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Forum : Elena et les hommes

Sujet : En dessous de la main...


De vincentp, le 17 septembre 2006 à 22:34

Elena et les hommes, nouvelle manifestation de l'immense talent de Renoir, présente certes quelques petits défauts. On ne sait comment interpréter le personnage joué par Jean Marais. Est-il un opportuniste populiste (ce personnage est tiré du général Boulanger) ou un héros sauveur de la nation ? L'ambiguité concernant ce personnage central de l'intrigue, qui parfois peut servir le propos d'un film, ici le dessert quelque peu. On sait aujourd'hui que Renoir, cinéaste perfectionniste par excellence, et dont le cinéma est avant tout une mécanique de précision, fut particulièrement démoralisé à l'issue du tournage, ayant conscience de s'être loupé quelque peu (lire à ce sujet l'excellent hors-serie de Telerama consacré à Renoir, paru en 2005).

Ces réserves concernant le scénario étant exprimées, il convient de souligner à quel point ce film est un grand film, et donc à voir : une multitude de personnages, bien typés, s'entrecroisent (et s'entrechoquent parfois), l'intrigue est intéressante, et c'est une nouvelle fois une féérie visuelle et sonore. Renoir décrit comme à son habitude, de façon somptueuse, la vie comme tant une comédie, qui mène un ballet endiablé avec la tragédie.

On peut préciser, pour les néophytes, que ce film prend place dans ce qu'on a qualifié le "triptyque de Renoir" des années cinquante, composé également de French Cancan et Le Carrosse d'or, et qui concerne le milieu des spectacles (comédiens, danseurs).


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De Impétueux, le 18 septembre 2006 à 12:02
Note du film : 4/6

Je vote de confiance, sans avoir jamais vu Elena et les hommes, parce que le mélange Jean Renoir + Ingrid Bergman me semble singulier et attachant. En plus, c'est une période de l'Histoire de France et une représentation de tendances et d'idées qui m'intéresse particulièrement…


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De Impétueux, le 21 octobre 2012 à 18:31
Note du film : 4/6

L'excellent supplément du DVD, intitulé "Elena, le rêve américain de Jean Renoir", me semble, grâce aux interventions de Pascal Mérigeau et d'Olivier Curchod notamment, expliquer pourquoi Elena et les hommes n'est pas un film vraiment satisfaisant.

Ou à tout le moins pas aussi satisfaisant que l'éclatante réussite de French Cancan, deux ans auparavant pouvait le laisser espérer ; et alors même que le thème choisi, l'insouciante fin du 19ème siècle, la qualité de la distribution et le savoir-faire de Renoir paraissaient inscrire Elena et les hommes dans une brillante continuité. Mérigeau et Cruchod expliquent fort bien que le réalisateur, devenu citoyen des États-Unis en 1945 et qui avait vainement espéré connaître un succès international en s'installant à Beverley Hills dès le début de 1941, effectuait en ce sens une dernière tentative.

Ce côté "ultime chance" pèse sur un scénario bâclé, qui singe l'aventure ridicule du général Boulanger en la tournant en vaudeville – ce qui n'est pas mal vu – mais qui n'a pas de souffle ni de profondeur et qui hésite sans cesse dans ses orientations. Alors que French Cancan présentait une histoire bien conçue, assez simple mais suffisante pour séduire.

Trois segments, d'à peu près égale importance, correspondant chacun à un lieu : Paris, théâtre de la rencontre de la princesse Elena Sokorowska, veuve et Polonaise (Ingrid Bergman) avec deux séducteurs : le comte Henri de Chevincourt (Mel Ferrer) et le général François Rollan (Jean Marais), tous deux hommes à bonnes fortunes qui la courtisent tous deux. Puis le château de Maisonvilliers, où se trame la phase ultime du complot destiné à pousser le Général au coup d'État. Et enfin une maison de rendez-vous de Bourbon-Salins, garnison où le Général a été confiné, puis mis aux arrêts.

Le troisième segment est d'une insigne faiblesse, ni fait, ni à faire, balourd, mal bâti, tirant à la ligne, indigne d'un cinéaste de la carrure de Jean Renoir. On sent que le scénario a peiné à s'achever, puisque Renoir ne souhaitant plus suivre la réalité historique (la fuite de Boulanger et son suicide piteux sur la tombe de sa maîtresse chérie) est obligé de bâcler les choses.

La deuxième partie est un décalque un peu bêta de l'atmosphère de La règle du jeu, mais, malheureusement dans ce que l'œuvre considérée par beaucoup (mais pas par moi) comme la plus aboutie du réalisateur peut avoir de plus faible et de plus agaçant, les cavalcades et les poursuites dans les pièces du château, les minauderies de la soubrette Lolotte (Magali Noël) remplaçant celles de la camériste Lisette (Paulette Dubost), la farce avec des entrées côté cour et des sorties côté jardin (ou le contraire). Là, un peu pitoyablement, Renoir se copie, s'autoparodie, cherche à retrouver de l'inspiration ; hélas Jean Richard n'est pas Julien Carette et Jacques Jouanneau n'est pas Gaston Modot.

Reste la première partie, dans un Paris fantasmé et séduisant, qui n'est pas mal troussée et qui, pourtant, ne me satisfait pas complètement ; déjà cette fantasia de couleurs n'est pas très réussie : le chef opérateur, Claude Renoir, neveu de son oncle (!), n'a pas retrouvé le charme des nuances qui faisaient de French Cancan (photographié par Michel Kelber) un chatoiement miraculeux. Et puis je dois dire aussi que cette surabondance de teintes – présente dès le générique – finit par agacer et à devenir indigeste. On en aurait presque le sentiment que Renoir, depuis qu'il a découvert que le cinéma pouvait n'être plus en Noir et Blanc, met partout de la couleur, allant jusqu'à singer dans le chromo son illustre père. Ça éblouit moins que ça ne fatigue, comme une visite au musée d'Orsay… On se croirait vite à l'intérieur d'une boîte de Quality street (ou de Smartie's, si on préfère).

Je me pose aussi des questions sur certains choix d'acteurs : si on retrouve, dans des rôles mineurs, il est vrai, des habitués du cinéma de Renoir, en premier lieu Gaston Modot, mais aussi Jacques Hilling, Dora Doll ou Albert Rémy, Jacques Jouanneau était loin d'avoir les épaules suffisantes pour jouer un rôle qui n'est pas négligeable. Et que dire de l'épouvantable, hideux, grotesque pitre Jean Richard qui fait honte au cinéma dès qu'il paraît sur l'écran ?

En revanche, les trois acteurs principaux sont plutôt bien distribués. Peu à dire de Mel Ferrer, aussi séduisant que dans Scaramouche ou dans Guerre et Paix. Jean Marais, qui ne fait pas partie de mes dilections (c'est une litote !) est plutôt convaincant en général incertain, léger, roseau peint en fer ou lion en caramel mou. Mais j'ai été réellement bluffé par Ingrid Bergman, appréciée (sans enthousiasme délirant) dans des rôles dramatiques (Casablanca, Stromboli, Voyage en Italie) et qui montre dans Elena et les hommes qu'elle peut être gaie, drôle, primesautière, dans ce rôle de demi-mondaine à la vertu douteuse, à la morale élastique et à la cuisse légère où, malgré l'insuffisance du scénario, elle impose une grande maîtrise.


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