Il faut considérer ce film comme innovant et toujours moderne. Voyez par exemple Sweet sixteen de Ken Loach, variation récente et réussie du film de Truffaut.
On va m'opposer les écrits d'André Bazin, la révérence commune à des réalisateurs comme Hitchcock, Renoir,
Murnau,
l'appartenance à la rédaction des Cahiers du cinéma, et ce sera pertinent… mais enfin, ranger dans un régiment discipliné les cinéastes de la Nouvelle Vague dont le talent (ou son absence) était hétéroclite est aussi parcellaire que placer dans la même cellule monastique les romanciers des Hussards, alors qu'il faudrait être de bien mauvaise foi pour trouver que les récits de Roger Nimier
et ceux de Jacques Laurent
ont la même allure.
Donc, le choc des Quatre cents coups. Je n'avais pas encore l'âge d'aller voir le film, mais je me souviens de sa bande-annonce et surtout des conversations tenues autour de lui. A posteriori, je me demande bien ce qu'on pouvait en dire de singulier : le scandale, la jeunesse pervertie, c'était plutôt l'année d'avant, en 1958, avec Les tricheurs
du vieillissant Carné
; les histoires d'enfants mal aimés, de couples désassortis, de cancres obstinés n'étaient pas rares. Mais le choc des Quatre cents coups,
il me semble, c'est moins le choc de la caméra libre et de l'errance juvénile que, simplement, celui du talent.
Ce qui est admirable, et poignant, c'est le climat familial, dans cet appartement miteux, exigu, encombré, où l'on se marche dessus. Claire Maurier, mère d'Antoine est une de ces méchantes garces dont on se souvient, narcissique, veule, indifférente à tout ce qui n'est pas elle et, en plus, amère, aigrie, même, parce qu'elle n'a rien de ce qu'elle croyait lui être dû, l'amour, l'argent, le succès et qu'elle reporte ses infinies frustrations sur son fils et son mari. Albert Rémy,
le mari, donc, est parfait en brave homme bien conscient de son infortune, qui s'est ménagé son petit bonheur de passionné de bagnoles, mais qui n'a ni la force, ni la générosité suffisantes pour bouleverser la situation et être un peu davantage que le simple complice d'Antoine qui, après tout, n'est pas son fils.
Toujours est-il qu'on ne se lasse pas de revoir Les Quatre cents coups, sa fin triste sur la plage vide de Villers et d'entendre le thème musical à la fois alerte et triste de Jean Constantin, qu'on connaissait pour des rythmes un peu plus grossiers (quoique talentueux) et qui prouve que certains films sont, en soi, des miracles de finesse.
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