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Sujet : Beau film, beau témoignage historique


De vincentp, le 23 novembre 2007 à 21:06
Note du film : 5/6

Curieux film à vrai dire, annonciateur du néo-réalisme, avec son intrigue à la campagne, et ses personnages ordinaires. L'histoire a peut-être un peu vieilli. Visconti (pour ne parler que de lui) a sans doute fait mieux par la suite avec Les amants diaboliques, sur un sujet très voisin.

Mais la façon de filmer de Renoir est tout simplement magnifique. L'auteur sort le bon plan au bon moment, et tout s'enchaine à la perfection, générant une émotion authentique. Le talent de conteur de Renoir, qui manie habilement suspens, humour, et tout un tas d'ingrédients que l'on pourrait s'amuser à recenser (avec un peu plus de temps), est ici évident.

On retient aussi de cette histoire un authentique témoignage historique, relative à l'intégration relativement compliquée des italiens pendant l'entre deux guerres, occupant à cette époque les emplois les moins considérés au sein de la société française.


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De Gilou40, le 25 mars 2010 à 02:39
Note du film : 5/6

Il n'existe pas de DVD de Toni ?? Il faut dire qu'habituée à ma vieille cassette, je n'avais pas pris le temps de me renseigner. Alors d'abord et avant tout, un vote !

Savez vous pourquoi j'aime le cinéma de Renoir ? Parce que c'est le seul cinéaste qui sache vraiment filmer des nuages dans un ciel. Ah ! les nuages de Renoir…Cette langueur, cette façon de nous dire que nous passons….Alors vous me direz que dans le crime de monsieur Lange, tourné juste après Toni, ça n'est pas probant, d'accord. Mais dans Les bas-fonds, la bête humaine, et ce Toni, c'est magistral. Un autre cinéaste avait cette faculté là : Pagnol. Je plains les gens qui ne ressentent rien à la vue d'un gros nuage dans le ciel. Mais je ne vous parle pas de ces nuages annonciateurs de pluie. Non. Je veux évoquer ces gros nuages blancs et joufflus dans un ciel d'été parfaitement bleu…

Mais revenons à notre Toni. Voilà une œuvre, un film, loin d'être le meilleur de Renoir --Au fait, quel est le meilleur ?-- qui vaut quand même un très grand détour. Aujourd'hui, il aurait sa place sur Arte. Parce que, plus que la fiction qui se laisse voir avec plaisir, c'est vrai qu'il est aussi un reportage, un documentaire sur une situation socialo-politico-économique dont Vincentp parle mieux que moi.

Ce qui fait le charme de ce film, c'est le "naturel" avec lequel il est joué. En exagérant à peine, j'ai envie de dire que c'est le Farrebique de Renoir. Ça sonne faux, c'est un peu gauche, maladroit dans les expressions les plus prononcées. Rappelez vous la scène du crime ou Célia Montalvan tire sur Max Dalban : Ça frise le grand guignol… et c'est pourtant génial. Même Charles Blavette, notre Toni en rajoute dans des sentiments qui ne sont pas à sa taille. Mais, bizarrement, on est avec lui, sous cette casquette vissée. La simplicité de cet homme va de mise avec cette région aride, ce travail pénible, ces jours désespérés, et son cœur en constante recherche d'un bonheur qu'il sait illusoire. Et quand Toni ôte sa casquette devant sa Josépha, c'est tout le monde du cinéma qui se découvre devant Renoir

Blavette vedette….Déjà ! A ma connaissance, seul Pagnol avait poussé, à la demande d'Andrex, cet industriel devant les caméras. Il fut très remarqué dans Angèle et, passé le Toni, il ne cessera de l'être jusqu'à Archimède le clochard ou il fut imposé par un Gabin qui avait de la mémoire….Je sais qu'il figura encore après dans une poignée de films que je ne connais pas. Mais entre temps il nous fit l'honneur de sa présence dans d'innombrables chefs-d'œuvres : Regain, La femme du boulanger, L'étrange monsieur Victor et vous connaissez forcément les autres, tous les autres. On est pas sur un site de cuisine…

Toni, c'est donc une histoire simple, dans un cadre dépouillé, avec des personnages titubant constamment sur le fil d'une vie que l'on subit… Avec ses bons, ses méchants, ses petites gouapes, ses filles faciles et ses grands cœurs. Andrex sera la gouape de service. A-t-il fait autre chose dans l'histoire du cinéma ? Marie, Jenny Hélia est la brune au grand cœur qui attendra que le démon de midi qui brûle Toni s'apaise un peu et oublie une autre brune aussi moins sage que paumée, Josépha. Soumise au méchant Max Dalban, son mari, elle accepte résignée, une vie d'esclave. Une histoire sans héros. Sombre sous un soleil de plomb. Une histoire banale, simplement magnifiée par le génie d'un Renoir formidablement inspiré par un midi désenchanté…

Des scènes cultes ! Le long, très long travelling sur le pont (de Gustave Eiffeil ?) ou Toni court, court, et court encore à perdre haleine . La scène que j'ai évoqué plus haut. Quand Josépha tue son Albert et souteneur (ou peu s'en faut) de mari. Ou encore le moment ou Toni aide Josépha et lui arrache un baiser avec l'aide… d'une guêpe aventureuse. Et je me demande pourquoi ces scènes sont devenues cultes, puisque tellement banales. Je crois que cela s'appelle la magie d'un metteur en scène. Des Italiens qui arrivent travailler en France, une idylle qui se noue et finira dramatiquement, d'autres Italiens qui reviendront. C'est ballot ? Non, pas chez Renoir… Il vous en fait une vie magistrale pour des cœurs qui n'étaient pas près à tant de remous. Et le chœur des gens simples en est la musique la plus belle…

Un beau film, une belle peinture du monde ouvrier dans sa simplicité la plus crue. Alors on nous dit que ce film est le début du "néo-réalisme", mais voilà des mots qui me dépassent un peu et je ne m'étend pas la-dessus. Mais je sais qu'il y a dans ce long métrage des nuages qui passent dans le ciel. Ils sont comme les hommes dans une vie. Comme les femmes dans le cœur des hommes. Toni en est mort. C'est beau, les nuages, dans un ciel bleu. Comme nous, ils passent…


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De vincentp, le 25 mars 2010 à 09:29
Note du film : 5/6

Nuages dans le ciel (marques comtemplatives) : une figure récurrente du cinéma de Ozu bien sûr (quelques nuages blancs dans un ciel bleu, comme par exemple herbes flottantes-deux personnages portent leur regard en même temps vers deux nuages, de mémoire-), Kurosawa Rhapsodie en aout, Pandora, Les nus et les morts, Le plaisir aussi (de mémoire, parfois trompeuse)…

Et un titre emblématique : Nuages flottants de Naruse !

Tarkovski, cinéaste au style contemplatif par excellence, s'intéresse non pas aux nuages mais à l'eau verdatre qui serpente sur le lit d'une rivière, ou qui stagne dans un étang (selon le caractère plus ou moins dynamique de l'intrigue ou selon les états d'âme des personnages).

A ce sujet, il me semble que Renoir est un cinéaste qui s'appuie énormément sur l'élément liquide dans ses films (fleuves et rivières). Je rends le micro à Gilou40 qui va nous donner son impression à ce sujet.


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De Impétueux, le 25 mars 2010 à 19:27
Note du film : 4/6

Andrex sera la gouape de service. A-t-il fait autre chose dans l'histoire du cinéma ? demande incidemment Gilou40 dans son message sur Toni

Je ne suis pas un parfait spécialiste de ce délicieux marlou marseillais, mais je l'invite à voir Derrière la façade de Georges Lacombe où, en brave garçon amoureux, il est dans un contre-emploi parfait.

Je n'ai jamais vu Toni et je n'ai jamais eu pour Jean Renoir une admiration absolue ou plutôt… complète ; AlHolg emporterait avec lui La règle du jeu ? Fort bien… moi j'hésiterais entre Le crime de Monsieur Lange qui incarne si bien les folles aspirations du Front Popu, La grande illusion, pour les acteurs immenses et les dialogues de Charles Spaak, Une partie de campagne, pour avoir si bien capté la noirceur de Maupassant, ou encore French cancan pour la couleur et la musique…

Mais rien qui me semble parfait…


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De vincentp, le 25 mars 2010 à 22:51
Note du film : 5/6

Au travers de mes notes, je lui ai attribué les chefs d'oeuvre suivants : Le fleuve, French cancan, Boudu sauvé des eaux, La grande illusion, La règle du jeu, Partie de campagne (ayant vu 20 de ses films).


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De Gilou40, le 26 mars 2010 à 00:40
Note du film : 5/6

Bon : Il faut que je réponde aux hommes, au vrais, aux durs, aux tatoués !

Alors, par ordre d'apparition à l'image :

A Vincentp : il me semble que Renoir est un cinéaste qui s'appuie énormément sur l'élément liquide dans ses films (fleuves et rivières). Je rends le micro à Gilou40 qui va nous donner son impression à ce sujet.

Renoir s'appuie sur l'élément liquide… Vous savez, cher (je peux vous appeller "cher" ?) Vincentp, j'ai déjà précisé que je n'étais pas ce que vous êtes : Cinéphile. Mais seulement spectatrice. Alors vous contredire est une chose qui ne m'éffleure même pas. Moi, je regarde un film sans les yeux "rayons X" qui caractérisent justement les cinéphiles auquels rien n'échappent. J'ai vu des nuages. Je les ai vu parce que c'est, pour moi, un des plus beaux spectacles qui soient. L'analyse ne va pas plus loin que les frissons dans mon dos… Alors, l'élément liquide sur lequel s'appuierait Renoir….Pardon.

A Alholg : (Qui ne m'a rien demandé, d'ailleurs ). Cher (je peux vous appeller " cher ? )Alholg, si je devais partir sur une île déserte, ou je serais ravie de vous rencontrer, je crois quand même que j'emmenerai avec moi La bête humaine

A Impétueux que je me garderai bien d'appeler "cher", vu la giroflée que s'est prit le dénommé Image : Oui, je connais cette petite perle de Derrière la façade et la prestation d'Andrex. Je me suis peut-être un peu emportée dans mon jugement . Il a été Paulus dans Si Paris nous était conté, Tisalé dans Adhémar ou le jouet de la fatalité (dont mon avis a laissé tout le monde de marbre !) ou encore Pelletan dans La cuisine au beurre…Nous sommes d'accord ! Mais, honnêtement, si on fait les comptes, il a plus souvent guetté le gendarme que défendu l'orpheline…..Non ?


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De vincentp, le 26 mars 2010 à 09:52
Note du film : 5/6

Présence de l'eau dans Le fleuve, Boudu sauvé des eaux, Partie de campagne, Déjeuner sur l'herbe, L'étang tragique, La femme sur la plage, L'homme du sud

Bravo à Gilou40 pour son enthousiasme face aux films de Renoir, puis pour sa chronique !


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De Impétueux, le 22 mai 2011 à 09:45
Note du film : 4/6

Admirateur affirmé, et tout autant lucide de Renoir, j'ai profité de l'édition bien médiocre du DVD dans la collection Gaumont à la demande, aussi minimaliste que du René Château (mais plus élégamment présentée), pour découvrir un film jamais encore vu. Je l'ai trouvé bien maladroit et pataud, bien inférieur à La chienne et à Boudu sauvé des eaux qui le précèdent dans la filmographie du fils d'Auguste.

L'histoire est épouvantablement mal racontée, truffée d'invraisemblances qui ravalent le cinéma au rang de la pantomime (la guêpe bloquée dans le haut de la robe de Josépha et qui attend patiemment pour piquer sa proie qu'on déshabille à demi sa victime ! le gendarme en patrouille qui, caché derrière un pin, assiste fortuitement au manège de Toni voulant maquiller l'assassinat d'Albert en suicide) ; et malgré l'abondance de très belles scènes d'extérieur (le gigantesque viaduc qui franchit le canal de Caronte, reliant l'étang de Berre à la Méditerranée, les explosions de la carrière), il me semble voir bien des maladresses (ainsi cette campagne où se croisent et s'entrecroisent, comme sur une scène de théâtre, et sans les conventions d'icelui, des tas de passants, d'observateurs et de protagonistes : on ne se croirait pas sur un chemin mal carrossé, mais sur la place de la Concorde à sept heures du soir !). Les dialogues sont également bien mitigés, et présentent des faiblesses. Manquent les talents de Jacques Prévert ou de Charles Spaak qui feront tant pour Le crime de Monsieur Lange ou La grande illusion.

Pataud, maladroit, artificiel. Et pourtant bien intéressant. Parce que Renoir filme à merveille, parce que les personnages qu'il détaille et les situations qu'il met en scène sont d'une précision extrême et que, presque paradoxalement, les faiblesses de l'anecdote disparaissent – sont estompées, plutôt – par la véracité des caractères.

En tout cas de plusieurs des personnages : je serai moins affirmatif pour les deux canailles, Albert (Max Dalban) et Gaby (Andrex), d'une telle outrance dans la veulerie et la malfaisance crapuleuse qu'on n'y croit guère. Et si Toni (Charles Blavette, étonnant) fait tout de même un peu couillon, son ami Fernand (Édouard Delmont) est très bien dans la générosité affectueuse. Mais les meilleurs rôles sont ceux des deux femmes, Marie (Jenny Helia), passionnément possessive et surtout Josepha (Célia Montalvan), coquette, facile et résignée tout à la fois, génératrice de tous les drames, allumeuse et sacrifiée…

Que dire encore ? Que le côté pamphlet social, mis en valeur ici et là, et notamment dans un carton du générique qui indique que le film a été tourné dans une région méridionale où la nature assure la fusion des races, me semble bien artificiel, plaqué et, pour tout dire, superficiel. Renoir jouait, à l'époque à être communiste, sous l'influence de sa militante compagne Marguerite Houllé, alors que sa désinvolture hédoniste ne le désignait nullement à être le cinéaste officiel du stalinisme français. Et d'ailleurs, la séparation avec Marguerite accomplie, il quittera prudemment la France pour les États-Unis en admirant au passage, ainsi que le rapporte Henri Jeanson, la force et la discipline allemandes.

Superficiellement, donc, on peut voir dans Toni une prise de position humaniste où les travailleurs immigrés italiens et espagnols triment, au grand soleil écrasant des Martigues sous la conduite d'un contremaître aussi odieux qu'autochtone, et représentent des valeurs de partage et de camaraderie. Mais si l'on veut bien noter que l'oncle de Josépha, Sébastian (André Kovachevitch), lui-même espagnol d'origine, est devenu un propriétaire terrien assez envié pour que ses vignes et ses champs soient l'enjeu majeur des manigances et canailleries d'Albert et de Gaby, on n'y retrouve moins ses (généreux !) petits. En vérité, Renoir, sur un récit un peu convenu et une trame à la mode, place ses cœurs, ses passions et ses caractères.

Arrive ce qui doit arriver : c'est très bien comme ça !


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