On retrouve dans Attache-moi le style à la fois sophistiqué, cru, et plein d'humour du cinéaste ibérique. Cru par les situations (deux femmes sont montrées par exemple en train d'uriner sur des toilettes) et les dialogues, mais juste ce qu'il faut pour ne pas faire fuir les spectateurs : un humour omniprésent désarmorce l'aspect choquant liées à ces situations physiologiques. Ainsi l'excellent Antonio Banderas ouvre-t-il le robinet d'eau pour faciliter l'évacuation de la miction de sa compagne d'infortune. Sophistiqué d'autre part par les parti-pris esthétiques (reposant sur des formes géométriques variées et des couleurs éclatantes), par l'écriture (qui distille au compte-goutte des informations permettant de comprendre la psychologie tortueuse des personnages).

Le style est au service d'une histoire sacrément bien troussée (le suspens est souvent haletant) et intéressante. Chaque personnage du récit, aussi secondaire soit-il au déroulement de l'intrigue, possède une psychologie affirmée. L'histoire de ces personnages est intégrée dans un récit qui aborde des sujets de société (les relations homme-femme dans une société moderne et capitaliste), et qui délivre, tel un accouchement dans la douleur, une vision de l'humanité, particulièrement optimiste. Comme dans d'autres de ses films des années 1990 (les oeuvres des années 2000 de ce cinéaste sont plus sombres), cette oeuvre d'Almodovar se singularise par une joie de vivre et un optimisme forcené, lequels triomphent des vissicitudes de la vie. Autant de caractéristiques liées sans aucun doute à la réussite économique et politique de l'Espagne de cette époque, et aussi tout simplement à la consécration du cinéaste au plus haut niveau de son art.

Almodovar brasse avec ce long-métrage, de façon très talentueuse, une multitude d'ingrédients, pour délivrer une oeuvre maitresse du cinéma contemporain, susceptible de toucher de façon intime un large public (âgé de plus de seize ans…). Un alliage parfait et moderne entre un cinéma d'auteur et de divertissement.

J'aime beaucoup Pedro Almodovar. Comme vous Vincentp, j'ai de l'estime pour ce cinéaste et je ne comprends pas le peu d'enthousiasme qu'il suscite ici. Qui à part lui peut actuellement prétendre au titre de meilleur cinéaste européen ??

Néanmoins j'ai un souvenir un peu mitigé de ce film, mais il est probable que les conditions dans lesquelles je l'avais visionné ont contibué à ne pas l'apprécier à sa juste valeur :vhs en vf..

Sur un sujet similaire, celui de la séquestration homme-femme, je me souviens avoir été davantage marqué par L'obsédé de William Wyler. Les deux films sont complémentaires: la violence et la profondeur des sentiments sont au coeur du film de Wyler. A contrario, le film de Pedro Almodovar donne dans la folie (notamment sexuelle) qu'il manque au film précédent..

A revoir en ce qui me concerne, les films du maestro résistent à plusieurs visions, et se bonifient même..

C'est vrai que Almodovar est rarement au centre des préoccupations sur DVDToile. Pour ma part, je n'ai vu que Parle avec elle et Tout sur ma mère, qui ne m'ont pas déplu malgré leur style un peu "bourratif", mais auxquels je n'ai pas vraiment adhéré. A retenter un jour, probablement, comme Antonioni dont nous parlions ailleurs…

Le meilleur cinéaste européen actuel ? Ne cherchez plus, ami Verdun : c'est Kusturica !

Et de loin !

Le point de vue de Impétueux est intéressant. Des amis cinéphiles et moi-même sommes tombés d'accord pour trouver un grand nombre de similitudes entre Kusturica et Almodovar : construction sophistiquée des récits, personnages extravagants, thèmes de l'amour et de la souffrance, humour omniprésent, qualités formelles des oeuvres, place centrale de la musique… Ces deux cinéastes se sont vraisemblablement influencés mutuellement.

D'abord, c'est bien vrai : "Attache-moi" "Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter çà ?".

Intéressant de lire les avis de Vincentp et la réponse-interrogation de notre ami Impétueux.

En ce qui me concerne, j'avouerai éprouver beaucoup de difficultés à pouvoir donner une note aux films d'Almodovar. Il y a des moments qui, pour ne pas dire géniaux, sont intenses et où on donnerait la note maximale, et il en est d'autres aussi intenses où on donnerait la note minimale dans la mesure où on peut s'interroger sur les volontés réelles du metteur-en-scène par rapport au public, pas forcément par rapport à son public. Il possède un public d'inconditionnels.

Mais, pour le moins, Almodovar ne laisse pas insensible. Et par rapport à Antonioni, on est confronté à des sujets où on se sent nettement plus à l'aise pour les aborder et les comprendre.

C'est vrai que les derniers films d'Almodovar apparaissent plus sombres. Mais ne révèle-t'il pas sa vraie nature ?