Un film improbable dont je me souviens la scène de l'enterremment, les colonnes de torches, un remake du film de Capra version new age avant l'heure.
Pourquoi n'est-il plus diffusé ?
Pourquoi? Parce que « si je pouvais recommencer ma vie, je la vivrais exactement de la même manière, sauf que je n'irais pas voir le remake de Lost Horizon. » – Woody Allen
Oui mais enfin, si on doit jeter à la poubelle tout ce qui est kitsch au cinéma, on en perdra la moitié. Et les 5000 doigts du Dr T ? Qu'est-ce qu'on en fait alors ?
Tout ce qui est kitsch? Mais non, mais non ! Rassurez-vous ! Mais franchement, celui-là… J'arrive à défendre toutes sortes de films, y compris plusieurs qu'on pourrait qualifier de "kitsch"; pour prendre seulement la même année 1973, disons des Trois mousquetaires de Lester à La Paloma de Bertucelli en passant par Théâtre de sang; mais pas celui-là ! Il y a un ton forcé, un côté terriblement artificiel à ce film, et ça se voit, d'ailleurs, jusque dans le jeu des interprètes : même Liv Ullman, d'ordinaire si excellente, est gênée aux entournures et a vraiment l'air de se demander ce qu'elle est venue faire dans cette galère. C'est d'un lourd! Quelle indigestion de carton-pâte ! J'applaudis des deux mains la boutade de Woody Allen. Il fallait vraiment l'esprit primesautier d'un Capra – ou d'un René Clair, par exemple – pour espérer faire passer la rampe à cette histoire – ce qui fut fait, d'ailleurs, en 1937. Charles Jarrot, pour sa part, était parfaitement à sa place avec des mélodrames dans le style The Other Side of Midnight et aurait dû y rester. Un univers comme celui-ci – et en version musicale, qui plus est ! – demande de l'invention à revendre, de la légèreté diaphane, un tempo sans faille… toutes choses dont ce film est malheureusement dépourvu. Bref, selon moi, c'est un naufrage – et, égoïstement sans doute, je n'ai pas envie de plonger dans l'eau glacée pour rescaper l'équipage !
Arca1943
Hé, ho, Arca1943! La Paloma est un film de Jean-Louis Comolli, pas Bertucelli.
Ton frère,
Arca1944
Abraracourcix (aux deux frérots de Rhodes): « Vous êtes tous comme ça, dans la famille?»
L'un: « Oh non : notre frère aîné est beaucoup plus fort ! »
L'autre: « Mais il ne s'est pas encore remis de la fessée que lui a donné maman! Ha! Ha! Ha! »
Le film ne doit pas être très bon effectivement, une Asie de pacotille doit choquer au regard de l'histoire du Tibet, cependant, il a marqué, même négativement, Woody Allen.
Le problème donc de ce film, c'est qu'il tente de coller par tous les moyens à la version de Capra et on peut même dire que toutes les jolies idées de mise en scène viennent de Capra, notamment ce défilé de torches dans la vallée de Blue Moon. En plus le décor de Capra avait un délicieux style art-déco et celui de ce film est plus lourd, plus pateux avec ces murs de pierre, ils ne se sont pas trop foulés quoi.
C'était dangereux de coller à Lost Horizon, version de Capra (parfois au plan près : l'implantation du décor est rigoureusement identique, ce qui est tout de même gênant, l'avion aussi est identique alors qu'il aurait fallu un boeing, un vol de ligne et plus de passagers, j'aurais pris un charter par exemple, ceci dans la mesure où l'on parle d'une utopie qui n'a plus du tout le même sens à la veille de la seconde guerre mondiale et d'une énorme déflagration et 1973 qui est marqué par la contestation et la guerre du Viet-Nam.
Les scénaristes ont été pour le moins paresseux et le résultat, c'est un livre d'image un peu curieux, désaxé.
Mais qu'aurait-il fallu faire alors ? Eh bien il aurait fallu rendre beaucoup plus présent le peuple de Shangri-La et fondre beaucoup plus les personnages dedans, ce que Capra gommait et qui correspondait à un style personnel qui n'a plus de sens quand c'est Charles Jarrott qui l'applique. Ensuite il aurait fallu faire coller cette civilisation perdue à Katmandou par exemple, aux sentiments liés à l'abandon que propose l'Asie. Comme dirait Peter Pan : nous enverrons nos enfants en Asie pour qu'ils s'occidentalisent. Et c'est cela que les scénaristes auraient dû ressentir : comment les personnages se noient dans cette civilisation subtile et trop lente, qui à la fois ralentit dans la paix totale, le mythe total et qui finit par étouffer.
Ensuite, il fallait cacher le grand lama, qu'on ne le voie jamais, qu'on ne fasse qu'en parler, tout en veillant à en faire le contraire d'un gourou, qu'il se révèle juste un miroir de chacun de ces gens, dans son humilité permanente. Ensuite, il aurait fallu éloigner le personnage de Conway et montrer comment il se fond et semble disparaître dans un amour impalpable et rapprocher le frère de nous (joué par Michael York). Quand on dit d'ailleurs qu'il va à peu près quand les autres rament, c'est tout simplement qu'il est assez jeune pour un film qui exhale l'enfance et le merveilleux. Qu'on colle donc à cette aventure vu de son côté, car c'est le seul qui garde une sorte de frénésie, une volonté de lien avec la réalité et qui demeure le seul à souhaiter que cette femme dont il tombe amoureux soit vivante. En fait elle est déjà morte.
Ensuite il fallait beaucoup rajeunir les personnages principaux, Peter Finch est trop mur pour un rôle qui définit une utopie que le monde fait changer. Ce qui est valable pour Capra en 1937 ne l'est plus en 1973.
Et ensuite pour glisser la comédie musicale là-dedans… Bon courage. Mais un choix plus oriental et moins sirupeux, ce n'était pas impossible.
Aujourd'hui, l'adaptation devrait encore être différente. L'utopie, c'est "Lost Horizon" et l'Horizon se déplace avec le temps qui passe. C'est ce que les scénaristes de 1973 n'ont pas compris. Frank Capra tient souvent un discours daté. Ce qui reste de la version de 1937, c'est la double tragédie d'un homme qui meurt d'épouser une morte et d'un autre qui meurt de rejoindre un paradis auquel on ne peut plus croire que par volonté.
Bravo, Terence7510 ! Vous travaillez fort. Pour le prochain remake de Lost Horizon, il faudra – comme vous le suggérez – donner un peu plus de substance et de crédibilité à cette civilisation imaginaire. Je propose de confier le projet à Mira Nair, qui a réussi un excellent Kama Sutra.
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