Je me souviens avoir ressenti un vrai choc en voyant "Heat" à sa sortie. Comme si Jean-Pierre Melville revenait d'entre les morts, avec les moyens techniques du 21ème siècle. Délibérément mythologique, traitant ses stars comme des demi-dieux jumeaux, condamnés à s'affronter ("Il ne pourra en rester qu'un", comme disait l'autre), "Heat
" est un "sur-polar" comme "Il était une fois dans l'Ouest
" était un "sur-western". Même ambition démesurée chez Mann et Leone,
même défi de transcender des genres usés jusqu'à la corde, même façon de filmer les acteurs comme s'ils voulaient les figer pour la postérité.
Puisqu'une réédition du film s'annonce pour bientôt, il sera temps de revoir "Heat", de le réévaluer, peut-être, dans un sens comme dans l'autre et surtout de profiter de ce qui semble être le chant du cygne de De Niro qu'on a rarement vu meilleur (en dehors de ses films avec Scorsese)
et l'aboutissement du style Michael Mann,
qu'on a un peu perdu ces derniers temps.
La fin du film me laisse vraiment une impression étrange:Pacino tue De Niro.Or depuis on sait que Pacino poursuit une belle carrière alors que De Niro ne tourne que des navets – ou presque…..
Tout à fait d'accord avec cette remarque : c'est d'ailleurs un des facteurs qui fait que le film a une telle résonnance. Pacino tient toujours la rampe avec une dignité totale (si on passe pudiquement sur "People I know"), tandis que De Niro n'est plus qu'un acteur à tout faire, sans état d'âme. Et pourtant, à bien y regarder, c'est quand même lui qui sortait vainqueur de "Heat
". Comme quoi…
Ce fim est une perfection absolue, qui ne fait que se bonifier avec les années. Outre les deux stars au sommet, les seconds rôles sont extraordinaires : Sizemore accro à l'adrénaline, Ashley Judd
tout en ambiguïté, le génial Ted Levine
en flic malchanceux, Haysbert
(le président Palmer de 24 heures chrono,
méconnaissable), Natalie Portman
encore ado, etc. C'est un feu d'artifice. Dire que tant de films se sont réclamés de Heat,
ces dernières années (comme 36 quai des orfèvres,
par exemple), en revoyant le film de Mann,
c'est presque comique.
C'est vrai que Heat est vraiment un film d'anthologie. Mais alors "The Insider" (révélations) m'a vraiment collé à mon fauteuil quand je l'ai découvert, je l'ai ensuite revu deux fois coup sur coup sans me lasser une seconde, un pur plaisir. Russel Crowe est colossal d'intensité et Pacino comme d'hab, parfait.
Quand j'y pense, il fallait tout de même une sacré poigne et une bonne dose de courage à Michael Mann pour réaliser ce projet.
Réunir des acteurs réputés pour avoir un fort caractère tels que Robert De Niro, Al Pacino
et Val Kilmer
sur un même plateau. J'imagine que l'ambiance devait être parfois tendue pendant le tournage.
De plus, faire s'affronter deux monstres sacrés du cinéma américain dans cette fresque urbaine, les faire se rencontrer à l'écran pour la première fois (n'évoluant pas dans la même époque dans Le Parrain 2), cela devait susciter des attentes énormes de la part du public et des producteurs. Mais malgré toutes ces pressions, Mann ne cède pas, les producteurs veulent plus de scènes commune à De Niro et Pacino… Pas question, car toute la construction du film est basée sur cette symétrie entre les deux personnages et même si (ou parce que) cela a un coté frustrant, Michael Mann ne fera jamais apparaitre clairement les deux visages dans le même cadre (si si, vérifiez…). Certain en ont même conclu que les scènes communes aux deux personnages ont été tournée avec des doublures pour celui de dos quand l'un est de face, ce qui est évidemment complètement faux.
Mais Mann ne s'attarde pas seulement sur ces deux principaux personnages, il prend le temps d'approfondir la psychologie et consistance des autres comme Chris, flambeur maladif et ses problèmes de couple (Val Kilmer excellent), la belle fille d'Hanna adolescente et mal dans sa peau, l'ancien taulard en conditionnelle qui essaie de s'en tirer honnêtement en se faisant exploiter dans un restaurant, jusqu'à Waingro le tueur psychopathe excité par le sang en passant par tous les autres Cherrito, Van Zant, etc…
Tout ce soin porté à chaques détails confère à Heat une puissance, une forme de réalisme, tellement bien dosé dans l'action que le film ne tombe jamais dans le grossier, le mélo pathetique ou encore l'invraisemblable. Le scénario étant tout de même basique, cela aurait pu donner lieu à un film d'action bourrin et lourd, mais heureusement, le talent de Mann est indéniable.
Inutile de rabacher toutes les autres qualités (visuelle, mise en scène, choix des décors, etc…) de ce réalisateur que j'ai déjà encensé récemment sur les fils de Miami Vice et Collatéral,
inutile de dire aussi que la scène de fusillade en plein centre ville est surement la plus impressionnante que j'ai vu au cinéma, avec tous ces figurants terrorisés, ce bruit assourdissant des mitraillettes, on s'y croit…
Voilà, c'était pas si dur de faire court finalement…
Je vous conseille de vous procurer "L.A. takedown", un téléfilm réalisé par Michael Mann,
sur le même scénario que Heat.
Sans acteur connu, avec des moyens de télé, la comparaison est passionnante. D'un simple polar stylé de 1 H 40, Mann signe un monument de 3 H, avec à peu près les mêmes péripéties. Le film est facilement trouvable en Angleterre, à condition de maîtriser la langue, bien sûr.
Merci du conseil PM Jarriq, de toute façon, tel que je suis parti, je vais essayer de me procurer toute la filmo de Mann, je n'ai toujours pas vu non plus Thief,
The Keep,
Jericho Mile
mais aussi Le dernier des Mohicans
qu'il va falloir que je redecouvre dans des conditions optimales…
J'ai découvert ce film il y a quelques jours à peine . Je n'ajouterai rien aux louanges déjà imprimées sur ce forum et je vais me procurer cette merveille absolue en dvd.
Je reviens un instant sur ce que dit Lych666, à propos des rumeurs circulant sur le fait que, dans la scène de la rencontre entre Robert De Niro et Al Pacino, il pourrait s'agir de figurants employés pour les champs/contre champs. Je ne pense pas, moi non plus, que ce soit vrai.
Mais, à moins que ma mémoire ne me joue des tours ou que je ne sois pas trés bien rétablie, j'ai vague souvenir qu'il y a fort longtemps ce ça, un film Américain fût tourné avec deux énormes stars se détestant. Jack Palance, Kirk Douglas, entre autres ?? …Je ne sais plus. Mais il a été dit par le réalisateur lui-même que ces deux monstres sacrés ne s'étaient jamais croisé sur le plateau et que les scènes ou on les voit tous deux étaient des montages astucieux.
L'un d'entre vous se souvient il de ce film ? Il y a bien longtemps que je cherche à savoir si j'ai rêvé ou si tout cela est réel ! Merci de me répondre…
Bien sûr que ç'a existé ! Et ce type de détail est même quelquefois particulièrement hilarant ! Mais, de grâce, restons plongés dans l'action du film !
En ce qui me concerne, je l'ai déjà évoqué, j'éprouve une grande difficulté à noter ce film. Je vais d'un extrême à l'autre selon le sujet que j'aborde !
Droudou, si tu as du mal à noter le film, regarde-le à nouveau, tu ne seras pas déçu ! C'est un sommet absolu de polar "à la Melville" , ou la fascination flic/truand se mue en admiration réciproque. Lorsque j'ai vu le film pour la première fois en 2001, à 16 ans, époque à laquelle je regardais surtout des blockbusters décérébrés j'avais été mitigé : trop long, pas assez d'action…
Revu récemment, il me se semble être au contraire un véritable chef d'oeuvre. "Heat" illustre bien la tendance d'un certain cinéma américain "adulte" qui refuse les clichés, le monolithisme, pour explorer les failles de ses personnages : symétriquement opposé de part et d'autre de la ligne de la loi, Hanna et McCauley sont tous les deux des êtres complexes, professionnels aguerris à la vie privée chaotique… Tous ce qui concerne leur métier est remarquablement bien observé : gestes précis, laconisme, attention aux détails. Par contre je trouve que la partie consacrée aux femmes est un peu plus faible : elle est là pour humaniser les personnages, alors qu'un simple regard de Pacino, une simple réplique de DeNiro suffisent à introduire une faille, une brisure…
Le film est admirablement bien construit : il va d'un point A à un point B sans dévier un seul instant de sa trajectoire. Les personnages avancent vers un destin qu'il n'essaient même pas n'infléchir, sachant que la confrontation finale sera inévitable et que l'un des deux y restera. McCauley et Hanna sont observé de façon symétrique (métiers, famille, amis) jusqu'à la fusillade dantesque en pleine rue ( morceau de bravoure qui n'a pas encore été égalé), moment ou ils atteignent le point de non-retour : dès lors la seule raison de vivre de Pacino est d'arrêter DeNiro, celle de DeNiro est d'échapper à Pacino.
D'une certaine façon, la relation Pacino/DeNiro me fait penser à celle de Bourvil/Delon dans le "Cercle rouge" : une traque impitoyable teintée d'admiration réciproque. Hanna/McCauley sont les deux visage de Janus, les deux faces d'une même réalité : même rigueur, même code d'honneur; ce sont deux hommes qui ont tout pour être amis, mais qui ont fait des choix radicalement opposés (leur "confrontation" dans le café est celle de deux hommes semblables qui évoquent leurs rêves, leurs choix).
Baigné dans une lumière bleue métallique, le film est tout entier imprégné d'une certaine tension mélancolique, ou les deux personnages sont comme deux fantômes à la recherche d'eux-mêmes. Filmés dans des décors déserts (zone industrielle, étendues désertiques) Hanna et McCauley luttent pour un certain code d'honneur désormais obsolète… Si DeNiro est irréprochable, à mon avis Pacino cabotine, abusant de ses tics familiers ( il se rattrapera heureusement dans "Révélations" du même Mann, film dans lequel il est au contraire d'une sobriété exemplaire).
Michael Mann est incontestablement un immense cinéaste, recherchant dans chacun des ses films une perfection qu'il atteint régulièrement.
Un monument par l'intensité du jeu d'acteur de Robert de Niro qui décide de ne pas tuer Al Pacino. Celui-ci tire, de Niro s'effondre et Al Pacino s'assoit à côté de lui. De Niro mourrant lui prend la main, ce passage est poignant cat c'est comme si De Niro lui demande de l'aider à passer et en même temps se raccroche à la vie. Celui qui a pensée cette scène est un très grand. Merci
Les goûts et les couleurs … Polar branché, avec un Pacino qui à l'air de sortir de chez le coiffeur, qui roule en Porsche (vachement réaliste …) flic omniscient, qui passe son temps à cabotiner et à gueuler … Je ne parlerais pas des dialogues ridicules style "le poulet est froid, chéri .." ou les situations "neuneu", avec un De Niro qui emballe une donzelle en se faisant passer pour "métallier" (il fallait la trouver celle-là) et qui fait "bisou-bisou" au crépuscule devant la ville rougeoyante …
Si on va par là, Delon en tueur vêtu comme un privé des années 40, vivant avec son canari dans Le samouraï,
ou enfilant des gants de maître d'hôtel avant de tuer quelqu'un, ce n'est guère crédible non plus. Et que dire des fusillades surréalistes de John Woo
? Du fait que Hackman
ne tue personne en roulant à tombeau ouvert dans New York en plein jour dans French connection
?
Je ne pense pas que Michael Mann avait des ambitions documentaires sur la criminalité américaine, en signant Heat.
Il faut le voir sous un autre angle.
Ah, c'est bien, très bien, de la première à la dernière image, et les 2H40 du film passent sans qu'une seule fois on regarde le minuteur, tant la tension, le rythme, la densité des péripéties tiennent haletant et propice à l'admiration ! Moi qui n'ai pas une grande passion pour les États-Unis d'Amérique en général, et pour leurs films policiers en particulier (à de notables et nombreuses exceptions près), je me suis laissé envoûter par ce film d'un Michael Mann dont, par ailleurs, j'ignore tout.
Heat est bluffant du début à la fin parce que les scènes d'anthologie ne font pas la part trop belle aux effets spéciaux, aux explosions, aux corps déchiquetés, aux impacts des bagnoles qui s'entrechoquent et des balles qui trouent ; il y a cela, bien sûr, mais ces effets là sont au service du récit et non pas, comme trop souvent, imposés aux protagonistes pour constituer une tambouille à la fois très spectaculaire et très vite oubliée. En d'autres termes, les images sont au service du récit, et non le contraire.
Un film intelligent, profond, triste sans mièvrerie. Un bon film, un grand film.
Il n'est jamais trop tard pour découvrir les films étasuniens qui en valent la peine et plus encore ceux de Michael Mann. Je ne puis que vous inviter à continuer sur votre lancée et à (re)visiter ceux que je considère comme des chefs-d’œuvre : Collateral pour la beauté de la nuit et de ses lumières urbaines (la ville est d'ailleurs un personnage redondant chez Mann), Le dernier des Mohicans
pour son époustouflante reconstitution et le très grand Daniel Day-Lewis
et Public Enemies
pour l'hagiographie du gangster John Dillinger.
Emporté par votre élan, vous vous épanouirez devant Drive qui présente beaucoup de similitudes dans la manière de filmer et de mise en scène.
Je ne suis pas… un solitaire.
Revu ce soir en blu-ray. Heat, déjà daté de 20 ans ou presque (1995) passe l'épreuve du temps avec brio. Le sujet convient parfaitement à Michael Mann.
Comme James Caan
dans Le solitaire,
les trois personnages masculins sont des êtres solitaires un peu perdus dans la grande cité, en proie à des problèmes familiaux (divorces passés, en cours ou à venir, familles décomposées), à la recherche de leur propre identité. Ils croient trouver leur salut en une quête matérialiste, mais ce n'est là qu'une illusion. La mise en scène est sublime, développant une atmosphère urbaine, à partir des lumières et des lignes géométriques des décors urbains, utilisant la musique à la perfection, variant énormément les types de plans employés (scrutant les personnages à 360 degrés). Une tonalité bleue marine et noire porte cette oeuvre sombre.
Autres points forts : la direction d'acteurs, Mann tirant le maximum de chacun d'eux, y compris pour les rôles secondaires. L'impression d'une histoire réelle, avec des personnages authentiques. La gestion du temps et de l'espace également : les disputes de couple durent le temps qu'il faut, les événements musclés ou les instants intimistes s'inscrivent dans un cadre spatial parfaitement représentable pour le spectateur. Excellente gestion du rythme du récit, aussi… J'invite les cinéphiles ayant apprécié Heat à se procurer la version initiale également réalisée par Mann, L.A takedown,
très réussi, mais peu connu. Aux films cités ci-dessus, on peut ajouter effectivement Miami vice
et Le dernier des mohicans
comme étant des œuvres états-uniennes contemporaines intéressantes -réalisées par ce cinéaste-. Il n'y en a pas eu tellement que cela depuis trente ans…
Excellents suppléments sur le blu-ray liés à la construction du film (travaux préliminaires de repérage de sites de tournage, recherche documentaire liée aux personnages, aspects sonores). La HD met en valeur cette oeuvre (pour une somme très modique pour le consommateur : j'ai acheté le blu-ray 2,99 euros à Auchan…)
Oui, de Niro, comme le souligne Michael Mann, est fabuleux dans ce film. Il est parfaitement empreint par son personnage, a un jeu très précis (y compris pour la gestuelle ordinaire), mais n'est pas fait pas trop. Mais le reste de la distribution excelle également.
Très grand film, effectivement, construit -comme le souligne un commentateur- sur le modèle d'un western, la ville de L.A. remplaçant Monument Valley.
Ci-dessous, un lien vers une chronique établissant un lien entre l'univers de Michael Mann et celui de Edward Hopper.
Un film que je viens de revoir pour la énième fois avec un plaisir et une admiration intacts…
D'un côté Vincent Hannah, lieutenant de police tenace. De l'autre Neil McCauley, braqueur méticuleux. Tous deux symétriquement opposés de part et d'autre de la ligne de la loi. Deux hommes qui vont s'observer, se toiser, et dont l'antagonisme va progressivement se muer en admiration réciproque. Deux hommes habitués au flirt avec le danger et la mort. Dans une Cité des Anges nocturne et tentaculaire, que des lumières agressives arrachent à l'obscurité, Michael Mann organise un implacable jeu du chat et de la souris. Qui se terminera aux abords d'un aéroport, avec ces deux hommes réunis dans leur solitude réciproque. L'un rattrapé par la mort, l'autre par les fantômes qu'il ne cesse de traquer. Impossible d'oublier ce bras tendu et le regard d'Hannah, mélange de tristesse et de résignation.
Auparavant Mann aura observé ces deux hommes avec la maestria qui lui est propre. D'abord dans leur microcosme familial et sentimental, dans un parallèle parfait.
Jusqu'à l'incroyable scène de fusillade en pleine rue, morceau de bravoure de guérilla urbaine où les M16 crachent les balles dans un ballet de feu et de mort.
Dès lors Hannah et McCauley se retrouvent de plus en plus seuls à mesure que la traque se resserre.
Le gangster règle ses derniers comptes et planifie sa fuite avec Eady, la jeune femme qu'il aime. Son complice Chris Shiherlis, dans une séquence déchirante, fait le deuil de sa relation avec Charlene, dont un simple geste de la main vient à la fois parapher leur amour et leur séparation définitive.
Le flic voit sa relation avec sa femme se dégrader jusqu'au point de non-retour.
Ce qui perdra McCauley, c'est le désir de vengeance contre Waingro qui l'a trahi. Comme s'il se conformait à un code d'honneur devenu obsolète. Et un peu plus tard, en quelques secondes, il applique son mantra : tout quitter en quelques secondes quand le danger se rapproche.
Et Michael Mann d'atteindre les cimes stratosphériques du polar avec Heat, parcouru d'une tension mélancolique qui enrobe chaque image, bercé d'une musique planante, filmé dans une lumière bleue métallique.
Un classique dont l'influence ne cesse de se faire ressentir.
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