité de l'Etat sur le territoire. Ces actions ordinaires et anonymes aboutissent à la construction de la nation américaine, loin des discours ronflants entretenus par quelques figures ambitieuses et égocentrées.
Il fait bon de revoir de tels classiques pour en apprécier la beauté, formelle, et la qualité des développements, cernant remarquablement bien les rapports humains, au sein d'une micro-société (la séquence du bal est magnifique tant sur le fond que sur la forme)… Ce film se bonifie avec le temps ! De mon point de vue, un chef d'oeuvre absolu.
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