C'est idiot, j'aurais dû m'intéresser bien plus tôt au cinéma des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne,
qui font partie, avec Emir Kusturica,
des rares réalisateurs à avoir reçu deux Palmes d'Or à Cannes, ce qui ne vaut pas tripette mais qui, surtout, se collettent en permanence avec la réalité sociale, la vraie vie vécue par les humbles, ce qui n'est pas si fréquent. Comment se fait-il qu'amateur de Robert Guédiguian
comme je le suis, je ne connaisse pas encore Rosetta,
Le fils
ou Le gamin au vélo
? C'est la même inspiration, la même inquiétude, la même amertume, il me semble… Avec l’identique ciel gris de Wallonie, qui les éloigne – superficiellement, sans doute – de Marseille, mais les rapproche de Lucas Belvaux,
lui aussi wallon, comme le sont certains des meilleurs acteurs du cinéma d'aujourd'hui, Émilie Dequenne,
Olivier Gourmet,
Cécile de France,
Yolande Moreau
? Il n'y a pas de hasard.
Toujours est-il qu'ils ont bien du talent de filmer sans pathos et sans sentimentalisme gluant la vie des pauvres gens dans un environnement bouffé par la crise, la désindustrialisation, la mondialisation, l'explosion des cadres sociaux traditionnels et irrigué par les étouffantes injonctions à devenir l'Homo festivus de Philippe Muray, ce qui est une façon de l'appeler à se vautrer dans le Panem et circenses, ces temps de la décadence romaine.
Deux jours, une nuitOn voit la simplicité du scénario et les risques de pathétique qu'il fait courir aux réalisateurs : on peut aller facilement vers le chantage affectif, le discours sur la solidarité de classe, la lutte sociale, la malfaisance du capital : il n'y a rien de tout cela, mais une manière de filmer simple, efficace, claire. Une capacité à remettre continûment le sujet devant le spectateur, à reproduire avec une régularité et une répétitivité qui ne sont pas fortuites la démarche de Sandra et les réponses de ses collègues, qui, pour la plupart, sont bien embêtés d'avoir à choisir.
Le film se passe à Seraing, dans la banlieue de Liège, région dévastée à murs d'usines interminables, à paysage urbain moche, à maisons de briques éteintes, à terrains aussi vagues que le ciel d'un été incertain. Chacun des ouvriers se débat dans la gêne, la parcimonie, les crédits, la peur de l'avenir. Sans doute ceci n'est-il pas d'une folle originalité, mais ça rend un son d'une pertinence impressionnante.
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