Comme il est charmant, ce film, le troisième de Jacques Becker, tout plein de sa légèreté narquoise et de sa finesse d'observation ! Comme il décrit bien, avec de la chaleur, de la tendresse, de l'amitié, la vie du petit peuple des Épinettes, ce quartier de Paris qui est situé au nord de la place Clichy, qui n'est – ou qui n'était – ni trop misérable, ni trop sélect, aux lendemains de la Guerre, à une époque où le rationnement sévissait encore et où les profiteurs du marché noir tenaient encore le haut du pavé.
Il faudrait relier Antoine et Antoinette à tout un ensemble de films très typiques de la vie des Français des années Cinquante, qui valent bien davantage par le regard sociologique qu'ils portent que par le récit d'histoires habiles, et assez artificielles qui ne sont là que pour soutenir l'attention. Papa, maman, la bonne et moi
ou Monsieur Taxi,
c'est, en fonction de la classe sociale, soit le rôti de veau-jardinière de légumes, soit le bœuf miroton, mais c'est en réalité le même monde de braves gens, un peu grognons et grincheux, mais le cœur sur la main et l'invective facile.
Plaisir de voir les images d'un Paris qu'on connaît sans vraiment le reconnaître, le Prisunic de l'avenue des Champs-Élysées, son rayon de colifichets, le photomaton qui a (presque) des allures de cathédrale, la guérite des vendeuses de billets de Loterie nationale et les acheteuses de dixièmes qui exigeaient à toute force des combinaisons de chiffres spéciales, les stations d'un métro où il y avait des wagons de première et de seconde classe, les poinçonneurs et les guichetières, aux temps où tout n'était pas encore automatisé, les jeunes mariées qui jouaient du piano (parce que c'est précisément la marque des jeunes filles bien élevées), les postes à galène, les cigares distribués comme des gourmandises…
Charmant et enlevé, Antoine et Antoinette est un peu moins réussi que seront plus tard Édouard et Caroline
et Rue de l'Estrapade,
qui se passent dans la moyenne et haute bourgeoisie, mais chaleureux et plein de ces complexes bons sentiments que la Gauche intellectuelle nourrit pour le prolétariat, qui la fascine et l'intrigue.
Palme d'Or 1947 du Festival de Cannes (ce qui est tout de même beaucoup), Antoine et Antoinette n'est pas vraiment au niveau des grands films de Becker
(Goupi mains rouges,
Falbalas,
l'immortel Casque d'or,
Touchez pas au grisbi,
Le trou)
, Becker
dont l'œuvre est exemplaire de qualité, chaleureuse, attentive, généreuse.
Quel dommage que l'édition Gaumont à la demande soit de si médiocre qualité !
Voilà une prose enflammée, emplie de verve, de tendresse et de passion pour la capitale et ses petites gens qui incite à découvrir ce film de Becker, que je regrette de ne pas connaitre comme Edouard et Caroline. Nb : il me semble que la palme d'or à Cannes date du milieu des années 50.
DVD Gaumont de "qualité médiocre" ? Je ne sais pas ce que tu mets derrière le mot "médiocre" (qui sonne de façon plus péjorative que "moyenne" par exemple… alors que les deux mots ont le même sens), mais je ne suis pas d'accord. Si l'on compare avec les autres titres années 30 / 40 sortis dans cette collection (voire chez René Chateau), je trouve qu'on est dans une moyenne très convenable. Et, dans la mesure où l'éditeur annonce clairement la couleur ("image et son non restaurés"), il n'y a pas tromperie sur la marchandise.
Sinon, le film m'a bien plu. Il y aurait de quoi faire un joli blu-ray.
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