Un admirable mélodrame d'une splendeur plastique extraordinaire.
Un film d'un pessimisme incroyable qui a très vraisemblablement inspiré les Damnés de Visconti.
Un chef- d'oeuvre absolu de Minnelli, l'un de ses films les plus personnels et pourtant un film sous-estimé dont l'édition en DVD serait la bienvenue.
Il y a de nombreuses incohérences de scénarios (que Minnelli a d'ailleurs lui-même reconnu) dues aux desideratae des producteurs, qui tenaient notamment à ce que le film se passe pendant la seconde guerre mondiale (au lieu de la première, selon le script de départ). Que vient faire par exemple le personnage de Glenn Ford à Paris ?
Minnelli s'en sort pourtant très bien, avec son talent habituel, mais selon moi, il ne s'agit là que d'un très bon film, inférieur à une dizaine d'autres de ses films.
La qualité du sujet, de la réalisation dans tout ce qu'elle inclut ne peut que susciter chacun à vouloir voir et revoir ce splendide "mélo" de Minelli pendant cette "seconde guerre mondiale" sachant que l'action initiale des "4 Cavaliers de l'Apocalypse" se déroule en 1914/1918…
Je partage l'avis de celui qui a comparé "Les 4 cavaliers de l'Apocalypse" aux "Damnés" de Viscomti même s'il est des différences. Mais côté côte qualité, tout à fait d'accord.
Quelle émotion de voir galoper dans le ciel de Paris occupé par les Allemands, dans un fracas de tonnerre et de trompettes, les quatre cavaliers de l'Apocalypse !
Quelles images fabuleuses, fleuron du cinéma de Vincente Minnelli !
Une scène parmi d'autre me revient : Julio (Glenn Ford), peintre argentin oisif, emmène sa maîtresse Mme Laurier (Ingrid Thulin) danser dans une boîte parisienne. Des officiers allemands sont présents. L'un d'entre eux, un général, lorgne la belle, et compte bien en faire son déssert, ayant appris que son cavalier n'est pas son mari. Survient un officier SS (Karl Boehm), qui lui glisse à l'oreille que le cavalier, s'il n'est pas le mari de la jeune femme, est son propre cousin. Le général s'excuse. L'officier SS s'esclaffe devant le désir de son collègue : "Pardonnez-moi mais cela m'amuse d'imaginer que quelqu'un prétende enlever à mon cousin sa cavalière !"
Le général se vexe : "Je ne suis pas n'importe qui ! Je commande la place de Paris !" L'autre répond suavement : "Peut-être, mais mon cousin est artiste… Il est maître d'un domaine beaucoup plus vaste…"
On retrouve bien là l'opinion de Minnelli sur l'art et les artistes…
Vrai mais il y a aussi la notion de la connaissance et de la maîtrise de la culture vis-à-vis d'un individu dont le seul privilège est sa fonction. La phrase est donc à double sens. Mais c'est très vrai que c'est un film magnifique et d'une rare beauté plastique. Et les scènes finales sont extraordinaires. Il convient aussi de ne pas oublier ce double jeu que mène Julio. Superficiel mais qui observe et redistribue l'information dans le cadre de la guerre secrète. Il sait qu'il va à la mort tandis que les 4 cavaliers se repaissent des évènements…
Il faut, pour apprécier Les quatre cavaliers de l'Apocalypse conserver une réelle tendresse pour le grand cinéma international des années fastes : cinéma construit avec de grands moyens financiers, empli de figurants nombreux et de décors chatoyants, bâti avec des distributions très internationales, construit avec de hautes vedettes issues de plusieurs pays, miraculeusement rassemblées et des seconds rôles qu'on reconnaît ici et là en s'étonnant de les voir à l'affiche d'un film de la Métro Goldwyn Mayer et de son lion rugissant.
Grand mélodrame donc, et vaste fresque qui s'allonge sur la décennie accablante de la montée des périls, des triomphes des démons, de leur reflux, plus tard de leur écrasement. Et qui a l'étrange qualité de focaliser son orientation un peu au delà des protagonistes habituels du second conflit mondial, tout en les y liant, parce qu'on ne peut guère échapper au cataclysme. Le scénario est extrêmement habile qui met en scène deux familles alliées, l'une d'origine française, l'autre d'origine allemande rassemblées, en Argentine, par la fortune de L'Ancien Julio Madariaga (Lee J. Cobb). Argentine que L'Ancien voudrait voir comme un Nouveau Monde, mais où les Germains sont fascinés par la fureur sacrée du national-socialisme et où les Français n'ont de cesse que de retrouver les raffinements de France. Posées ainsi, les prémisses ne peuvent que se développer vers les évidences, au fur et à mesure que les symboliques cavaliers de l'Apocalypse, le livre illuminé de Saint Jean, la Conquête, la Guerre, la Pestilence et la Mort commencent à ravager la Terre. La neutralité, dans ce monde-là, n'est qu'un vain mot, une vague espérance de passer entre les gouttes. On n'est jamais indemne : lorsque Julio (Glenn Ford), le fils préféré de la branche française issue de Marcelo Desnoyers (Charles Boyer) tente de maintenir un semblant de légèreté et d'insouciance dans le Paris de l'Occupation, de ne faire qu'aimer Marguerite Laurier (Ingrid Thulin), dont le mari Étienne (Paul Henreid) est prisonnier de guerre, il se heurte vite à l'arrogance boche et à l'obligation de prendre parti. D'autant que, de l'autre côté du spectre, la partie allemande de la famille, l'oncle de Julio, Karl von Hartrott (Paul Lukas) et son cousin Heinrich (Karlheinz Böhm) se sont résolument engagés sous le drapeau à svastika. Voilà qui peut faciliter bien des choses, aux moments où on manque de beaucoup et où on a besoin de sacrés coups de pouce pour faire libérer Chichi (Yvette Mimieux), la sœur de Julio, engagée avec exaltation dans la Résistance mais voilà des services qu'on doit bien payer un jour ou l'autre.Parfait mélodrame, donc. Une histoire où le mari trompé revient de captivité pour découvrir la femme infidèle, où le patricien hédoniste Marcelo communique à son fils Julio la honte de sa lâcheté, où le général de la Wehrmacht qui commande le Grand Paris et convoite le corps de Marguerite, se fait humilier par le colonel SS Heinrich, qui a l'esprit de famille, mais mijote sa vengeance, où la torture finit par avoir raison du courage du chef de réseau Étienne…
Je suis assez conscient que, si l'on n'a pas vu le film, on ne comprendra pas grand chose aux lignes que je viens d'écrire : c'est que, précisément, le mélodrame est si riche en complications de récits et en retournements de situations qu'on s'y peut facilement perdre. mais qu'on se rassure : Vincente Minnelli mène tous ces fils de façon si experte qu'on se régale devant les constantes surprises qu'offre son scénario. Et, naturellement, il filme cela dans un enchantement de couleurs et de mouvements de caméra, dans des décors magnifiques : Paris capté dans sa grande beauté, quai d'Orléans sur l'Île Saint-Louis, beaux hôtels particuliers, appartements raffinés…Je ne suis pas absolument certain que j'aurais choisi Glenn Ford, trop rural, top brut pour incarner le personnage principal (j'aurais aimé quelqu'un du type Gregory Peck, plus civilisé), mais le reste de la distribution est impeccable. Du très beau travail hollywoodien, ce qui n'est pas forcément, dans ma bouche, un reproche. Pour une fois.
Page générée en 0.0050 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter