J'ai déjà vu des films gravement barrés, ne serait-ce que ceux de Lynch, mais là ça dépasse tout ! Véritable trip dans l'inconscient d'un junkie, on y voit des machines à écrire se transformer en cafards-espions et parler avec l'anus, du trafic de viande de mille-pattes, Roy Scheider
déguisé en Monique Mercure, j'en passe et des bien pires. Ce n'est jamais ridicule, souvent fascinant et c'est du pur Cronenberg.
Absolument unique.
C'est le meilleur film de Cronenberg et en plus le DVD est superbe, l'image parfaite. Une vraie beauté.
Un film impressionnant sur les troubles de personnalité d'un individu, qui passe son temps à endosser les habits d'un grand nombre de personnages, dans un but pas très clair ! Les visions cauchemardesques qui nous sont montrées à l'écran réservent ce spectacle à un public averti !
Eraserhead, Lost highway,
L'exorciste,
… abordaient le sujet de manière convaincante, sous des angles divers et variés, mais ce film là les dépasse peut-être en visions hallucinées, reproduisant les cauchemars du héros qui se shoote aux insecticides (un produit contre les cafards, c'est dire !). La mise en scène, déstructurée et volontairement incohérente (tout le monde ne l'a pas compris ainsi, soit dit en passant) renforce cette ambiance glauque, qui oppresse complètement le spectateur.
Anecdote amusante : un de mes amis (il ne m'en voudra pas de raconter cette anecdote, d'autant que c'est un cinéphile champion toute catégorie) qui sortait d'un banquet bien arrosé, a du quitter la salle au bout de deux minutes, quand les insectes se sont mis à grouiller.
Une descente aux enfer impressionnante (thème de prédilection d'un autre grand cinéaste, Abel Ferrara) filmée de manière convaincante, et qui nous interpelle sur un sujet délicat.
Je suis d'accord, c'est le meilleur film de Cronenberg, son plus fou, celui qui nous fait le plus plonger en nous-même.
Le festin nu est effectivement magnifique, mais depuis Cronenberg
a fait Les promesses de l'ombre
et A history of violence.
Maintenant, lequel est le meilleur?
Je pense également qu'il s'agit du meilleur film de Cronenberg ! J'étais fou de joie à l'époque de la 1ère édition française en DVD que j'ai acheté aussitôt ! à noter que la musique d'Howard Shore et Ornette Coleman est également un chef d'oeuvre, un mélange de tango symphonique lent et de freejazz déjanté (mélange symphonique-jazz que le saxophoniste Ornette Coleman avait également entreprit lui même dans les années 70).
Il faut franchement le voir pour le croire ! surtout que les effets spéciaux (non numériques je crois) font vraiment "réels" et organiques.
Ah, les ruelles tortueuses de l'interzone, ses espions déguisés en détectives des années 40, ses insectes géants amateurs d'éphèbes… Effectivement, beaucoup d'originalité et adieu le politiquement correct.
Et quelles substances faut-il fumer pour avoir de telles visions ?
La réponse est dans le livre éponyme ;) (juste parcouru, pas encore lu en entier pour ma part…)
Le Festin Nu est mon film préféré de Cronenberg,
suivi de près par Les Promesses de l'Ombre.
L'ambiance cauchemardesque est parfaite, largement aidée par cette musique Free Jazz évoquant la folie, la tourmente mais aussi la nuit et la luxure. Seule la fin nous laisse apercevoir le ciel blanc et froid de l'Annexia, une nouvelle zone encore inexplorée du cerveau de notre detective malgré lui, car tout au long de cette intrigue jouant avec les codes du polar, nous sommes enfermés, emprisonnés dans son esprit torturé et blasé : l'Interzone, où la lumière du soleil se fait rare.
Comme il a été dit plus haut, ce n'est jamais ridicule, ce qui est la preuve indéniable du talent de son réalisateur qui jongle parfaitement avec le kitch et l'angoisse, tout est impeccable, le jeu étrange des acteurs (Peter Weller est extraordinaire), les situations et hallucinations terrifiantes (Cloquet et son éphèbe), les couleurs ambrées, la lumière nocturne, l'image n'a pas vieilli et les effets spéciaux sont toujours aussi bluffants car parfaitement intégrés au décor sans aucun trucage numérique, le Mugwump par exemple est criant de vérité.
Pour l'anecdote dont j'ai déjà parlé sur je ne sais plus quel fil, l'écrivain du livre éponyme, William S. Burroughs, aurait réellement tué sa femme en jouant à Guillaume Tell…
C'est également mon film préféré de Cronenberg, j'ai dû le voir seulement 2 fois mais je m'en souviens comme si c'était hier ! (c'est d'ailleurs aussi le cas pour "Crash" que j'ai pourtant détesté à sa sortie mais dont je me rappelle encore).
Le canadien a l'art de nous scotcher immédiatement avec une imagerie littéralement dantesque (le mot n'est pas trop fort, relire les passages les plus fantastiques de "L'enfer", notamment les métamorphoses et les descriptions des monstres), un univers à la fois repoussant et attirant, et le tout baignant dans la superbe musique pour grand orchestre d'Howard Shore.
Tout à fait d'accord avec ces visions infernales. D'autant plus que la caméra est souvent dirigée vers le sol. Le dehors est toujours suggéré par des fenêtres ouvrant sur des décors factices, on a constamment cette impression d'être à l'intérieur d'un cocon malsain, de manquer d'air frais, même quand l'action se déroule à l'air libre, c'est souvent la nuit et le ciel semble absent. Le labyrinthe étouffant de l'Interzone paraît alors encore plus opressant et sans issue aérienne. Je pense que le film a principalement été tourné en studio, comme souvent avec Cronenberg, qui aime maîtriser sa lumière de A à Z, on ne peut que saluer le résultat.
Naked Lunch de Cronenberg
est sorti en 1991. Selon Alain Boillat :
"Il s’inscrit dans le genre du biopic, qui se caractérise par une dimension biographique, voire hagiographique (il s’agit le plus souvent de « grands hommes », ou du moins de figures ayant acquis une visibilité dans la sphère publique) ; ils (les biopics tels que Le Festin nu) engagent le processus de l’adaptation cinématographique d’un texte littéraire, qui induit un transfert sémiotique et soulève des interrogations propres à la recherche d’« équivalences » entre les deux médias ; enfin, leur organisation relève à certains égards de la « mise en abyme », ménageant ainsi, pour reprendre l’expression de Lucien Dällenbach qui a théorisé cette pratique, une « enclave entretenant une relation de similitude avec l’œuvre qui la contient », sur le modèle des blasons étudiés en héraldique, soit dans un contexte originellement visuel (c’est au romancier André Gide que l’on doit la généralisation du terme dans la théorie littéraire).
Le premier roman de BurroughsM : Je n’accepte pas cette interprétation catholique de mon besoin de réécrire chaque mot au moins cent fois… La clef c’est la culpabilité, pas le péché. Coupable de ne pas écrire mieux, de ne pas étudier chaque donnée sous tout les angles et tout mettre en balance.
H : Et la culpabilité de censurer ta pensée ? Tes pensées primordiales les plus honnêtes… C’est ce que tu fais en t’escrimant à réécrire.
M : Réécrire c’est censurer Bill ? Si oui, je suis foutu…
B : Faut exterminer toute pensée rationnelle. Voilà ma conclusion.''
Ces points de vue divergents font référence au style de chacun et notamment trois œuvres fondatrices de la Beat Generation : On the Road , roman autobiographique que Jack Kerouac aurait écrit d’un seul jet en trois semaines (selon la légende) sur un rouleau de papier de 36,50 mètres de long ; Howl, le poème célèbre d’Allen Ginsberg, emprunt d’un stylisme où chaque mot a été pensé et chaque phrase travaillée ; et enfin The Naked Lunch de William S. Burroughs
qui "extermine toute pensée rationnelle".
Bien que The Naked Lunch soit considéré comme une œuvre emblématique de la Beat Generation, Burroughs a toujours nié son appartenance à ce mouvement. Cronenberg
ne présente donc pas le personnage de Lee comme un écrivain mais comme un exterminateur d’insectes qui apprend que sa femme se drogue avec son produit insecticide. Les substances psycho-actives s’inscrivent dans le genre fantastique : La viande séchée de "centipède", une créature marine ressemblant à un mille-pattes-géant, peut se consommer en intraveineuse quand elle est réduite en poudre noire et fait office de substitut à la poudre jaune insecticide. Le mucus de Mugwump, une créature de The Naked Lunch, s’ingère en tétant les tentacules visqueux sur son crâne.
Cronenberg porte un intérêt particulier au rapport de l’écrivain à son outil. Les machines à écrire deviennent vivantes, prenant l’aspect d’insectes nuisibles, renvoyant au travail d’exterminateur de Lee mais aussi au rapport conflictuel que Burroughs
entretient avec sa production littéraire qui n’est pas une activité consciente dans le film, au même titre qu’un refoulement freudien. Lors des discussions avec son confrère Tom Frost, il transparait que les deux personnages on des affinités avec leurs machines qui seraient plus adaptées à une production particulière selon leur marque. Lorsque Lee emprunte la Marinetti de Frost, sa Clark Nova exécute sa rivale sans aucune pitié en accusant Lee de trahison. La Clark Nova qui prend l’apparence d’un cafard lorsqu’elle se manifeste est finalement prise en otage par Frost qui la torture à mort. Lee récupère la Marinetti détruite pour la refondre et en obtient une tête de Mugwump qui laisse son précieux nectar couler lorsque Lee tape sur les touches situées sur la bouche… Quel message symbolique en tirer à part que cette relation est aussi de nature palpable, fusionnelle, charnelle, voire, pornographique. La séquence ou Lee et Joan Frost enfoncent ensemble les touches de la Moudjahidine en érection est très explicite. Cette scène tourne à la copulation frénétique où même la machine participe aux ébats des deux personnages. L’écriture est personnifiée, ou plutôt animalisée, grâce à ce bestiaire mutant évoquant volontairement de la répugnance pour le spectateur sensible – une transposition, en quelque sorte, de l’outrance qui fut responsable du scandale provoqué par la soi-disant obscénité de l’œuvre originale.
Ce lieu imaginaire où l’inspiration de l’écrivain prend sa source est présenté au spectateur par le biais de l’Interzone, endroit légendaire de l’œuvre de Burroughs qui, concrètement, se situerait à Tanger au Maroc, lieu de prédilection de plusieurs écrivains des années 1950-70, mais n’a pas de définition géographique claire dans le film de Cronenberg.
Burroughs
y rencontra Paul Bowles, l’auteur d’Un thé au Sahara,
alias Tom Frost dans le film, mais aussi Kiki, dont le nom a été conservé pour ce personnage qui révèle au spectateur l’homosexualité de Lee. Tanger est un lieu récurrent dans la vie de Burroughs
mais aussi dans son œuvre. Cronenberg
fait de l’Interzone "non plus un lieu réel mais un état d’esprit, une matérialisation de la paranoïa du personnage principal." (Pierre Véronneau) . Un salon oriental rassemble des écrivains semblant venir de tous les horizons. Un travelling nous les révèle fumant et buvant le thé tout en tapant sur leurs machines à écrire. Le lieu s’apparente à une sorte de havre de l’écriture. C’est ici que Lee se fait offrir une substance hallucinogène par Joan Frost. Il y rencontre des personnages suscitant le désir. D’autres personnages comme Hans lui fournissent les renseignements nécessaires afin d’accomplir la mission pour laquelle il s’est exilé en Interzone.
Ben dites donc, Torgnole, vous aviez quitté DVDToile depuis trois ans ou quelque chose comme ça, mais quand vous revenez, vous ne ménagez pas nos méninges.
je n'ai pas encore lu la totalité de votre message, qui doit être le plus long jamais déposé sur ce site, mais je m'en régale d’avance, même si je n'ai jamais lu une ligne de Burroughs et si Cronenberg
ne m'a jamais séduit…
Merci pour votre réaction Impétueux. Eh oui, ça fait une paye que je ne suis pas intervenu sur Dvdtoile même si je viens vous lire de temps en temps. L'Écriture est une maladie incurable que je pratique tous les jours mais la critique cinématographique ne me stimule plus autant qu'avant. J'y reviendrai probablement un jour. En attendant, j'ai retrouvé ce long texte dans mon disque dur. Autant en faire profiter ceux que ça pourrait intéresser. A bientôt.
On sait bien et on se le confirme avec une minimale culture littéraire que tous les personnages du Festin nu sont la représentation de personnages réels : Hank (Nicholas Campbell)
, c'est Allen Ginsberg et Hans (Robert Silverman), c'est Jack Kerouac (à moins que ce ne soit le contraire), de la même façon que le couple homosexuel (chacun de son côté !) de Tom (Ian Holm)
et Joan Frost (Judy Davis)
sont Paul et Jane Bowles.
Dans la tête de tous les protagonistes, dans leurs têtes fêlées, ridicules et malades passent des dizaines, des centaines, des milliers de fantasmes. Des fantasmagories répugnantes ou quelquefois – rarement – grisantes. Est-ce que tout cela est une forme métaphorique de l'action d'écrire, de ce qu'elle arrache à ceux qui s'y donnent ? Je veux bien, mais je ne suis pas absolument persuadé que le passage par les drogues les plus dures soit le chemin le plus convaincant.
J'admets pourtant bien volontiers que la lutte avec la machine à écrire – avec les diverses marques de machines à écrire – est une métaphore satisfaisante du combat compliqué avec l'écriture que ceux qui pratiquent ce merveilleux vice connaissent bien. Et je suis de fait bien d'accord que c'est souvent l'écriture qui dicte la pensée, comme, dans le film, l'emploi de certaines formules suscite une réaction violente instantanée. Et donc que puissent se mêler, dans un cerveau percé de mille drogues et de mille abus sexuels, au milieu d'un Tanger interlope, fantasmé, refuge commode pour cerveaux torturés, des visions horribles et des abjections grouillantes.Je n'ai rien contre les films qui instillent un malaise, si profond qu'il puisse être. Mais j'aime choisir mes dégoûts. Et ceux du Festin nu n'en font pas partie.
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