Les ordinateurs se faisant très rares à cette époque, on peut être sur que Jeanne Cordelier écrivit son bouquin à l'encre noire. Cette descente dans Les Bas-fonds du plus vieux métier du monde est vraiment une plaie à vif dans ce chemin des Dames pour les quelques malheureuses qui ont accepté d'y gagner très laborieusement leurs vies. Le portrait sans fard d'un mileu qui en emploie beaucoup nous est asséné par un Daniel Duval à qui un "physique" et une "gueule" interdit trop souvent de causer d'autre chose.
Rarement le monde de la prostitution, avec ses règles, ses lois, ses interdits et ses punitions ne nous a été montré d'aussi près. Il y a d'abord, le côté folklore : bas résilles, sacs à mains en bandoulière, les tu viens mon biquet, les pavés de la rue, les petits matins froids et les nuits chaudes. L'image d'Epinal pour touriste en goguette. Et puis, sans gratter beaucoup, le désespoir latent de ces filles dites "de joie". Les macques et leurs joujoux, leurs gagne-pain. Les macques et le fric facile. La crasse des bordels oû les inspecteurs de l'hygiène ne viennent pas. Du moins pas proféssionnellement. Les règlements de comptes impitoyables et les filles tabassées pour quelques billets en moins, un jour de grippe. Et le réalisme avec lequel Miou-Miou se prend raclée sur raclée nous impressionne, même si on sait que c'est du cinéma.
Miou-miou n'est pas que de passage dans ce film. Et sur une musique des plus sublimes qui soient, elle tient l'image de bout en bout et promène étrangement la même fragilité que dans La femme flic revu très récemment. Elle donne à son personnage de paumée une dimension hors du commun. Rarement on l'a vu aussi déchirée, l'âme et le corps à vif ! Ce qui n'empêche pas qu'une incroyable détermination la fait tenir debout, guerrière au plus profond de ses tripes. Très brillante démonstration de son talent. Mille fois plus intéressant que ses emplois d'idiôte au rire aigu comme dans Pas de problème ou encore On aura tout vu. Son César reçu pour La dérobade ne peut lui être contesté. A côté d'elle dans le film, Maria Schneider, complètement dénuée d'accent tonique, fait bien pâle figure. Tout comme sont également bien blafards et terreux, mais pour d'autres raisons, les clients de ces dames. Ces fameux clients, aujourd'hui criminalisés par les âmes bien pensantes d'unn gouvernement hypocrite. Les années soixante dix étaient encore des jours heureux qui se servaient d'un bordel comme d'un confessional. Et Daniel Duval n'oublie pas de nous livrer quelques scènes pas piquées des vers oû l'on entend Quelques messieurs trop tranquilles se justifier de leurs visites devant la pute choisie, qui n'en n'a cure…Le folklore, encore, me dira-t-on ? Pas sur…Et ce film d'une noirceur sans nom fait aussi la part belle au côté assistante sociale pour messieurs paumés. Les prostituées peuvent écouter sans toucher. Aujourd'hui, les curés ne peuvent pas toujours en dire autant. Les journaux sont pleins de mes dires. Peut on parler, pour autant, d'un film à thèse ? D'un film engagé ? Peut-être pas, mais il y est démontré quelques vérités sur la condition de l'homme dont devraient s'inspirer bien des politiques. Comprend qui peut mais je pense que la morale, en ces années douteuses que nous vivons, commence à être un véritable fléau au même titre que la famine !
Du cinéma coup de poing ! Du cinéma sur le crade de la vie. Un de ceux que nous faisons semblant d'ignorer. Mais qui nous survivra…
Un thème qui a été superbement traité dans La rue de la honte (entre autres films) de Mizoguchi. Il y montre de mémoire la rivalité entre filles, le côté business… C'est un des plus beaux films que j'ai vu sur le sujet. Sinon, les mafias des pays de l'est ont remplacé aujourd'hui les macs de La dérobade. Mais c'est aussi un métier en voie de désuétude en France : risqué, surveillé, peu lucratif.
Il parait que les prostituées du quartier de la goutte d'or à Paris recevaient 60 clients par jour au début des années 1980 (selon un guide-conférencier). Les clients (des immigrés maghrébins, à l'époque) attendaient en file d'attente dans la rue, comme à un concert. Aujourd'hui, la rue est rénovée, et la mairie de Paris y a fait construire des logements sociaux. Les temps ont changé… Le problème de la prostitution, comme pour la drogue, est l'existence d'une clientèle. Tant qu'on aura besoin de main d'œuvre bon marché, la prostitution existera. Quant aux drogués, qu'ils aillent se déstresser par d'autres moyens.
Tant qu'on aura besoin de main d'œuvre bon marché, la prostitution existera.
Vous êtes sérieux, là, Vincentp ? Parce que la prostitution uniquemment "alimentée" par les travailleurs étrangers, puisque c'est eux que vous désignez en substance, vous n'y êtes pas du tout ! Mais alors pas du tout ! Vous parliez, plus bas, des questions existentielles que vous réglez en partie avec Ozu, il va peut-être falloir changer de conversations avec ce Monsieur…
Les activités illégales me paraissent fondamentalement non rentables, si la démocratie fonctionne correctement (ce qui est le cas en Europe). Rappelez-vous les exploits des espions est-allemands (comme Gunther Guillaume) censés œuvrer pour le marxisme-léninisme. On a vu ce qu'il en est advenu !
Récemment, je suis venu en aide à un adolescent qui s'est fait sauvagement agresser sous mes yeux pour un téléphone portable. Son agresseur a pris ses jambes à son cou avant que je puisse intervenir (j'y serais allé façon musclée). J'ai dit ceci à cet ado. : "ne t'en fais pas ; ton agresseur finira sa vie sous les verrous, et toi tu seras un jour un bon bourgeois comme moi !" Celui qui est gagnant dans tous les cas de figure est simplement le citoyen qui respecte les règles élémentaires en vigueur au sein d'une société démocratique, et pas celui qui les transgresse.
Je dirais simplement que la réponse à la criminalité repose sur la bonne santé des institutions démocratiques, et des principes qu'elles défendent. C'est d'ailleurs la conclusion qu'ont tenu les norvégiens face au drame que vous connaissez.
Je dirais simplement que la réponse à la criminalité repose sur la bonne santé des institutions démocratiques, et des principes qu'elles défendent. Voilà une belle preuve de confiance dans le système, qui court dans les milieux protégés, et ce, depuis la nuit des temps.
Seulement voilà : Le sont-elles encore, en bonne santé, les institutions démocratiques ? N'auraient-elles pas besoin d'un revu et corrigé en bonne et due forme ? Mais nous nous égawons, et nous allons nous faiwe gwonder, là dis donc…
Mais pour le reste, le trafic international d'êtres humains, comme on l'appelle, est une des plus lucratives ressources des mafias diverses et bénéficie, lui aussi, des progrès de la Sainte Mondialisation.
Il y en a pour tous les goûts : Albanaises, Tchétchènes, Nigérianes, qui se répartissent sur les boulevards extérieurs de Paris, chacune ayant des territoires ; il y a la petite industrie familiale (si je puis dire) des autochtones qui font ça en camionnettes dans le bois de Vincennes ; il y a les travelos brésiliens du bois de Boulogne ; il y a les escort girls et toutes les putes de luxe qui hantent (!) les palaces et naturellement les services vendus sur Internet.Et cette multiplication de la ressource n'a pas fait diminuer le nombre des clients, ce qui n'a rien d'anormal, puisqu'il y aura toujours les timides, les moches, les infirmes, les mecs qui n'aiment pas faire des phrases, et ceux qui veulent un coup rapide et sans problème avec une fille canon (Robert De Niro il y a quelques années au Bristol, ou non canon Dominique Strauss-Kahn vers huit heures et demie au Sofitel de New-York en mai 2011) qui fourniront la clientèle.
Voir sur ça, une fois de plus, et comme toujours, Michel Houellebecq dans ‘’Extension du domaine de la lutte’’, un de ses plus grands livres : le libéralisme économique, les disparités invraisemblables qu'il créé comporte son pendant sexuel : mêmes orientations et mêmes conséquences.
Dans La Dérobade il y a des scènes-choc d'une grande violence, d'une vraie violence, qui n'est pas la violence des étripailles des films gore ou des bastons blockbustés, mais la violence mauvaise des situations tragiques et de la misère humaine. Et des pauvres gars tristes qui viennent s'épancher auprès d'une fille à peau douce et tarifée, et puis tirent furtivement leur coup parce qu'il faut bien en finir (‘’Après…ma foi on conclut parce qu'on ne trouve pas toujours de porte de sortie’’ ; Louis Aragon dans ‘’Les voyageurs de l'impériale’’). Le drame, c’est qu’on se demande ce qu’on peut y faire : pénaliser les clients ? Le moralisme d'aujourd'hui – c'est-à-dire la dictature du Bien imposée à la société – est un des plus pesants et gluants marécages dont nous souffrons. La société n'a pas à être morale… Miou-Miou n'a évidemment pas fait une carrière exemplaire ; mais elle avait de la qualité, du piquant, de l'émotion. Elle est là, en incarnant Marie, pauvre fille résignée puis révoltée, d’une justesse d’expression extraordinaire. Daniel Duval, trop beau ténébreux pour qu'on ne le confine pas dans un type de rôles, montrait là qu'il pouvait aussi frapper fort et juste… Et le reste de la distribution est d’un très beau niveau, notamment Niels Arestrup, voyou calme et sanguinaire, Guy Kerner, client sadique qui déchire Marie et Madame Pédro Martine Ferrière sévère tenancière de bordel bien tenu.Un défaut : la musique de Vladimir Cosma, que j’ai trouvée niaise et datée.
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